Le monde arabe en deux entités
Lors d’une conférence au 19e Salon international du livre d’Alger, ce samedi 8 novembre, le professeur des universités à l’Institut d’études politiques de Paris, Gilles Kepel, a abordé la dynamique révolutionnaire dans le monde arabe.
Pour le professeur Gilles Kepel, les révoltes et les contestations populaires qui secouent des pays arabes depuis quatre ans ont généré deux entités différentes, une région à l’est qui « s’effondre de plus en plus, et une autre à l’ouest, où un modèle démocratique semble émerger ».
L’auteur de Passion arabe (édition Gallimard, Paris, 2013) a estimé samedi, jour de clôture du 19e Salon international du livre d’Alger, que « aujourd’hui, quatre ans après le déclenchement des révolutions arabes, deux grandes entités différentes sont apparues, une région qui s’étend de la Libye jusqu’à la Syrie qui s’effondre de plus en plus, et une autre à l’ouest ».
Le conférencier considère que « le processus d’une révolution n’est pas linéaire, il se transforme avec le temps et les circonstances, ces différentes révolutions ont connu différents ordres et différentes conséquences ». Il a rappelé que la Tunisie a organisé des élections législatives le 26 octobre dernier et dans le même pays des élections présidentielles sont prévues pour le 23 novembre prochain.
Dans ce contexte, il affirme que la Tunisie « est actuellement l’exception », parmi ces pays qui ont connu des soulèvements populaires. Il voit là « une dimension heureuse, où une alternance démocratique est dans l’ordre, et un modèle démocratique qui semble émerger ». A l’ouest de la Libye, « les sociétés de l’Afrique du Nord sont plus homogènes, le facteur de l’homogénéisation de la population l’a emporté ».
Au sujet de la deuxième entité, Gilles Kepel a soutenu que « l’antagonisme confessionnel, chiite-sunnite, dans certaines régions à l’est de la Libye – Irak, Syrie, Yémen et le Liban – , a réduit l’espoir d’une transition démocratique, où de nombreuses milices armées sont apparues ».
Il fait remarquer que ces régions connaissent « des conflits meurtriers, et les structures de l’Etat s’effondrent de plus en plus ». Gilles Kepel a affirmé que dans certains pays de la Péninsule arabique, « il y a une intervention des pays étrangers, contrairement à la Tunisie et l’Egypte, et la question reste posée, si c’est positif où négatif, cette intervention pour réussir la transition et satisfaire la volonté populaire ».
Pour ce membre de l’Institut universitaire de France, les enjeux géopolitiques ont aussi « pris en otage la révolution dans la Péninsule arabique, région riche en pétrole », à l’exemple du « cas du Bahreïn ». Aux yeux du conférencier, la coopération entre l’Europe et les pays de ces régions devrait être renforcée.