Gaza : Le Monde critique le «silence» et la «coupable apathie» des grandes capitales
L’encre dans laquelle sa plume a été trempée est trop vitriolée pour ne pas être soulignée. L’éditorialiste du Monde a critiqué, dans son édition du 26 décembre, le ‘’silence’’ des responsables internationaux face au « carnage » perpétré par Israël, depuis deux mois et demi, à Gaza.
« Personne ne discute plus l’ampleur du bilan humain du carnage en cours à Gaza. Mais personne, parmi les responsables internationaux qui prétendent vouloir apporter des réponses au conflit israélo-palestinien, ne s’en émeut pour autant’’, a-t-il chargé sans le moindre ménagement.
Texte ‘’non signé parce qu’il engage le journal dans son ensemble’’ comme le rappelle le journal sur son site dans un espace dédiée aux questions professionnelles et déontologiques, l’éditorial intervenait au surlendemain d’une frappe aérienne « particulièrement meurtrière » contre le camp des réfugiés de Maghazi. 70 personnes y ont perdu la vie, selon un bilan du ministère de la Santé à Gaza.
L’absence de réactions vigoureuses dans les grandes capitales après cette énième attaque a amené le journal à manier des mots plus durs que ceux utilisés dans les jours précédents. L’éditorialiste y voit une ‘’coupable apathie, quand il ne s’agit pas d’un soutien aveugle aux destructions en cours’’.
Pour l’éditorialiste, l’indifférence ‘’coupable’’ des responsables internationaux et des grandes capitales « fait les affaires » de Benyamin Nétanyahou. Opposé à tout cessez-le-feu, le premier ministre israélien a affirmé lors d’un briefing de sécurité que l’armée d’occupation allait intensifier ses opérations dans les jours à venir, promettant ‘’une longue guerre qui n’est pas près de finir’’.
Et l’éditorialiste d’estimer que cette guerre ‘’peut continuer, de fait, tant que les Etats-Unis se satisferont du fait qu’un peu d’aide parvienne aux Palestiniens de Gaza, plongés dans un dénuement extrême, susceptibles à chaque instant d’être fauchés par les bombes fournies à l’Etat hébreu. Tel est le message adressé par la dernière résolution des Nations unies, affadie par la diplomatie américaine’’.
En deux mois et demi, la guerre contre Gaza a fait plus de 20 500 victimes palestiniennes, selon un bilan du ministre de la Santé de Gaza. La ville et sa périphérie ont été quasiment réduites en cendres. Pointant ce qu’il qualifie de ‘’coupable apathie’’ des responsables internationaux — allusion en particulier aux capitales occidentales —, l’éditorialiste leur silence. ‘’On ne peut pas plaider à Washington et à Paris pour la solution des deux Etats en acceptant la guerre sans fin que Benyamin Nétanyahou fixe à son pays comme seul et unique horizon. Il est temps de mettre fin à cette dissonance acceptée par pusillanimité’’.
Journal français le plus exhaustif dans la couverture de la guerre de Gaza en dépit de l’embargo décrété par l’armée israélienne, multiplie, depuis plus d’un mois, les ouvertures sur le conflit. Le sujet est en ‘’une’’ trois jours sur six avec une teneur qui contraste nettement avec la couverture du Figaro et des trois principales chaînes d’information (CNews, BFM et LCI). L’éditorialiste souligne à grand trait l’incapacité de Benyamin Nétanyahou de parvenir aux deux objectifs qu’il avait revendiqué dans la foulée des attaques meurtrières de Hamas : l’éradication de Hamas et la libération des otages.
« Après deux mois de bombardements sans précédent, les militaires israéliens se gardent bien de décréter le Hamas détruit », note l’éditorialiste qui ajoute : « au soir du 7 octobre, le sort politique de Benyamin Nétanyahou semblait scellé. Il était en effet comptable du fiasco du dispositif sécuritaire israélien comme de la stratégie visant à ménager le Hamas pour mieux affaiblir l’Autorité palestinienne et enterrer ainsi la perspective de la création d’un Etat palestinien (…)
Le premier ministre israélien semble aujourd’hui considérer que l’état de guerre permanent, qu’il s’efforce d’installer en jouant sur la soif de revanche de son opinion publique, pourrait lui offrir une planche de salut ».
« La guerre sans fin de Netanyahou’’ — titre de l’éditorial — participe-t-elle d’une stratégie choisie à dessein par le chef de la droite nationaliste israélienne pour reporter sine-die l’heure des comptes ? L’éditorialiste du Monde le pense. « La poursuite des opérations renvoie à plus tard l’heure des comptes et le travail d’une éventuelle commission d’enquête visant à établir les responsabilités dans la chaîne de commandement israélienne ».
Et au-delà de cette épreuve interne intenable, « la prolongation des combats permet également de garder le silence sur le sort auquel Gaza sera livrée une fois que les bombardements israéliens auront pris fin (…) Il s’agit pourtant d’une question cruciale. Relever un territoire pauvre et surpeuplé, où les conditions de vie étaient déjà critiques avant les destructions massives enregistrées depuis près de trois mois, sera en effet un préalable pour une éventuelle relance d’un processus diplomatique ».