L’ANP sur tous les fronts
Jamais depuis l’indépendance du pays, l’ANP, l’Armée nationale populaire, n’aura été autant sollicitée pour assurer la sécurité. Après qu’elle ait consenti le plus lourd des sacrifices durant la décennie noire, la voilà mobilisée contre mille périls à l’intérieur du pays, aux frontières mais aussi là où on ne l’attendait pas, sur le front de la grogne sociale.
A Ghardaïa, ce sont les militaires qui s’interposent désormais entre nos compatriotes déchirés par un cycle de la violence que les politiques n’ont pas su enrayer.
Tandis que des ténors promus à la tête d’appareils politiques réclament un « Etat civil », l’ANP s’affirme comme le dernier rempart de la République face aux mille menaces… Les Algériens ne sont pas plus militaristes que les autres. Le débat politique dense et parfois houleux sur le sujet a prouvé l’émancipation d’un peuple qui doit beaucoup à l’ALN, mais qui aspire à une démocratie au standard international.
Cependant, à chaque fois que la Nation a été en danger, l’ANP a bénéficié d’un soutien inconditionnel des citoyens qui pensent que « c’est la colonne vertébrale du pays ». La guerre des Sables, lorsque le Maroc a voulu en découdre avec l’Algérie à peine sortie d’une guerre de Libération ou, plus récemment, la lutte antiterroriste racontent la collusion possible entre la société civile et l’Armée lorsque la situation l’impose.
Toutefois, la multiplicité des missions confiées au ministère de la Défense risque d’affaiblir la République parce que la situation trahit la faillite d’autres institutions.
L’échec policier
En premier lieu, on est en droit de s’interroger sur l’incapacité des autres corps de sécurité à remplir leurs missions de sécurisation du territoire. En ce qui concerne les troubles qui déchirent des Algériens à Ghardaïa, le commun des mortels ne peut que s’inquiéter de l’intervention de l’ANP. En effet, il y a un aveu d’impuissance des forces de police qui, non seulement n’ont pas pu rétablir le calme, mais en sont arrivées à vivre une crise interne frôlant la désobéissance civile.
Ensuite, l’implication des forces armées dans un conflit entre citoyens algériens ne manquera pas de porter atteinte à l’image de la démocratie algérienne. Pis encore, les observateurs avertis soulignent la déperdition en matière de lutte antiterroriste quand les commandos et autres corps d’élite sont distraits par des missions pour la stabilité intérieure.
La non-gouvernance
Ensuite, par-delà les corps de sécurité et leurs missions respectives, la promotion et la défense de la paix civile ou de la cohésion nationale incombent à d’autres institutions. Les différentes assemblées élues, les responsables de l’exécutif, du gouvernement jusqu’au fonctionnaire anonyme de la wilaya ou de l’APC, doivent tous participer à la prévention des troubles et atteintes potentielles à la sécurité des biens et des personnes.
Pour ce faire les caisses pleines de l’Etat auraient théoriquement pu les aider par les ambitieux programmes de développements, par l’éradication prétendue de la bureaucratie, par la transparence dans l’administration et les mesures contre la corruption…
Mais aucun de ces slogans ne semble avoir pu apaiser les esprits. La situation critique sur une partie importante de l’immense tracé de nos frontières, en plus d’une recrudescence de la subversion terroriste à l’intérieur du pays, suffit malheureusement à occuper l’ANP. Il faudra donc que les autres démembrements de l’Etat s’arrangent pour assumer leurs responsabilités. Il y va de l’avenir de l’Algérie.