La colonisation et le combat pour l’Independence ce n’est pas kif kif

Le président Emanuel Macron a récemment reconnu, officiellement, que l’emblématique Moudjahid Ali Boumendjel a été « arrêté par l’armée française, placé au secret, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957 » à Alger. Il a ensuite exprimé sa volonté « d’avancer vers l’apaisement et la réconciliation » et « d’avancer sur la voie de la vérité », tout en précisant que son geste officiel « n’est pas un acte isolé ». On prend donc acte de cet acte politique symbolique, et on attend par conséquent de voir s’il sera suivi d’autres démarches de reconnaissance d’autres crimes tout aussi emblématiques commis par la France coloniale en Algérie.
Là n’est cependant plus le propos, car le sujet du jour ce sont de multiples déclarations politiques et sur les réseaux sociaux qui révèlent l’existence d’un courant de pensée s’évertuant à mettre sur un même pied d’égalité, et sur une même échelle de grandeur, les crimes de la colonisation et les 132 ans de lutte du peuple algérien pour sa libération. Ce courant, qui assimile le bourreau à sa victime, est d’autant plus fort que des personnalités disposant d’une influence morale certaine et d’un certain poids politique l’expriment haut et fort.
Exemple en est, en premier lieu, l’ancien Premier ministre, vice-président du Sénat, figure historique de la droite, et facilitateur officiel dans les relations franco-algériennes, Jean-Pierre Raffarin. En second lieu, une autre personnalité emblématique de la même droite, Philippe Bas, questeur du Sénat, sénateur, ex-ministre du président Jacques Chirac et ancien secrétaire général de l’Elysée sous le même cinquième chef de l’Etat de la Vème République. Dans une déclaration audio au Figaro, M. Raffarin répète qu’une « grande partie de l’électorat de droite est pour une repentance de manière réciproque », et qu’il faudrait « reconnaître les drames d’un côté et de l’autre », rappelant à l’occasion que « la guerre, ce sont deux blocs qui s’opposent ».
Comme si le conflit armé qui a opposé la France coloniale à l’Algérie colonisée n’opposait pas un colonisateur et un colonisé, mais deux puissances militaires classiques en conflit.
Pour sa part, et par le truchement d’un tweet, M. Bas souligne que « la reconnaissance par Emanuel Macron de tortures et de crimes commis en Algérie par des Français n’aurait de sens que si le président algérien reconnaissait simultanément les assassinats de civils commis au nom du FLN et le massacre de harkis ». Et d’affirmer, sur un ton péremptoire et marial : « pas d’Histoire hémiplégique » !
On voit, à travers ces deux déclarations symboliques, que l’on est désormais en présence d’un courant de pensée puissant qui entend démonétiser tout geste du président Macron allant dans le sens de l’apaisement des mémoires et de la réconciliation entre l’ancienne puissance coloniale et son ex-colonie. Mieux ou pis encore, le neutraliser pour mieux le dissuader de faire de nouveaux gestes historiquement significatifs et politiquement courageux, sur le même chemin de l’apaisement et de la réconciliation. A écouter ce courant, qui prône un insoutenable nivellement historique en amalgamant les crimes coloniaux et les actes de lutte anticoloniale des Algériens, et à entendre MM. Bas et Raffarin, il faudrait peut-être que le peuple algérien et ses dirigeants politiques s’excusent du fait d’avoir décidé d’en finir avec le système d’oppression coloniale !
MM. Raffarin et Bas, qu’est-ce que les Algériens devraient reconnaître réciproquement et simultanément, et de quoi devraient-ils s’excuser donc ? De considérer les formes et les moyens de lutte utilisés, en leur qualité de dominés, spoliés, humiliés, réprimés, enfumés, écrasés, massacrés, dépossédés, déprivés, déportés, emprisonnés, déculturés et acculturés, comme des crimes abjects ? De s’excuser d’avoir utilisé des couteaux, des bombes artisanales dans des couffins et des fusils de chasse face aux avions, aux tanks, aux hélicoptères, aux bombes larguées, aux millions de mines disséminées, au napalm déversé, et pour faire face à la torture systématique, aux « crevettes-Bigeard », aux enfumades, aux centres de détention, à la guillotine, entre autres moyens colossaux de la domination coloniale !
Du reste, MM. Bas et Raffarin, pourriez-vous envisager, un seul instant, qu’un seul Français puisse un jour mettre sur un même pied d’égalité les crimes nazis et les réponses révolutionnaires et légitimes de la Résistance française à la barbarie inouïe du 3ème Reich en France ? Si vous répondiez par l’affirmative à cette simple question, les Algériens envisageraient alors d’admettre que les crimes de la colonisation française en Algérie et leur lutte de plus d’un siècle contre l’oppression coloniale, c’est kif-kif et inversement ! Pour l’instant, et pour vous reprendre, M. Bas, « pas d’Histoire hémiplégique » !
Non, les crimes de la colonisation et les luttes des Algériens pour la liberté, ce n’est pas kif-kif !
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