La censure est-elle de retour ?
L’émission « Week end » a été brusquement supprimée de l’antenne de la télévision privée El Djazairia. Y-a-t-il eu des pressions politiques ?
En dépit de son discours sur la liberté de la presse, le gouvernement Sellal montre aujourd’hui toute l’étendue de sa hantise par rapport à une presse libre et dérangeante dans un climat où il continue de sévir contre les critiques des journalistes et à tester les limites des libertés chèrement acquises.
Le pouvoir vient de frapper fort en interdisant subtilement à travers l’Autorité de régulation présidée par l’ancien député du RND, Miloud Chorfi la diffusion d’une émission satirique de la chaîne privée El Djazairia. Une émission qui croque à belles dents les gens du pouvoir et leurs affidés.
La chaîne Al-Djazaïria TV a décidé d’arrêter la diffusion de son émission « Week-end ».Les responsables de la télévision El Djazairia ne veulent pas prendre le risque de subir la colère des décideurs, en diffusant cette émission. Mais pourquoi censurer une telle émission dont la crédibilité grandissait au fil du temps ? Des invités représentant les différentes sensibilités politiques du pays et la société civile.
A partir de ce principe, les débats pouvaient être impartiaux et équitables. Pourtant l’ARAV qui est composée pour l’instant que de son président, seul membre désigné par le ministre de la Communication, a-t-elle le droit aujourd’hui, en l’absence d’un conseil de l’éthique et de la déontologie, de prononcer des sanctions ou de remettre à l’ordre les chaînes de télévision jugées rebelles ? Le gouvernement a commencé à mettre charrue avant les bœufs.
Au lieu de donner la priorité à un conseil de l’éthique et de la déontologie, le gouvernement n’est pas allé jusqu’à autoriser un conseil indépendant formé par des journalistes, avec au moins certains membres indépendants. Après l’euphorie de la presse libre et engagée du début des années 90, le pouvoir n’a de cesse depuis 1994 de tenter de contrôler soit l’information par le biais de l’imprimatur ou les rédactions à travers la publicité.
La proclamation de la liberté de la presse ne dure que quelques années et les espoirs de liberté sont rapidement évaporés.Pourtant, la liberté de la presse est un excellent révélateur du niveau de la démocratie. Même l’autocensure reste très répandue et la peur persiste. Beaucoup de vieilles lois et de contrôles oppressifs persistent.
Vingt cinq ans après la liberté acquise, les vieilles pratiques sont de retour. Selon le classement annuel de Reporters sans frontières (RSF) publié en févier dernier, l’Algérie occupe la peu enviable place de 119e sur 180 à l’échelle mondiale quant à elle, a tout juste progressé de 2 places dans ce classement de 2015 en comparaison de celui de 2014.
A peine annoncé ce classement, Ramtane Lamamra, ministre des Affaires étrangères -qui prenait part à la 25e session du Conseil Onusien des droits de l’Homme à Genève- a tenu à réagir en soulignant : « Si l’on voit le paysage médiatique algérien, toutes les percées qui ont été réalisées, le professionnalisme des journalistes algériens n’a rien à envier à la qualité du professionnalisme des autres journalistes d’autres corporations de presse par le monde, ni même à ceux classés avant nous ».
A l’évidence, le gouvernement ne voulait pas que la première année de l’élection du président Bouteflika commence sur la diffusion d’une émission gênante pour l’image de la république. Rien ne peut venir gâcher la fête…