Le président du SNPSP au Jeune Indépendant : « L’intérêt collectif va de pair avec la défense de l’intérêt national »
A l’occasion de la célébration de l’anniversaire de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), le 24 février, le Dr Lyès Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), a abordé, ce samedi, avec le Jeune Indépendant la symbolique de cette date historique pour le mouvement syndical algérien.
Il relate également l’évolution de ce mouvement au fil des époques ainsi que les défis qui ont été relevés par les syndicats autonomes afin de défendre les droits des travailleurs et l’unité nationale dans la lignée de leurs aînés.
Le Jeune Indépendant : A l’occasion de la célébration de l’anniversaire de la création de l’UGTA, que représente cette date historique pour le syndicalisme algérien ?
Dr Lyès Merabet : En tant que syndicaliste mais également en tant que citoyen algérien, cette date est hautement symbolique car elle marque la naissance du premier mouvement syndical algérien. Des travailleurs militants algériens se sont affranchis de l’organisation syndicale de la France coloniale et se sont regroupés pour participer activement à la guerre de libération nationale pour l’indépendance de l’Algérie au prix de multiples sacrifices. Ainsi, c’est l’essence même du syndicalisme algérien, qui est la défense de l’intérêt collectif qui va de pair avec la défense de l’intérêt national.
Ensuite, dès l’indépendance, l’UGTA a joué un rôle crucial dans la mobilisation et l’organisation des travailleurs. L’organisation a contribué à la construction de la nation en participant à l’élaboration des politiques sociales et économiques, à la défense des droits des travailleurs et à l’amélioration de leurs conditions de vie.
En plus de l’UGTA, divers syndicats sectoriels et organisations de masse ont vu le jour, tels que l’Union nationale des femmes algériennes (UNFA) et l’Union nationale de la jeunesse algérienne (UNJA). Ces organisations ont joué un rôle important dans la consolidation des acquis sociaux et la promotion du développement national.
Jusqu’à l’avènement de la crise économique des années 1980, qui a mené aux manifestations d’octobre 1988, marquant un véritable tournant dans l’histoire politique du pays mais également dans l’histoire du syndicalisme en Algérie. L’UGTA et ses organisations de masse n’était plus l’unique voix des travailleurs mais d’autres voix ont émergé avec la pluralité des syndicats autonomes.
Quels sont les défis majeurs auxquels font face les syndicats autonomes ?
L’avènement du pluralisme syndical à la fin des années 1980 a marqué une nouvelle ère pour le mouvement syndical algérien. Avec la nouvelle Constitution de 1989 et les lois sociales qui ont suivi dès le début des années 1990, de nombreux syndicats autonomes ont émergé, apportant une diversité de voix et d’approches dans la défense des droits des travailleurs. Je tiens à souligner que le SNPSP est le premier syndicat autonome à avoir été enregistré en tant que tel.
Cela a été facilité, à l’époque, notamment par le fait que le corps médical était déjà organisé sous forme d’association et avait déjà gagné une forme de confiance des autorités de l’époque. Toutefois, les syndicats autonomes devaient relever plusieurs défis, le premier étant le fait de gagner cette reconnaissance des pouvoirs publics, mais surtout de l’opinion publique en tant que partenaire social et représentant des travailleurs.
Le deuxième était de s’organiser et de se structurer dans le cadre de la réglementation et des lois de la République. Un travail énorme a été fait durant ces années pour convaincre les travailleurs d’adhérer au syndicat autonome en tant que force de proposition et de négociation. Il était important pour nous de gagner cette reconnaissance afin de pouvoir être associés et concertés.
Il faut savoir que durant les années 1990, la lutte syndicale s’est focalisée sur deux fronts principaux. Le premier est la préservation des acquis sociaux durement acquis face à la crise économique et aux politiques d’ajustement structurel, le deuxième défi est la défense de l’unité nationale dans un contexte marqué par la violence terroriste. Les syndicats algériens, qu’ils soient affiliés à des syndicats autonomes ou à l’UGTA, ont joué un rôle important au prix de nombreux sacrifices et de martyrs dans les rangs des syndicalistes afin de contribuer, aux côtés d’autres patriotes, à empêcher le pays de tomber dans le chaos.
Ensuite, depuis les années 2000, le mouvement syndical a connu une phase de consolidation et de développement. Un travail important a été réalisé pour renforcer l’organisation et la structuration des syndicats autonomes, ainsi que pour élargir leur base d’adhésion.
Plusieurs actions ont été menées par les syndicats autonomes, à l’instar de l’organisation de manifestations et de grèves pour défendre les droits des travailleurs et protester contre les injustices sociales. En outre, le travail des syndicats s’est attelé à la sensibilisation des travailleurs à leurs droits et devoirs, et pour la construction d’un mouvement syndical qui soit une véritable force de proposition et de concertation.
Avec la Constitution de 2020 et les deux nouvelles lois, notamment la loi 23/02 relative au droit syndical, une nouvelle ère de changement positif est constatée. Un cadre réglementaire garantissant la négociation collective, la médiation et l’arbitrage a été mis en place pour favoriser un dialogue social constructif entre les travailleurs, à travers des espaces de dialogue social et de concertation au niveau national et sectoriel.
Justement, quelle est votre analyse des apports de la nouvelle loi syndicale ?
Il faut savoir que cette nouvelle loi dédiée au droit syndical (loi 23/02) est une avancée significative pour le mouvement syndical. Elle est l’aboutissement d’un combat constant. Même si nous continuons à émettre des réserves sur certains articles et continuons à œuvrer à leur révision.
Parmi les points positifs, la facilitation des procédures de création de syndicats, fédérations et confédérations. Il est important de souligner que cette loi vise à garantir le libre exercice du droit syndical et à protéger les organisations syndicales et leurs membres. Elle constitue une avancée majeure par rapport à la loi précédente 90/14. Les principales dispositions sont la reconnaissance du droit de tous les travailleurs de constituer des syndicats et d’adhérer à l’organisation de leur choix. Concernant les négociations collectives, avec cette nouvelle loi, il y a un renforcement du rôle des syndicats dans la négociation.
Par contre, nous appelons à ce que le règlement s’applique à tous et donc que l’UGTA s’aligne sur cette nouvelle réglementation. Elle devrait contribuer à améliorer le dialogue social et la protection des droits des travailleurs en Algérie. Aujourd’hui, il est important de mettre en exergue que la voix des travailleurs doit être sur la table des négociations.
Il s’agit également de défendre le droit des travailleurs en s’appuyant sur un argumentaire conforme à la réglementation et aux lois de la République afin d’aller vers des solutions pérennes, dans un esprit de dialogue et de concertation, pour éviter les crises sociales.
C’est pour cela qu’il est important pour les syndicats d’aller vers la création de fédérations et de confédérations pour pouvoir aborder des problèmes de fond avec les autorités publiques en toute sérénité. Finalement, il faut comprendre que les syndicats, qui luttent pour la défense de l’intérêt du collectif, se battent également pour la défense de l’intérêt national.