La fin du statu quo
A Boujdour, l’une des wilayas du gouvernement en exil de la RASD, dans les camps de réfugiés de Tindouf, la visite de Ban Ki-moon est attendue avec l’éternelle sagesse sahraouie : compromis entre la lucidité politique et la tradition d’hospitalité.
Les Sahraouis des camps, à l’instar de leurs compatriotes des territoires occupés ou libres, n’ignorent pas que la mission du SG de l’ONU doit aboutir à un rapport décisif, dont les conclusions seront rendues au Conseil de Sécurité vers la fin du mois d’avril. Lecture.
A la veille de la visite de Ban Ki-moon, les conférences animées par les autorités locales dans les camps des réfugiés rappellent que le peuple sahraoui se tient prêt à toute éventualité après quarante ans de résistance. Mohammed Khaddad, coordinateur de la RASD auprès de la MINURSO, la Mission onusienne chargée de l’organisation du référendum sur l’autodétermination depuis 1991, souligne l’échec de l’occupant dans son entreprise de sabotage de la visite du patron de l’ONU : « Le Maroc a envoyé ce message hostile à Ban Ki-moon lui signifiant que s’il venait à rendre visite aux citoyens sahraouis des territoires occupés, le SG de l’ONU serait reçu par les autorités marocaines, une façon de le dissuader mais ce dernier, qui va éviter pareille situation de malaise, n’a cependant pas annulé sa visite dans les camps et en territoire libéré (…) c’est en soi une grande avancée. »
Le membre fondateur du Polisario refuse cependant de verser dans le satisfecit politicien en reconnaissant, tout de même, que la mission de Ban Ki-moon ne porte pour l’instant aucune solution concrète au statu quo qui exaspère le peuple sahraoui. Un franc-parler qui n’omet pas de mettre en exergue la complicité de la France dans le blocage au niveau onusien par son soutien inconditionnel au Makhzen.
Plus que la MINURSO…
Mais, ce que l’on retiendra de cette intervention lucide et des autres commentaires des responsables politiques de la RASD qui s’exprimeront sur le déplacement du SG de l’ONU, c’est cette lecture pratique de l’événement politique.
En effet, ils sont unanimes à penser que le rapport que devra présenter Ban Ki-moon mettra fin à cette longue traversée du désert de la MINURSO dont le mandat doit expirer le 30 avril 2016.
Répondant à la question du Jeune Indépendant, Mohammed Khaddad n’exclut pas une nouvelle voie dans le règlement du contentieux, pourvu qu’elle respecte le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, en explicitant que certaines parties de la médiation internationale tendaient à vouloir écarter à la fois la solution référendaire et, bien entendu, le projet de large autonomie proposé par Rabat.
Lorsque nous interrogeons d’autres militants, il en est qui considèrent que la décolonisation pourra se faire par un retrait de l’occupant si l’ONU venait enfin à adopter des résolutions contraignantes.
Optimisme lucide
A ce sujet, chez les Sahraouis, on se réjouit de la contre-offensive des alliés objectifs de la cause. La tension entre l’UE et le royaume chérifien depuis qu’un tribunal de l’UE a décidé, en décembre dernier, d’invalider un accord agricole en raison de la spoliation des richesses du Sahara occidental, anticipe en quelque sorte sur les voies et moyens que pourraient faire valoir la communauté internationale pour en terminer avec l’impunité dont profite le Maroc.
Les Sahraouis ont aussi apprécié la mise en marche d’un mouvement de boycott des produits ou ressources naturelles volés au Sahara occidental et vendues par l’occupant. Le consortium scandinave, client en phosphate ou les négociants suisses en fruits et légumes donnent l’exemple en refusant de cautionner le pillage.
Le boycott pénalisant le colonisateur à un double niveau, celui du tarissement possible des revenus indus, et celui de la sensibilisation à la cause contre le fait colonial, anachronisme insupportable qui s’oppose aux principes universels de droit à l’autodétermination des peuples.
C’est donc dans un contexte de batailles remportées par la résistance que le SG de l’ONU vient effectuer sa visite.
Au moment où l’espoir renaît chez les opprimés qui vivent dans des conditions précaires depuis des décennies, Ban Ki-moon doit se rendre dans les camps de réfugiés de Tindouf et à Bir Lahlou, localité située en territoire libéré supervisé par les soldats de l’ONU.
Il y constatera la justesse des synthèses de Christopher Ross, son envoyé spécial qui a su témoigner, malgré les pressions du Maroc, de la détermination du peuple sahraoui à recouvrer son indépendance volée par l’invasion marocaine au lendemain du départ des colons espagnols. Une réalité qui impose la rupture avec le statu quo quand la jeunesse du Sahara occidental tend à vouloir reprendre les armes pour libérer le pays.