Le Président et le Premier ministre démissionnent
Le Yémen, pièce maîtresse dans le dispositif américain de lutte contre Al-Qaïda, était hier sans gouvernement et sans président après la démission des deux chefs de l’exécutif sous la pression de la puissante milice chiite des Houthis qui contrôle la capitale Sanaa.
Le Parlement, qui doit se prononcer sur la démission du président Abd Rabbo Mansour Hadi, ne peut quant à lui se réunir que demain en session extraordinaire. La tenue de cette réunion reste toutefois incertaine vu l’imposant déploiement des miliciens d’Ansar Allah, aussi appelés Houthis, dans la capitale.
Ces miliciens, qui ont pris mardi le palais présidentiel, encerclent depuis la nuit dernière le siège du Parlement ainsi que les résidences de hauts responsables, dont celle du ministre de la Défense Mahmoud Sobeihi et du chef des services de renseignement Ali al-Ahmedi, selon des témoins et un responsable de sécurité.
Les Houthis, du nom du chef de la tribu, ont appelé leurs partisans à manifester hier pour marquer leur « soutien aux mesures révolutionnaires », en référence à leur déploiement dans Sanaa.
« Le Parlement va tenir dimanche une session extraordinaire pour discuter des développements dans le pays », sur appel du président de la Chambre, Yahya al-Rai, a rapporté l’agence officielle Saba hier avant l’aube.
Un responsable yéménite avait initialement affirmé que le Parlement avait refusé le départ du président, et qu’il devait se réunir hier pour discuter de cette démission qui doit être approuvée par les députés. Mais, selon un conseiller du président Hadi, le Parlement se réunira dimanche « au plus tôt ». « Je ne pense pas qu’une réunion soit possible vendredi », a dit Sultan al-Atwani, soulignant que le Parlement était entre deux sessions, et qu’il fallait laisser le temps aux députés de rentrer.
Dans sa lettre de démission, le président Hadi a affirmé jeudi soir qu’il ne pouvait plus rester au pouvoir en raison de « l’impasse totale » dans le pays plongé dans le chaos. Sa décision est intervenue peu de temps après la démission de son Premier ministre Khaled Bahah. Ce dernier a évoqué son intention de se démarquer du président Hadi, dont il semble contester les concessions faites aux miliciens chiites.
Le président Hadi, un allié crucial des Etats-Unis à qui il a permis notamment de mener des attaques de drones contre des militants d’Al-Qaïda sur son territoire, était dans la ligne de mire d’Ansar Allah, qui l’a accusé de « couvrir la corruption ».
Le Yémen est notamment la base d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), considérée par Washington comme le bras le plus dangereux du réseau extrémiste, et qui avait revendiqué l’attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier.
La lutte contre la corruption est un leitmotiv récurrent du discours politique d’Ansar Allah que le mouvement chiite invoque, en plus de la lutte contre Al-Qaïda, pour justifier son expansion territoriale.
La milice, entrée le 21 septembre à Sanaa avant d’en prendre quasi-totalement le contrôle ces derniers jours, a réagi mollement à ces démissions.
« La Constitution stipule que la démission du président doit être approuvée par la majorité absolue du Parlement », selon un communiqué des Comités révolutionnaires Houthis publié vendredi. « Par conséquent, la démission est encore en attente ».
Les miliciens détiennent toujours le directeur de cabinet du président Hadi, enlevé la semaine dernière, malgré leur promesse de le libérer au terme d’un accord conclu mercredi avec le président démissionnaire.
Ils semblent hésiter, selon des spécialistes, à prendre la direction du pays en raison de leur manque d’expérience politique et des réactions violentes que cela susciterait dans les rangs de la communauté sunnite, majoritaire, notamment sa frange dure et les djihadistes d’Al-Qaïda.
Ces derniers ont tenté, au fur et à mesure de la montée en puissance d’Ansar Allah, de leur opposer une farouche résistance, multipliant les attaques sanglantes contre eux.
Récalcitrantes à Ansar Allah, quatre provinces du Sud du Yémen, autrefois indépendant, ont décidé de refuser les ordres envoyés par la capitale aux unités militaires locales, et de n’obéir qu’à des hommes fidèles au président Hadi.