L’ambassadeur d’Algérie convoqué à Bamako: La fuite en avant du colonel Asimi Goïta – Le Jeune Indépendant
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Nationale

L’ambassadeur d’Algérie convoqué à Bamako: La fuite en avant du colonel Asimi Goïta

L’ambassadeur d’Algérie convoqué à Bamako: La fuite en avant du colonel Asimi Goïta

Les autorités actuellement au pouvoir au Mali ont- ils dépassé les bornes ? Tout pense à le croire. Avec la convocation de l’ambassadeur algérien par le ministère malien des Affaires étrangères pour « pour élever une vive protestation du Gouvernement de la République du Mali », selon les termes du communiqué de Bamako, donne à penser que les autorités maliennes en transition  se fourvoient dans une dynamique inamicale en direction de son voisin du Nord.

En guise de réciprocité, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf a convoqué jeudi 21 décembre, l’ambassadeur malien à Alger, Mahamane Amadou Maiga. Le chef de la diplomatie algérienne a rappelé « de manière appuyée qu’historiquement, toutes les contributions de l’Algérie à la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité au Mali ont toujours reposé sur trois principes cardinaux dont elle n’a jamais dévié et dont elle ne déviera pas ».

La mise au point de Attaf
Pour Ahmed Attaf, trois principes guident la démarche algérienne au Mali. En premier lieu, « l’attachement intransgressible de l’Algérie à l’intégrité territoriale, à la souveraineté et à l’unité nationale du Mali ». Le deuxième principe, « la profonde conviction que la voie pacifique, à l’exclusion de toute autre, est la seule apte à garantir au Mali la paix, la sécurité et la stabilité de manière irréversible et durable ».

Enfin, « c’est par la réconciliation nationale et non par des déchirements fratricides récurrents que le Mali s’engagera dans une œuvre commune portée par tous ses enfants sans discrimination et sans exclusion lui assurant ultimement sa souveraineté, son unité nationale et son intégrité territoriale ».

Le 13 décembre, les Affaires étrangères algériennes ont appelé via un communiqué « toutes les parties maliennes à renouveler leur engagement dans la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger pour répondre aux aspirations légitimes de toutes les composantes du peuple malien frère à une paix et à une stabilité durables ».

Il a, en outre, été souligné à l’attention de l’ambassadeur du Mali que les récentes rencontres avec les chefs des Mouvements signataires de l’Accord de paix et de réconciliation au Mali issu du processus d’Alger « s’inscrivaient parfaitement dans la lettre et l’esprit de ce communiqué ».

Les contradictions de Bamako
La faiblesse dans la rédaction du communiqué malien se reflète dans une contradiction flagrante entre une diatribe violemment anti-algérienne et une volonté de pérenniser les Accords d’Alger, clé de voute de toute solution durable de la crise malienne.

« Le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a réaffirmé l’attachement du Gouvernement à la mise en œuvre de l’Accord ainsi que la détermination des plus hautes Autorités du Mali dans la lutte contre le terrorisme et l’insécurité sous toutes ses formes, en vue d’asseoir la sécurité et la stabilité au bénéfice de nos populations », conclu le communiqué. Une déclaration à consommation interne ? Sans aucun doute. Car le décalage est grand entre la volonté affichée par Bamako et ses actes concrets sur le terrain.

En effet, après avoir fait le vide et provoquer le départ des forces de la Minusma, sensées veiller à la mise en place des Accords d’Alger de 2015, la fièvre souverainiste du gouvernement de Bamako a provoqué un vide stratégique que les groupes armés (autonomistes Touaregs ou terroristes d’obédience takfiriste en plus des bandes de crime organisé) ont vite fait de combler. Preuve en est la récurrence des attaques armées contre les positions des Forces armées maliennes (FAMA). Il y a tout juste une semaine, une attaque terroriste a été mené contre le camp de Farabougou. Si l’armée malienne ne donne pas de bilan des pertes, selon des témoins une soixantaine de personnes auraient trouvé la mort.

Une insécurité endémique
Cet exemple de l’insécurité qui règne désormais au Mali après l’illusion de reprise de la souveraineté est révélateur d’un malaise profond. En panne d’idées et de solutions, le gouvernement du colonel Asimi Goïta opère une fuite en avant idéologique même au prix de froisser son voisin algérien ainsi que les pays et les partis ayant été derrière l’accord de paix au Mali en 2015.

La multiplication des groupes terroristes de type Jabhat Nosrat al Islam oua Al Mouslimine (JNIM), AQMI, l’Etat Islamique dans le Grand Sahara (EIGS) est non seulement le résultat direct de la déliquescence de l’Etat malien mais aussi de la non application des Accords d’Alger qui demeurent le cadre politique idéal et consensuel de sortie de crise au Mali. La montée au créneau des rebelles Touaregs est elle aussi significative d’un malaise profond installé au sein de la population du Nord du pays.

D’ailleurs, les rebelles du Cadre stratégique permanent (CSP) ont déclaré dans un document interne daté du 08 décembre vouloir instaurer un blocus des principales villes du nord du pays. Signé par le président du CSP, Alghabass Ag Intalla, le document « instaure un blocus total sur les axes allant de la frontière algérienne vers les villes de Ménaka, Kidal, Gao, Tombouctou et Taoudeni » et « concerne tous les produits et tous les moyens de transport ».

La méfiance est telle entre le gouvernement malien et les rebelles du CSP qu’un dirigeant de ce dernier considère que « Bamako ou la CEDEAO prennent des mesures impopulaires, c’est une stratégie de guerre ».

Pour Alger, une question de principe
Et l’Algérie dans tout ça ? Mue par une tradition de soutien indéfectible à l’intégrité territoriale, à l’unité et à la stabilité de son voisin méridional, Alger, chef de file de la médiation internationale dite Processus d’Alger est concerné en premier lieu par l’instabilité et la détérioration de la situation socio-politique et sécuritaire sur son flanc sud.

Le communiqué des Affaires étrangères maliennes semble omettre une donne importante : l’Algérie ne prend parti avec aucune partie dans la crise malienne. La politique de l’équidistance est le maitre mot, et le secret de la crédibilité de la médiation algérienne. Que dit le communiqué malien à ce propos ?

« Les rencontres récurrentes, aux niveaux les plus élevés en Algérie, et sans la moindre information ou implication des Autorités maliennes, d’une part avec des personnes connues pour leur hostilité au Gouvernement malien, et d’autre part avec certains mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, ayant choisi le camp des terroristes, sont de nature à entacher les bonnes relations entre les deux pays ». Une phraséologie populiste à consommation interne, mais qui risque de contrarier les relations entre Alger et Bamako.

Ce que le gouvernement malien considère à tort comme étant de l’ingérence algérienne dans les affaires intérieures du pays n’est en réalité que facilitation et concertation afin de désamorcer une crise née de la fuite en avant opérée par les autorités de Bamako dans la gestion de la question du Nord. Or, l’Algérie est impliquée à son corps défendant dans la crise malienne depuis plus de trois décennies, ce qui lui confère une légitimité et un statut d’un Etat qui  œuvre à désamorcer les crises et non pas à les provoquer.
Il s’agit d’une doctrine diplomatique à laquelle avait officiellement souscrit Bamako et réaffirmé en septembre dernier par le chef de la diplomatie malienne  lors d’une audience avec l’ambassadeur d’Algérie.

Et ce n’est pas l’audience accordée par le président de la République Abdelmadjid Tebboune à l’Imam de la Confrérie Kountiya de la République du Mali, Mahmoud Dicko, qui puisse faire de l’Algérie un Etat qui s’immisce dans les affaires intérieures du Mali, encore moins le dialogue entretenu avec des chefs de mouvements politiques du Nord de ce pays.

En étant la garante de tous les accords de paix au Mali depuis 1990, Alger sait que seul le dialogue inclusif est la clé qui permettra au Mali de sortir de sa crise multidimensionnelle. Ce ne sont pas les gesticulations ni les prises de position populistes qui feront avancer les choses. Bien au contraire.

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