La mobilisation massive continue
La proposition il y a quelques jours, par le vice-ministre et chef de l’Etat-major de l’ANP le général-major Ahmed Gaïd Salah, concernant l’application de l’article 102 de la Constitution comme solution à la crise actuelle a enflammé ce vendredi encore la rue, où la voix du peuple a retenti à travers le territoire national pour le 6e vendredi de suite, réclamant le départ du système entier et pas seulement de quelques têtes.
Une proposition rejetée pour, essentiellement, deux raisons. Primo, c’est le fait que la proposition de l’activation de l’article 102 émane de l’institution militaire, qui est, selon la Constitution, censée s’occuper d’autres missions d’ordre purement sécuritaire loin de la politique. La deuxième raison, est que le recours à cette solution, selon les constitutionalistes, aurait pu être introduit en 2013 lorsque les forces dites « non constitutionnelles » se sont emparées du pouvoir durant six ans.
Ce sont les raisons pour lesquelles les affiliés de la Coordination nationale des retraités, des blessés et des radiés de l’ANP ont rejoint massivement les marches citoyennes ce vendredi à Alger. Venus des 48 wilayas, une centaine de milliers de manifestants étaient tôt le matin à la Grande Poste. Ces anciens de l’institution militaire ont organisé une des meilleures marches en termes d’agencement et de discipline. Le président de la commission juridique et des affaires consultatives de la Coordination en question, Mahfoud Moulay, a indiqué à ce titre que la présence en force des anciens de l’armée intervient suite à l’évolution de la situation, notamment la proposition émise par le chef de l’armée nationale Gaïd Salah pour appliquer l’article 102. Et d’enchaîner : « C’est insensé de parler de l’application de cet article en ce moment, car on aurait pu le faire en 2013. »
« Depuis 2017 nous contestons et revendiquons nos droits, mais depuis le 22 février, nos doléances se fondent dans celles du peuple algérien », ajoute Mahfoud Moulay. Soulignant qu’ils sortent manifester à présent pour réclamer le départ du système en bloc et dire « non » aux manœuvres tendant à étouffer le mouvement populaire.
« Il faut que le pouvoir en place comprenne une chose : c’est que le spectre de la décennie noire, qu’on ne cesse de brandir à tout bout de champ, est une manœuvre révolue, et que le peuple est conscient et veut récupérer sa liberté et sa souveraineté », dit ce responsable de la Coordination nationale des anciens militaires.
Un autre ancien de l’ANP, Abdelkader, nous a fait part de son opinion : « Nous voulons un changement radical touchant tous les aspects de la vie : politique, économique, judiciaire, et social. Nous n’allons pas lâcher notre pays, nous nous somme sacrifiés pour préserver sa sécurité des années durant et nous sommes disponibles à le faire sans ménager le moindre effort. » Non sans déclamer quelques vers des poèmes populaires glorifiant l’amour de la partie…
Par ailleurs, le doctorant et chercheur en gestion des conflits et de la construction de la paix, Adnane Chebine, a clarifié que l’institution militaire ne jouit d’aucune légitimité constitutionnelle lui permettant de se prononcer sur les solutions éventuelles à la crise que traverse le pays. Signifiant dans ce sens que cela pourrait détourner ce mouvement révolutionnaire de son cours de façon à recycler le système en place et le pérenniser. Le pouvoir, dit notre interlocuteur, continue à faire la sourde oreille à la volonté du peuple qui a d’ores et déjà prononcé son verdict et maintient le même ton depuis le 22 février.
En tout cas, la pugnacité du peuple s’affirme au fil des vendredis. Se munissant de souffle long, de solidarité et de pacifisme, les Algériens disent non au retour de ceux qui ont pillé les richesses de ce pays. Scandant à l’unisson « Klitou lebled Ya Serrakine » (vous avez dévoré le pays, Voleurs), « Nehouna Lissaba Nwalou Labess… » (Débarrassez-nous du gang, nous serons heureux). Et le combat vers un meilleur lendemain continue.