L’énorme concession de Bouteflika

Pour célébrer comme il se doit le 61e anniversaire du déclenchement de la lutte armée, le pouvoir fait une concession de taille à une opposition politique qui a fait de cette revendication son principal cheval de bataille : une commission indépendante de surveillance des élections. Ces dernières étaient jusque-là contrôlées par le ministère de l’Intérieur et le doute s’installait à chaque scrutin.
Le projet de Constitution prévoit un mécanisme indépendant de contrôle et de surveillance des élections ainsi que l’attribution d’un rôle actif à l’opposition, dont la saisine du Conseil constitutionnel. Ces deux articles seront en effet introduits dans la prochaine Constitution qui verra bientôt le jour, selon le président Bouteflika.
La commission nationale de contrôle des élections, sous son ancienne formule, a connu des déboires dès son institution au début des années 1990.
Les partis de l’opposition ont boycotté dans leur majorité ses travaux, jugeant que cette structure présentée par le gouvernement n’a qu’un rôle consultatif. Présidée par le ministre de l’Intérieur et celui de la Justice, la commission est chargée de veiller au bon déroulement du scrutin et d’assurer le respect et la transparence des opérations électorales, de l’inscription sur les listes jusqu’à l’annonce des résultats.
Si la commission tient des réunions régulières avec les dirigeants des partis en vue de leur permettre de suivre les préparatifs des élections, elle n’est pas pour autant obligée de tenir compte des suggestions et remarques des chefs de parti. Les formations de l’opposition souhaitent donc participer de manière plus active à l’encadrement des élections, en siégeant dans ladite commission.
Encadrement des élections, élaboration des projets de loi électoraux, établissement de l’agenda des échéances, le ministère de l’Intérieur a tout le monopole sur le dossier électoral. L’opposition a toujours affirmé vouloir « imposer » des « élections transparentes » au pouvoir, qu’elle soupçonne de vouloir « instrumentaliser » les institutions responsables des scrutins.
Théoriquement, tous les acteurs politiques défendent cette autonomie, car tous peuvent la clamer mais, souvent, pour l’opposer aux adversaires politiques. En pratique, on a l’impression que chacun rêve d’une commission nationale sous sa coupe comme garantie des victoires électorales.
En réalité, les acteurs politiques placent continuellement l’administration électorale sous leur contrôle par le mode de désignation de ses membres. Est-elle suffisamment garantie dans le cadre juridique électoral comme dans le mode de désignation de ses membres ? Quels avantages offre un organe de gestion des élections totalement indépendant ?
Comment garantir davantage l’indépendance et le professionnalisme de cette structure ? Telles sont certaines de questions que vont se poser les partis des l’opposition, car l’Algérie n’a jamais connu d’alternance démocratique pacifique depuis l’organisation des toutes premières élections démocratiques en 1990.
L’instauration prochaine d’une commission électorale indépendante est un progrès indéniable, mais cette indépendance structurelle ne signifie pas nécessairement et n’induit pas automatiquement une indépendance d’action sur le terrain. Certes, elle va jouir de l’autonomie de gestion de son budget, mais celui-ci est largement tributaire du bon vouloir du gouvernement. A se demander s’il ne s’agit pas d’un calcul politicien.
Le mode de désignation directe des membres de la future commission pose déjà problème : tant que ce mode restera éminemment politique, il sera difficile de garantir pleinement son indépendance d’action. Clamer l’indépendance de cette commission ne signifie pas nécessairement qu’elle est indépendante de fait.
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