Impunité pour le Makhzen !

Au moment où la France amende ses textes de loi pour plus de prérogatives dans le secteur du renseignement, au risque de piétiner la protection des libertés, l’assemblée populaire française vote pour l’adoption d’un protocole d’accord judiciaire entre Rabat et Paris qui a déclenché une polémique de plus.
C’est en ligne sur le Monde.fr. « Les députés français sont appelés, mardi 23 juin dans l’après-midi, à entériner le protocole signé entre le Maroc et la France pour modifier leur convention d’entraide judiciaire, afin de mettre un terme à un an de brouille diplomatique. Les écologistes et les communistes devraient faire entendre leur opposition au texte, que dénoncent les organisations de défense des droits de l’homme. »
Le confrère du quotidien d’information français rend compte, en effet, d’un vrai coup de force législatif opéré pour la raison d’Etat. Il faut dire que depuis qu’une juridiction française a osé demander l’audition en 2014 du patron des services secrets marocains, Abdellatif Hammouchi, accusé d’avoir pratiqué des actes de torture, Paris semble vouloir se racheter de ce crime de lèse-majesté en tentant de consacrer l’impunité en la matière en l’inscrivant dans ce texte soumis à la commission des Affaires étrangères de l’hémicycle français. Une commission qui lui a été favorable au point d’inquiéter des ONGONG Une organisation non gouvernementale (ONG) est une association à but non lucratif, d'intérêt public, qui ne relève ni de l'État, ni d'institutions internationales activant pour la défense des Droits de l’homme.
Le journal Le Monde ironise ainsi sur les déclarations de l’ex-Garde des Sceaux et actuellement présidente de la commission, Elisabeth Guigou, d’habitude très pointilleuse en matière des droits humains : « Le protocole a été adopté dans le but de rétablir au plus vite « les relations exceptionnelles qui existent depuis toujours « entre les deux pays (…) Nous avons intérêt à ne pas nous poser en censeurs arrogants, mais plutôt en soutien dans la poursuite des efforts engagés par le Maroc « .
Un texte d’une « immense ambiguïté » selon Le Monde
« Sur le papier, le projet de loi est censé « favoriser, durablement, une coopération plus efficace des deux pays et renforcer les échanges d’informations ». Le nouveau dispositif prévoit en effet que les plaintes déposées en France seront désormais « prioritairement « renvoyées vers Rabat ou clôturées.
Pour de nombreux observateurs, le protocole risque de remettre en cause l’indépendance de la justice et la compétence universelle des tribunaux français.
Les ONG (ACAT, FIDH –Fédération internationale des droits de l’homme –, LDH – Ligue des droits de l’homme –, Amnesty, HRW) dénoncent un déni de droit.
La commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) recommande elle aussi, dans un avis rendu le 21 mai, que l’accord « soit retiré ou rejeté « .
La députée écologiste Cécile Duflot a expliqué, lors du vote en commission, que le protocole souffre d’un « flou dans la rédaction » et d’une « immense ambiguïté ».
« C’est vrai que c’est un texte qui souffre d’imprécisions mais il ne remet pas en cause notre droit interne ni nos engagements internationaux », a au contraire justifié Elisabeth Guigou.
Si elle ne s’attend pas à des débats trop houleux à l’Assemblée, elle a rencontré ces dernières semaines toutes les associations pour tenter de répondre à leurs inquiétudes.
Impunité pour le Maroc
Pour l’ACAT France (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), le protocole est un moyen pour les autorités françaises de se faire pardonner à la suite de l’incident diplomatique de février 2014.
« Les députés PS et LR ont totalement occulté la question de la torture au Maroc. Il est consternant que pour la plupart des membres de la commission des affaires étrangères tout se passe comme si l’accord ne muselait pas de fait les victimes de torture », dénonce par avance dans un communiqué Nordine Drici, le directeur des programmes de cette association.
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