Le Pr Sahel:« Il n’y aura pas d’amendement à l’avenir »
A deux semaines du rendez-vous du 1er novembre, la révision constitutionnelle ne cesse de faire débat. Le professeur en sciences politiques et juriste, Makhlouf Sahel, est revenu ce mercredi lors de son passage à la Radio nationale, sur les nouveaux amendements constitutionnels apportés. Il a fait état de « nombreuses avancées » en termes d’équilibre des pouvoirs, de l’indépendance de la justice et des libertés. Il estime, cependant, qu’il n’y aura pas de révision constitutionnelle à l’avenir car une telle démarche devra répondre à des situations politiques et économiques qui nécessiteront un amendement.
Le Pr Sahel considère que la sémantique de l’architecture des pouvoirs a changé du fait que le constituant (comité d’experts, ndlr) a départagé le champ d’action. Chose qui se manifeste, a-t-il expliqué, à travers la répartition des chapitres de la nouvelle constitution en fonction des différents pouvoirs. Ce qui met, poursuit le juriste, « le président de la République au-dessus de la mêlée politique en incarnant l’unité, la souveraineté de la nation ».
Interrogé sur le modèle du régime, le politologue considère qu’il se place « entre le régime présidentiel et semi-présidentiel » au vu des prérogatives concédées au Parlement, et que le constituant « a essayé de focaliser sur les points positifs de chacun des types de régime connus universellement ».
Il cite, à ce titre, la prorogation de la durée de l’état d’exception, où le constituant a mis en place « un verrou parlementaire ». C’est-à-dire que toute décision prise dans ce type de situation exceptionnelle impliquera l’approbation des membres du Parlement censés représenter le peuple, décortique-t-il.
Evoquant l’état d’empêchement du président de la République (Art. 94), le professeur estime que les concepteurs du nouveau document ont veillé à tenir compte de l’expérience vécue par le passé avec l’ancien régime, définissant toutes les possibilités qui pourraient avoir lieu dans ce sens. Sur ce point, il précise que les nouveaux amendements dotent la Cour constitutionnelle de prérogatives lui permettant d’exercer « le contrôle constitutionnel judiciaire », en « constatant et s’assurant effectivement de l’état d’empêchement ». S’ajoutent à cela, dit-il, les dispositions de contrôle en la matière attribuée, dans le même document, au Parlement. En somme, le juriste estime que la composante humaine de la Cour constitutionnelle tend à renforcer « les modes de contrôle constitutionnel judiciaire et non politique, comme c’est le cas avec l’actuel Conseil constitutionnel ».
Concernant la limitation des mandats présidentiels (art. 88), l’intervenant rappelle qu’il y a un retour à l’ancien schéma adopté dans la Constitution de 1996, sauf que les amendements stipulent, cette fois , que l’exercice des deux mandats peut se faire de manière consécutive ou séparée.
Sur l’envoi des unités de l’Armée nationale à l’étranger, l’expert considère qu’il s’agit « d’un point positif et « d’une avancée remarquable, surtout que le pays se trouve entouré d’une véritable ceinture de feu et que l’insécurité de la région s’avère chronique.
A propos de la consécration des libertés à même de garantir à la population une participation active à la vie politique, l’analyste estime que « ce droit a été renforcé » dans le cadre de ce qu’il qualifie « une citoyenneté positive et responsable », reprenant ainsi la notion du philosophe américain John Dewey.
Autre amendement dans le registre de la justice : l’indépendance de cette dernière est garantie par le Conseil supérieur de la magistrature (Art. 180) qui, de l’avis du juriste, vient satisfaire une revendication de larges pans dans la classe politique, en coupant le lien ombilical entre l’Exécutif incarné par la présence du ministre de la Justice dans la composante du Conseil supérieur de la magistrature et le corps de la magistrature.
Si certains observateurs estiment que le nouveau texte est « une Constitution d’étape », le Pr Sahel y voit « une démarche qui n’est pas liée à une personne ou à une étape limitée. Bien au contraire, elle durera dans le temps ». Il a mis l’accent sur son caractère « le plus consensuel possible ». Aussi, le juriste considère que le fait que les constantes nationales ne pourront plus faire à l’avenir l’objet d’une quelconque révision constitutionnelle permettra de préserver le triptyque sur lequel repose l’identité nationale. « Il n’y aura pas, à l’avenir, de nouvelle révision constitutionnelle car toute révision devra venir en réponse à des situations politiques ou socioéconomiques qui nécessiteront cette révision », conclut-il