Le cosmonaute russe qui a été oublié dans l’espace

Il était le dernier citoyen de l’URSS. En août 1991, lorsque des chars étaient stationnés sur la mythique place Rouge au cœur de Moscou et que des barricades s’élevaient sur les ponts de la capitale russe alors que le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev était en vacances en Crimée, le cosmonaute Sergueï Krikalev se trouvait dans l’espace. 350 km le séparaient de la Terre. Sa station orbitale Mir lui servait de maison provisoire…et son dernier lieu de résidence dans l’ancien Etat communiste évanescent.
À trois mois de ces événements, Krikalev, 33 ans, avait été envoyé dans l’espace au sein d’un équipage qui a quitté le sol soviétique depuis le cosmodrome de Baïkonour (aujourd’hui au Kazakhstan). Sa mission devait durer 5 mois et c’est justement pour cette période que lui et son corps étaient préparés.
Contre son gré, il est le devenu dernier citoyen de l’Union soviétique. Pendant qu’il était dans l’espace, sa patrie s’est démembrée.
A l’insu de son plein gré encore, il a été forcé d’établir un record du monde de séjour dans l’espace.
Il n’y avait aucun moyen de le ramener sur terre. On lui a simplement refusé un retour sur terre. On lui a dit : le pays qui l’a envoyé dans l’espace n’existe plus. Pendant le coup d’État à Moscou, la station Mir a continué à tourner autour de la Terre. Elle n’était pas préparée à cet imprévu. L’effondrement de l’URSS a été un coup dur pour l’industrie spatiale. On a dit à Sergei que le pays n’avait pas l’argent pour le ramener. Le Centre de contrôle des vols spatiaux lui a demandé de rester à la station aussi longtemps que possible.
C’était très difficile pour lui. Le fait d’être en orbite plus longtemps que prévu a eu de lourdes conséquences sur sa santé. Les conséquences sont graves : rayonnement spatial, risque de cancer, affaiblissement du système immunitaire et surtout la peur de l’inconnu.
Sergei aurait pu quitter « Mir » à tout moment à bord de la capsule de sauvetage sur la station. Mais ce choix aurait conduit à la destruction de la station. Sergei n’a pas abandonné son poste. Sa mission a duré deux fois plus longtemps soit 311 jours supplémentaires.
Au lieu des quatre missions prévues à la station Mir, seules deux ont été envoyées. Aucune des deux missions envoyées n’a pu être dotée d’un ingénieur de vol.
Fraîchement diplômé en génie mécanique à Leningrad Krikalev est recruté en 1981 par la société RKK Energia qui construit les vaisseaux et les lanceurs Soyouz utilisés par les vols spatiaux habités soviétiques. En 1985, il participe même à la mission de sauvetage de la station Saliout 7, alors hors service à cause d’une série de courts-circuits.

Station MIR
L’hyperinflation a commencé en Russie. Le gouvernement a vendu tout ce qu’il pouvait, y compris de l’espace à la station Mir. Le Japon a acheté un siège pour 12 millions de dollars, l’Autriche pour 7 millions de dollars. Ils voulaient aussi vendre la station, alors qu’elle était encore en état de marche.
Tous les membres de l’équipage sont rentrés chez eux, sauf Sergey Krikalev. Il a pu être remplacé lorsque son poste a été acheté par l’Allemagne pour son ingénieur de vol pour 24 millions de dollars.
Sergei Krikalev est rentré chez lui le 25 mars 1992. Après l’atterrissage, un homme est sorti de la capsule avec les lettres de l’URSS sur sa combinaison spatiale. Il portait la bannière de l’Union soviétique. Il avait l’air épuisé, sa peau était pâle et farineuse. Son état laissait beaucoup à désirer. Quatre hommes l’ont aidé à descendre au sol.
Le lieu où il a débarqué, la banlieue d’Arkalyk, a cessé d’être un territoire soviétique et est devenu le Kazakhstan. Sa ville natale de Leningrad est devenue Saint-Pétersbourg. Avec son gros salaire de cosmonaute soviétique de 600 roubles, il ne pouvait acheter acheter au mieux un kilo de saucisses.
Deux ans plus tard, il recevra le titre de « Héros de la Russie ». Un peu plus tard, il deviendra le premier cosmonaute russe à voler à bord de la navette de la NASA. Dans les deux années qui suivirent, il sera le premier cosmonaute à monter à bord de la station spatiale internationale.
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