La Tunisie expulse une responsable syndicale européenne
Le président tunisien Kaïs Saïed a ordonné samedi l’expulsion de la plus haute responsable syndicale de l’Union européenne pour des déclarations qualifiées par Tunis d’«ingérence flagrante» dans les affaires intérieures du pays, a annoncé la présidence.
«Sur ordre du président Kaïs Saïed, les autorités tunisiennes ont ordonné le départ d’Esther Lynch», la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, a indiqué la présidence dans un communiqué.
Esther Lynch «a pris part à une manifestation organisée par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et a tenu des propos qui constituent une ingérence flagrante dans les affaires intérieures de la Tunisie», explique le communiqué.
Les autorités tunisiennes lui donnent 24 heures pour quitter le territoire tunisienne où elle est désormais considérée comme «persona non grata», selon la même source.
Plus tôt dans la journée, la responsable syndicale européenne avait pris part à une manifestation organisée à l’appel de la centrale syndicale UGTT dans la ville portuaire de Sfax (centre-est).
Il s’agissait d’une des nombreuses manifestations organisées simultanément dans plusieurs villes du pays pour protester contre l’arrestation fin janvier d’Anis Kaabi, responsable pour la branche autoroutes de l’UGTT et contre la dégradation de la situation économique.
M. Kaabi est en détention provisoire dans l’attente d’un procès fixé au 23 février, pour avoir lancé une grève sur les péages et occasionné des pertes financières à la société publique Tunisie Autoroutes.
Venue apporter la «solidarité de la part de 45 millions de travailleurs en Europe», Esther Lynch s’est adressée à la foule réunie dans ce bastion historique du syndicalisme tunisien. «Nous disons aux gouvernements: ne touchez pas à nos syndicats, libérez nos dirigeants», a-t-elle lancé.
L’UGTT qui s’estime «visé» par le président tunisien Kais Saied , avait annoncé pour les prochaines semaines des sit-in et rassemblements contre la politique du chef de l’État, qui devraient culminer lors d’une marche à Tunis le 11 mars prochain.
M. Saied concentre tous les pouvoirs depuis 18 mois et a révisé la Constitution pour réduire les prérogatives du Parlement et revenir à un système ultra-présidentialiste similaire à celui d’avant la Révolution de 2011 et la chute du régime de Ben Ali.
Outre les divisions politiques que ce processus a provoquées, le pays a vu son économie se détériorer avec une forte inflation (plus de 10%), une augmentation de la pauvreté et un creusement de la dette.
Motif d’inquiétude supplémentaire pour l’UGTT: des négociations avec le FMI pour un prêt de 1,9 milliard de dollars, qui pourraient entraîner de douloureuses mesures d’austérité dont la liquidation des entreprises publiques.