Lamamra répond à Macron : La France a besoin de décoloniser son histoire
En visite officielle à Bamako mardi soir, le ministre des Affaires étrangères Ramtan Lamamra est revenu sur les propos d’Emmanuel Macron sur l’Algérie en les qualifiant de “faillite mémorielle” appelant la France officielle à décoloniser son histoire.
« Nos partenaires étrangers ont besoin de décoloniser leur propre histoire », a déclaré le chef de la diplomatie algérienne. « Ils ont besoin de se libérer de certaines attitudes, de certains comportements, de certaines visions qui sont intrinsèquement liées à la logique incohérente portée par la prétendue mission civilisatrice de l’Occident, qui a été la couverture idéologique utilisée pour essayer de faire passer le crime contre l’humanité qu’a été la colonisation de l’Algérie, la colonisation du Mali et la colonisation de tant de peuples africains », a-t-il poursuivi.
Cette « prétendue mission civilisatrice » a été la « couverture idéologique pour essayer de faire passer le crime contre l’humanité qui a été la colonisation de l’Algérie, du Mali et de tant de peuples africains », a encore rappelé Lamamra.
Le ministre des Affaires étrangères a jugé « prioritaire » cette décolonisation qui « doit s’opérer aujourd’hui ». Les propos de Macron « trahissent » une « faillite mémorielle », a-t-il dit. « Cette faillite mémorielle est malheureusement intergénérationnelle chez un certain nombre d’acteurs de la vie politique française, parfois aux niveaux les plus élevés », a regretté le chef de la diplomatie algérienne.
Cette « faillite mémorielle » pousse les relations de la « France officielle avec certains de nos pays dans des situations de crise malencontreuses », a regretté encore Lamamra qui donne sa vision de la relation franco-algérienne, et au-delà des rapports que la France doit entretenir avec ses ex-colonies africaines.
Le chef de la diplomatie algérienne a estimé que « l’assainissement » des relations avec la France passe par un « respect mutuel inconditionnel, un respect de notre souveraineté, de notre indépendance de décision », de « l’acceptation d’un partenariat sur une base de stricte égalité ».
Le ministre des Affaires étrangères a souligné la base sur laquelle les relations franco-algériennes doivent être construites. « Nous savons que dans les relations avec le partenaire français, il y a une logique de donner et de recevoir, il n’y a pas de cadeaux, il n’y a pas d’offrandes à sens unique, ce qu’il y a, ce sont des intérêts stratégiques et économiques qui ne peuvent durer et être promus que dans le respect mutuel et l’équilibre des intérêts », a fait observer Lamamra.
Le chef de la diplomatie algérienne a rappelé au président français et à ceux qui veulent « entendre la voix de la raison », que l’Afrique est non seulement le berceau de l’humanité, mais elle est « également le tombeau du colonialisme et du racisme. »
« La lutte de libération nationale du peuple algérien a contribué à l’accélération de cette histoire, et nous sommes très fiers de cette contribution à l’émancipation des peuples africains. Le destin de l’Algérie et le destin du Mali sont étroitement liés », a encore souligné Lamamra, qui a appelé la France à « décoloniser » sa « propre histoire ».
Mardi, le président de la République française, Emmanuel Macron, a souhaité « un apaisement » sur le sujet mémoriel entre la France et l’Algérie, et dit avoir des relations « vraiment cordiales » avec le président Abdelmadjid Tebboune, faisant ainsi marche arrière par rapport à ses propos tenus le 30 septembre contre les institutions algériennes.
« Mon souhait, c’est qu’il y ait un apaisement parce que je pense que c’est mieux de se parler, d’avancer », déclare-t-il dans un entretien ce mardi 5 octobre à la radio France Inter, appelant à « reconnaître toutes ces mémoires » et leur « permettre de cohabiter ». « Ce n’est pas un problème diplomatique, c’est d’abord un problème franco-français », a-t-il aussi estimé.
Emmanuel Macron a également dit avoir « confiance » en son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune. « J’ai le plus grand respect pour le peuple algérien et j’entretiens des relations vraiment cordiales avec le président Tebboune », a-t-il déclaré, liant les tensions actuelles au travail de mémoire fait en France sur la guerre d’Algérie.
« Quand la question m’a été posée sur l’accueil du rapport de Benjamin Stora en Algérie, j’ai été obligé de dire la vérité au président Tebboune, on en a parlé et c’est quelqu’un en qui j’ai confiance. Il a eu des mots amicaux et proportionnés. » Mais en Algérie, « beaucoup de gens ont insulté, parfois menacé, Benjamin Stora suite à ce rapport. On ne va pas faire comme si cela n’était rien », a-t-il poursuivi.
Il estime toutefois que ce travail mémoriel, « c’est d’abord un problème franco-français. On doit continuer à faire ce travail avec beaucoup d’humilité, avec beaucoup de respect ».