La Syrie face au défi de la reconstruction
Le soutien populaire et la volonté politique des décideurs en Syrie ont consacré le retour de l’Etat et des institutions, en dépit des contestations et des suspicions suscitées par les occidentaux quant au déroulement de la Présidentielle, ayant abouti, sans grande surprise, le 26 mai dernier à la réélection de Bachar El Assad. L’heure est désormais à la reconstruction de ce pays ravagé par plus de dix ans de guerre désastreuse.
Cette reconstruction, estimée entre 300 et 400 milliards de dollars, serait plus que nécessaire et pressante d’abord pour le peuple syrien, mais surtout pour la région, d’autant plus que les puissances notamment occidentales prônent le retour de la stabilité aux Proche-Orient. Prise entre deux dossiers sensibles impactant directement sur la sécurité de l’Etat sioniste, l’administration américaine de Joe Biden cherche par tous les moyens à régler les dossiers iranien et syrien, et protéger de la sorte l’entité sioniste et les pays du golf, mais bien évidemment tout en gardant la mainmise sur l’échiquier géopolitique et économique dans cette région sensible.
Plusieurs pays arabes, particulièrement ceux ayant participé à l’exclusion de la Syrie de la Ligue Arabe et contribué, financièrement et politiquement, à attiser la tension dans ce pays par le financement des groupes armés ont fait volte-face laissant la Turquie seule à gérer les paradigmes de 2011 nées du « Printemps arabe ». Plusieurs initiatives visant à rétablir des contacts directs et indirects avec l’Etat syrien, ont été annoncées, du côté saoudien comme du côté émirati. Un rapprochement qui permettra certainement à ce pays fondateur de la Ligue Arabe de récupérer son siège et sa place au sein du giron arabe.
L’implication étrangère occidentale a conféré au conflit syrien une dimension internationale, exacerbant davantage la situation des civils qui ont fui le pays par millions, et prolongeant la guerre en facilitant l’accès à des centaines de milliers de terroristes, les entraînant, les équipant et les protégeant à chaque fois que cela a été nécessaire.
L’ancien chef de la diplomatie américaine John Kerry avait fait savoir en 2014 que quelques 5000 « combattants modérés » ont été entrainés en mars de la même année en Jordanie et en Turquie avant de reconnaître plus tard que 95% de ces « modérés » ont rejoint les rang de Daech, l’organisation terroriste qui a commis en Syrie et en Irak les plus effroyables crimes jamais perpétrées avant elle. C’est ainsi que le gouvernement syrien a fait appel à ses alliés russes et iranien à l’aider à combattre le terrorisme, une option confortée par les résolutions 2247 et 2254 de l’ONU qui autorisent la communauté à combattre Daech.
D’autant que la crise en Syrie a arrangé les affaires de l’Etat hébreux, qui a profité de la faiblesse momentanée de l’armée syrienne pour porter des coups durs aux installations de la défense antiaérienne de l’armée syrienne, et ses installations militaires dans l’objectif de maintenir sa supériorité militaire dans la région, sans compter l’annexion de faction du Golan syrien avec la bénédiction de l’administration de Donald Trump.
Cette conspiration internationale contre l’Etat syrien a mis en ruine une grande partie de ses infrastructures. Des routes, des ponts, des aéroports, des écoles et même des hôpitaux ont été déracinés. Pis encore, des villes entières ont été dévastées, telles que le fleuron de l’industrie syrienne et régionale avant la guerre, la ville d’Alep, surnommée «la capitale du Nord», où des centaines d’usines et de chaînes de production ont été démontées par les terroristes.
Même si Alep et plusieurs autres villes syriennes ont repris leur souffle après une «décennie de feu », la reconstruction de tout le pays baliserait la voie aux six millions de réfugiés syriens de rentrer chez eux et à la vie économique et commerciale, lourdement impactées par la guerre et les sanctions occidentales, de reprendre.
Or, le dossier de la reconstruction de ce pays ravagé reste tributaire des enjeux politiques, car, pour les occidentaux et leurs alliés dans la région, financer l’opération est synonyme de reconnaître la victoire de l’Etat syrien et de ceux qui s’opposent à leur politique dans la région, à savoir la Russie, l’Iran et la Chine.
Un bras de fer a été déjà engagé autour de la question, entre partisans d’une aide internationale pour rebâtir la Syrie, et opposants, à leur tête les américains, qui ne veulent pas participer à la reconstruction tour en empêchant les européens de le faire en brandissant l’armé des sanctions quiconque .
A l’évidence, les Etats-Unis empêchent tout avancement dans le règlement de la crise syrienne en maintenant des forces militaires déployées dans les douze bases militaires à Hasaka, Raqqa et Deir Ezzor, en particulier à proximité des installations pétrolières et gazières le long de la frontière avec l’Irak sous prétexte de protéger les minorités kurdes et leurs bras armées le FDS (Forces démocratiques syriennes).
Par ailleurs, l’émergence d’un nouvel acteur politique dans la région, à savoir la Chine, pourrait changer la mise en faveur des syriens et renverser la vision américaine, notamment après la signature d’un accord de coopération stratégique entre la Chine et l’Iran sur 25 ans, pour la réalisation d’investissements d’un montant de 400 milliards de dollars, dans les domaines des infrastructures routières, de l’énergie, des télécommunications, de la cybersécurité et de la coopération dans le renseignement militaire. Entre temps, la Russie s’est engagée en Syrie avec 4 000 tonnes de matériel pour la reconstruction.
Cette coopération stratégique pousseraient vraisemblablement américains et européens à adapter leur postures à cette nouvelle donne qui changerait la configuration de la région, d’autant plus que les contacts sont en cours entre syriens et chinois pour la reconstruction du pays dans le cadre de la nouvelle Route la soie.