La Régie foncière d’Alger mise à l’index
Depuis le départ forcé de l’ancien DG en 2018, sous la pression du clan prédateur qui a dévasté le pays, la Régie foncière d’Alger est en proie à des pratiques peu scrupuleuses allant de passe-droits aux attributions de logements à des personnes n’ayant aucune attache avec cet organisme public dépendant de la wilaya d’Alger, selon un rapport établi par un cadre dirigeant.
En effet, des affectations de logements sociaux participatifs (LSP) ont été attribuées à des personnes habitant hors wilaya ou à des proches parents de hauts responsables de la Régie ainsi qu’à un ancien ministre sous le gouvernement de Noureddine Bedoui, qui a fait jouer ses relations pour son frère qui habite Djelfa.
Depuis 2019, plus d’une dizaine de logements ont ainsi été cédés à des personnes ne remplissant pas les critères requis pour ce genre d’opération. Toutes ces affectations ne sont pas passées par la commission d’attribution qui devait examiner ces cas. Alerté par un rapport émanant d’un directeur de la Régie foncière sur ces graves dépassements, dont nous détenons une copie ainsi que toutes les pièces justificatives (ordres de versement à la banque, etc.), une équipe de l’Inspection générale a récemment enquêté sur place. Mécontent de la tournure prise par les événements, l’actuel DG, mis en cause, aurait menacé l’auteur du rapport de sanctions disciplinaires.
Récemment, il est passé à l’acte en le dégradant de son poste avant de le muter vers un service n’ayant aucun lien avec ses qualifications. Pour rappel, dans un rapport de dénonciation portant sur la gestion du dossier de l’immobilier établi par cet ancien chef de département de la gestion immobilière, Rabah Khimoud, transmis au wali d’Alger en date du 24 juin 2020, ce dernier commence par dénoncer la politique du DG de la Régie foncière d’Alger qui a, selon lui, détourné le projet national LSP de sa vocation, faisant manifestement fi «des procédures de souscription, de sélection et d’attribution des logements», et ce au détriment des acquéreurs qui attendent depuis plus d’une quinzaine d’années».
L’auteur du rapport estime que la Régie foncière a «emboîté le pas aux promoteurs étatiques et privés dans la construction de bâtiments, avec le statut de promoteur, sans qu’elle dispose d’infrastructures appropriées, de moyens logistiques et encore moins de personnel qualifié». Tous les projets «ont été traités par des spéculations diverses ainsi que des détournements effectués sur le dos du Trésor public». Il a évoqué le détournement de plus d’une dizaine de logements LSP au profit de personnes n’ayant ni la qualité ni le droit d’acquérir ce genre de logement. Il fait également mention dans son rapport de plusieurs irrégularités.
Des dossiers volatilisés
Selon l’auteur du rapport, le DG de l’OPGI, Nadir Alim, a attribué un logement à un certain K. F., et ce en «l’absence d’une procédure d’adjudication, encore moins de la mise sur pied d’une commission qui aurait siégé pour le traitement de ce genre de transaction». Selon lui, ce logement (ordre de versement n° 2019 figurant dans le projet 94 logements Haouch Driouèche, à Draria), aurait été transformé en logement de service sans que la régie n’ait récupéré la totalité du prix de cession.
Il y a aussi l’attribution d’un autre local au profit de Hafidh Ait A., aménageable en logement d’une valeur de 7 000 000 DA, sans aucune adjudication ni tenue d’une quelconque commission rogatoire pour décider du prix de cession, dans le respect des lois et de la réglementation en vigueur, pour lequel il n’y a eu qu’un seul versement de l’ordre de 2 000 000 DA. La transaction a été réalisée de gré à gré.
Le DG de la régie foncière s’est lui-même octroyé un logement avec un versement initial de 800 000 DA, et ce en violation des procédures et des règles fixées par les différentes tutelles (Habitat, Intérieur et wilaya). Un autre bénéficiaire A. Med H., frère de l’assistant du DG, s’est vu attribuer, en date du 5 mai 2019, un logement LSP alors que le programme avait été clôturé. Il ne s’était acquitté que du premier versement. Un autre proche, B. I., père de l’assistant du DG, recruté en 2017 et dont l’âge avancé est un point négatif dans la sélection, s’est affranchi de la première tranche de versement alors que le programme était déjà clôturé. Il a ainsi bénéficié d’un logement LSP.
Le frère de l’actuel directeur du budget de la wilaya d’Alger s’est vu, lui aussi, attribuer un logement contre versement d’une somme avoisinant les 800 000 DA le 25 mai 2016. Une femme répondant aux initiales de Malika B. a, elle aussi, bénéficié d’un logement dans le cadre du programme LSP de type F3 au domaine Haouch Serbane, à Draria. Le payement s’est effectué comptant et en totale violation de la procédure de règlement du prix de cession. Un autre bénéficiaire dénommé Abdelkader B., né le 1er août 1995, vient d’être introduit dans la liste des 624 logements type LSP du quinquennat 2005-2009 à Draria. La question de l’âge n’a apparemment posé aucun problème.
En effet, il avait 10 ans en 2005 lorsqu’il a souscrit au programme LSP ! Il est le fils du chef de département technique de la régie et réside à Djelfa. Un autre responsable de la régie a, lui aussi, fait jouer ses faveurs puisque sa sœur, Sarah L., a bénéficié d’un logement sauf que son dossier est entaché d’irrégularités. Un nom est revenu pour la seconde fois, il s’agit de Saliha B., mais cette fois avec un prénom différent. Après le père, c’est au tour de la sœur de bénéficier d’un logement LSP.
D’autres fonctionnaires de la régie ont bénéficié de logements de manière suspectes. On retrouve Imene N., qui comptabilise une année d’activité, Abderrahim S., qui réside à Bordj Bou Arréridj, Hamza Y., qui réside à Bou Sâada, et Ishak A., qui réside à Batna.
Ces fonctionnaires hors wilaya ont tous une année d’activité au sein de la régie et leurs dossiers n’ont pas été complétés. Enfin, dix attributions douteuses qui, selon les dires du PDG, lui ont été imposés par la wilaya d’Alger, sont à ajouter. Il s’agit de Dania H., Mostefa B., Yasmina B., Seddik A., Nesrine R., Réda B., Aref B., Farouk B., Mohamed A. et Manel K.. Ces dix dossiers ne sont pas répertoriés ni enregistrés au niveau de la Régie foncière d’Alger, selon le document qui ajoute qu’ils ont été «cachés quelque part» pour effacer toute trace compromettante.