La France face à une guérilla
Horreur et stupéfaction suite aux attentats particulièrement meurtriers perpétrés dans la nuit d’avant-hier au cœur de Paris. A proximité du stade de France , au Bataclan, une salle de spectacle de renommée internationale et dans des rues de la capitale, des terroristes ont commis un carnage avant de se faire exploser ou abattre par les services de sécurté.
Etat d’urgence décrété, terminologie du pire employée par les médias et les politiques puis revendication de l’organisation Etat islamique. La France, sous le choc, se dit en guerre. Une guerre difficile contre ses enfants. Caméra.
Moins d’une année après l’expédition terrible des frères Kouachi et d’Abédi Coulibaly contre la rédaction d’un journal satirique et une enseigne alimentaire juive à Paris, voilà qu’une série d’attaques simultanées cause la mort de 128 personnes et des blessures graves à une centaine de victimes, selon le décompte officiel au moment où nous mettons sous presse.
Bandits et terroristes
Que se passe-t-il donc pour qu’une vieille démocratie au peuple apaisé, qui sait s’exprimer par les urnes ou par des manifestations pacifiques lorsqu’il n’est pas satisfait, bascule dans la violence sous les balles de kalachnikovs ?
Parce qu’en réalité et même si c’est tabou chez les voix dominantes de confondre le grand banditisme et le terrorisme, les experts en la matière savent que ces deux entreprises du crime coopèrent ou se nourrissent mutuellement.
Il y a d’abord la question des ressources humaines ; les statistiques peuvent prouver que les idéologues qui recrutent les futurs jihadistes savent sélectionner dans les rangs des durs à cuire du droit commun qui détiennent un capital de haine à l’endroit de la société et de l’Etat en plus d’une expérience certaine dans les actes de violence, l’usage des armes blanches et à feu si possible.
Les prisons et les ghettos urbains étant ciblés pour trouver pareilles recrues. Le cas de ce jeune Français d’origines maliennes, Abédi Coulibaly, illustre cette évolution de la délinquance vers le terrorisme en passant parfois par la case du grand banditisme.
Il y a forcément aussi une vulnérabilité mentale chez ces jeunes gens, très jeunes pour les kamikazes qui ont mitraillé le public du Bataclan, « la vingtaine » selon le témoignage de notre confrère Julien Pearce, rescapé de cette tragédie.
Echec scolaire ou troubles familiaux graves à l’instar de ce Marseillais abattu sur un palier d’immeuble il y a environ un mois avec deux adolescents de 14 et 15 ans, criblés de balles de Kalachnikov après avoir été déshabillés pour l’exemple par l’humiliation.
Règlement de compte autour du trafic de drogue ou attentats aux messages politiques liés à la position française dans la crise syrienne, le profil des tueurs et le mode opératoire sont similaires. Cruauté et armes de guerre. Sanguinaires et invisibles.
Le plus souvent issus de ces générations d’immigrés mal intégrées, les membres de commandos islamistes et les petites frappes sadiques du milieu du sud de la France n’ont aucun scrupule, aucune morale. Rafales nourries sur des inconnus ou barbecue (véhicule brûlé avec la victime à l’intérieur), l’objectif est de punir et de traumatiser. Double attaque, physique et psychologique.
L’Etat et les kalachnikovs
Que peut faire un Etat républicain conditionné par mille garde-fous démocratiques contre les dérives inévitables qu’implique le tout-sécuritaire ?
La loi récemment votée en faveur d’une marge de manœuvre plus large au bénéfice des services de renseignement français a soulevé ces questions fondamentales du danger que font peser les actes terroristes sur les libertés individuelles en raison de la riposte attendue des ARE, les appareils répressifs de l’Etat comme les définit le philosophe Louis Althusser.
Le conseil de la Défense qui devrait se tenir dans l’urgence et être présidé par François Hollande lui-même ainsi que les réunions d’urgence improvisées dans la plupart des pays européens qui se sentent visés par la déferlante Daesh pourront renforcer les dispositifs de sécurité, mais il n’est pas évident qu’ils puissent toucher le mal à sa racine.
Des esprits éveillés ont eu beau tirer la sonnette d’alarme à propos du curieux paradoxe français, voire occidental, de s’accommoder d’alliés obscurantistes telles les monarchies du Golfe ou les combattants islamistes qui luttent contre l’Etat syrien, en leur attribuant le qualificatif complaisant de « modérés ».
Tout comme il est difficile de comprendre comment les autorités françaises ont laissé circuler ces centaines de milliers d’armes à feu très sophistiquées, en provenance des Balkans ou d’Israel, sur le territoire français.
Une kalachnikov peut se vendre dans un appartement des Bouches-du-Rhône à 200 euros, deux chargeurs bien garnis fournis compris dans le tarif. Sur fond de résistance molle aux discours haineux produits dans les milieux salafistes ou radicaux dont les parains sont les financiers de clubs de foot populaires ou de bons clients des établissements de luxe de la Côte d’Azur.
Démission ou complicité passive de la part du pouvoir français, le débat va s’enflammer après l’émotion et le deuil. Si les Français s’inquiètent silencieusement des fusillades possibles à l’arme de guerre entre voyous gitans ou arabes du territoire mafieux marseillais, ils réagiront par millions aux rafales terroristes qui touchent d’innocents spectateurs d’un concert de musique métal.
Le laxisme des pouvoirs publics ayant permis la guérilla des voyous-jihadistes contre le peuple.