L’année 2021 sera « difficile » pour les ménages
Avec un salaire mensuel moyen qui ne dépasse pas les 41 000 dinars, les ménages arrivent difficilement à subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. La crise sanitaire causée par la Covid-19, avec ses répercussions multiples, ne fait que compliquer les conditions socioéconomiques pour les Algériens dont le pouvoir d’achat ne cesse de dégringoler. Dans cet entretien au Jeune Indépendant, le professeur d’économie Brahim Gendouzi estime que l’année 2021 s’annonce difficile pour le consommateur. Les pouvoirs publics sont amenés à mener une double bataille, contre la Covid-19 et contre la récession économique.
Le Jeune Indépendant : Ces derniers jours, plusieurs produits de base ont connu une augmentation considérable. Cette flambée des prix ronge davantage le pouvoir d’achat des Algériens, qui risque de s’accentuer l’année prochaine, d’autant que l’inflation devrait atteindre 4,5%. L’année 2021 sera-t-elle plus difficile pour les Algériens ?
Brahim Guendouzi : En premier lieu, la hausse brusque des prix sur certains produits peut s’expliquer par la perturbation des circuits de distribution à la suite des difficultés d’approvisionnement et de la pression sur la gestion des stocks en cette période de pandémie Covid-19, où plusieurs producteurs éprouvent des difficultés à organiser leurs activités en raison des mesures sanitaires draconiennes prises par les pouvoirs publics dans la plupart des pays.
Par ailleurs, la politique volontariste annoncée implicitement dans la loi de finances 2021, qui vient d’être votée par le Parlement, fait ressortir un niveau des dépenses de fonctionnement élevé alors que les recettes sont en baisse, que ce soit de la part de la fiscalité ordinaire avec la baisse d’activité des entreprises, que de la fiscalité pétrolière avec la chute des exportations à près de 23 milliards de dollars pour 2020. L’énorme déficit budgétaire attendu plus une dette interne conséquente vont probablement entraîner une pression inflationniste pour 2021, dont l’estimation est de 4,5%.
Mais il faut craindre que la hausse des prix sera plus forte dans la mesure où l’Algérie importe énormément de produits de l’étranger, aussi bien pour les besoins des entreprises que pour la consommation des ménages, et que la monnaie nationale amorce, ces dernières semaines, un processus de dépréciation qui se répercutera automatiquement sur les prix des biens importés. En définitive, l’année 2021 risque d’être difficile pour les consommateurs en raison de la baisse de leur pouvoir d’achat mais aussi du risque de perturbation qui existe dans les circuits de distribution si la pandémie venait à durer encore dans le temps.
Selon vous, que faut-il faire pour amortir l’impact de cette crise et sauver le pouvoir d’achat des Algériens ? Une revalorisation des salaires peut-elle être une solution ?
La crise sanitaire a entraîné en premier lieu une perte de revenus d’une catégorie de travailleurs, comme les ouvriers du BTP ou les saisonniers. Il a fallu une aide directe de l’Etat de 10 000 DA pour qu’ils puissent subvenir à leurs besoins. Ensuite, une partie des artisans a été privée d’activité (chauffeurs de taxi, transporteurs, restaurateurs, etc.) et l’Etat est intervenu aussi pour leur allouer une allocation mensuelle de 30 000 DA. Une grande partie des entreprises, particulièrement les PME, sont dans une situation financière peu reluisante et risquent même de déposer le bilan. Aussi, le défi à relever est beaucoup plus celui de la sauvegarde de l’emploi que celui du pouvoir d’achat. D’autant plus que les salariés qui disposent d’un revenu stable ont réduit d’eux-mêmes leur niveau de consommation par précaution, car la crainte de lendemains incertains est maintenant omniprésente.
Depuis la première vague de Covid-19, beaucoup ont perdu leurs postes d’emploi et d’autres ont vu leur activité à l’arrêt dans le cadre de la lutte contre le nouveau coronavirus. La crise économique et sociale sera-t-elle plus dangereuse que la crise sanitaire ?
En cette période trouble, caractérisée par une crise sanitaire sans précédent due à la pandémie de la Covid-19, l’économie nationale est entrée en récession avec une contraction du PIB. Ceci correspond à un recul de la consommation et de l’investissement privés ainsi qu’à la chute des investissements publics. Plusieurs secteurs vont subir des coupes budgétaires car l’économie nationale fonctionne au ralenti et l’Etat doit faire des arbitrages financiers afin de garantir, autant que faire se peut, une rationalisation des dépenses en vue de parer au plus urgent, à savoir la gestion de la crise sanitaire. Aujourd’hui, une autre démarche s’impose. Elle consiste à renverser la récession pour aller sur une trajectoire de croissance économique tout en tenant compte de la pandémie, dont l’évolution demeure à ce jour incertaine. Autrement dit, les pouvoirs publics doivent mener deux batailles : celle contre la Covid-19 sur le plan sanitaire et une autre contre la récession économique. Il risque donc d’y avoir un effet boule de neige néfaste sur l’économie algérienne, les entreprises et les ménages.