Il y a 30 ans, la Casbah d'Alger devient patrimoine de l'humanité – Le Jeune Indépendant
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Culture

Il y a 30 ans, la Casbah d’Alger devient patrimoine de l’humanité

Il y a 30 ans, la Casbah d’Alger devient patrimoine de l’humanité

Il y a trente ans, le centre historique millénaire de la Casbah d’Alger intégrait la prestigieuse liste du patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco, la considérant comme un lieu de mémoire et d’histoire qui compte de nombreux vestiges et une structure urbaine traditionnelle associée à un grand sens de la communauté.

Décrite par l’Unesco comme l’un des plus beaux sites maritimes de la Méditerranée constituant un type unique de médina, la Casbah d’Alger apparait comme un exemple significatif de ville historique maghrébine, habitée au moins depuis le VIe siècle, qui a eu une grande influence sur l’urbanisme de la région.

Le classement de ce site est intervenu pour de nombreux critères dont la représentation d’un modèle d’établissement humain traditionnel, de la culture musulmane et profondément méditerranéen, ou encore pour les nombreux « vestiges » de la citadelle, des mosquées, des palais ottomans dans un ensemble qui conserve toujours sa fonction malgré les aléas et les mutations.

Depuis son classement la Casbah d’Alger a connu une multitude d’opérations de travaux d’urgence et de plans pour la préservation, la restauration et éventuellement l’exploitation du site dont le classement en secteur sauvegardé en 2003 ou le Plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur adopté par le gouvernement en 2012.

De nombreuses opérations avaient permis de restaurer des palais ottomans comme Dar Mustapha Pacha, Dar Khedaoudj El Amia, Dar El Kadi ou Dar Essouf, des mosquées comme celle de Ali Betchine, Sidi Ramdane, une des plus ancienne de la Casbah, ou plus récemment la célèbre mosquée Ketchaoua.

Mosquée Sidi Ramdane

Cependant, même si les attributs de la « Valeur universelle exceptionnelle » de l’Unesco sont maintenus, il existe néanmoins des menaces à l’intégrité de ce centre urbain qui sont liées à la sur densification et à des interventions non contrôlée en plus des risques liés aux séismes, incendies, inondations et glissements de terrain, selon l’agence onusienne.

En 2018, les experts de l’Unesco réunis à Alger avaient relevé « la perte d’un temps précieux et de moyens humains et financiers importants » engagés depuis des années, « sans résultat » dans les différentes opérations de sauvegarde préconisant, entre autres, la création d’une « agence unique pluridisciplinaire » pour gérer le dossier et une « relance dynamique » du plan de réhabilitation dans une vision plus large intégrant le centre historique à la ville d’Alger et un « allégement » des procédures légales et administratives.

L’îlot de l’espoir
Après de longues années d’attente, de déboires administratifs et de fragilisations du centre historique habité de la Casbah d’Alger, le plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur commence, pour la première fois cette année, à se concrétiser dans la zone habitée grâce aux efforts du bureau d’architecture « Mehdi Ali-Pacha » spécialisé dans le patrimoine.

Cette agence d’architecture a livré récemment un premier îlot de quatre maisons entièrement restauré selon les normes d’usage, comprenant la demeure historique de la famille Bouhired M’barek dans la Casbah d’Alger, un haut lieu historique qui a servi de refuge à des figures emblématiques de la guerre de libération nationale.

Pour ce premier chantier en cœur d’ilot, tous les matériaux utilisés, allant de la brique aux boiseries, sont produits en Algérie dans différentes régions du pays. La priorité a été donné aux artisans de la Casbah d’Alger dans un souci de proximité et d’encouragement pour la prise en charge de la céramique, des pièces en cuivres et autres matériaux.

Dans cet îlot, le résultat se rapproche simplement de la renaissance de ruines menaçantes par leurs murs éventrés et étayées par des poutre en bois ou en métal, à de belles demeures mauresques ou mixtes, solides, authentiques et arborant fièrement une nouvelle parure de céramique, de marbre, de boiserie et même un mobilier.

Quatre maisons qui démontrent qu’il est possible d’avancer et de restaurer la Casbah d’Alger en comptant sur des compétences algériennes.

Ce que prévoit le plan de sauvegarde
La Casbah d’Alger avait bénéficié d’un plan permanent de sauvegarde et de valorisation (Ppsmv) approuvé par le gouvernement en février 2012, en vue de réaménager le site historique de la ville, classé en 1992, patrimoine universel de l’humanité par l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (Unesco).

Ce plan considéré comme modèle aux autres secteurs sauvegardés en Algérie, avait bénéficié d’une première enveloppe de 26 milliards de dinars, sur un budget global de 90 milliards de dinars. Il vise à restituer à la Casbah d’Alger son visage authentique et à proposer des solutions définitives pour la protection de ce centre historique et culturelle et pour le maintien d’une partie de ses habitants dans leurs demeures.

Ce même plan prévoit, conformément aux normes, de reconstruire quelque 400 vielles maisons détruites, en vue de consolider la totalité du tissu architectural, avant de passer à l’étape de la restauration des maisons, des mosquées ou encore des constructions datant de l’époque coloniale.

Une des fontaines de la Casbah

« Toute modification non-autorisée par le ministère de la Culture et des Arts et les services sous tutelle est interdite », sous peine de voir « toutes nouvelles constructions illicites soumises à démolition ». L’Etat a proposé dans ce cadre aux « véritables propriétaires des habitations », d’acheter leurs maisons ou de les reloger provisoirement, durant les travaux.

La Casbah d’Alger compte plus de 1800 constructions, dont celles de l’époque « coloniales » et plus de 550 douiret.

Près de 80% de la globalité de ce tissu architectural a été classé en zone rouge, selon un rapport du Contrôle technique de constructions (CTC), repris par le président de l’Assemblée populaire communale de la Casbah, Amar Zetili en 2021.

Le dossier de la restauration et de la réhabilitation de la Casbah d’Alger était sous la tutelle du ministère de la Culture qui a continué d’assurer le soutien et le suivi technique de ce dossier après son transfert en 2016 aux services de la Wilaya d’Alger.

Depuis l’approbation du plan permanent de sauvegarde et de valorisation de la Casbah d’Alger, quelques sites historiques ont été restaurés dont « La citadelle d’Alger » ou « Dar Es’Soltane », ouverte partiellement aux visiteurs depuis novembre 2020, la mosquée de Ketchaoua inaugurée en avril 2018 et un ilot de quatre douiret, dont la maison historique de la famille Bouhired.

S’étalant sur une superficie de 105 hectares, occupés par plus de 60.000 habitants, la Casbah d’Alger, continue de se détériorer, du fait de phénomènes naturels et de facteurs humains, malgré les travaux de restauration d’urgence ordonnés depuis 2006.

Un taux d’avancement de 65% sur sept projets de restauration
Les opérations de restauration, en cours sur sept projets de réhabilitation de palais, monuments et bâtisses historiques du secteur sauvegardé de la Casbah d’Alger enregistrent un taux d’avancement global de 65%, a-t-on appris auprès de la Direction des équipements publics (DEP) de la Wilaya d’Alger, en charge du dossier Casbah.

Dans un entretien à l’APS, l’architecte Fatma Larbi, responsable au niveau de la DEP, a indiqué que les projets en cours concernent les sites du Palais du dey, le Palais des beys et la poudrière, tous trois situés dans la citadelle d’Alger, en plus du palais Hassan Pacha jouxtant la mosquée Ketchaoua, la mosquée El Berrani et deux douiret mitoyennes et des bâtisses historiques au 7, rue des frères Slimani.

Patio du Palais Hassan Pacha

La DEP a également initié des interventions d’urgence afin de stopper la dégradation et éviter le risque d’effondrement de certaines bâtisses.

Fatma Larbi a précisé que les taux d’avancement enregistré dans citadelle d’Alger, déjà partiellement ouverte aux visiteurs, étaient de 65% au Palais du dey, 47% au Palais des beys et de 98% au niveau de la poudrière qui devrait être prête dans les prochains jours.

L’avancement des travaux est de l’ordre de 50% dans la mosquée El Berrani et les deux bâtisses mitoyennes, de 65% dans le palais Hassan Pacha, 75% dans les maisons historiques de la rue des frères Slimani, et de 30% pour les travaux d’urgence entamés dans 22 douiret et demeures de l’époque coloniale.

Selon l’architecte des projets ont également été finalisés à 100 % à savoir, la mosquée du dey dans la citadelle et la maison historique de la famille Bouhired et trois bâtisses mitoyennes en plus de travaux de canalisation et de câblage électrique souterrain.

Elle précise, par ailleurs, que l’enveloppe financière globale pour la réalisation des opérations de restauration attribuées à la DEP, et qui couvre 11 projets dans un premier temps, et 33 autres comme seconde phase, s’élève à 23 milliard de dinars.

Les études de 33 bâtisses historiques et cultuelles en cours de finalisation
Sur le plan des études préalables, l’architecte Fatma Larbi a indiqué que les dossiers de la seconde phase de restauration, qui compte 25 projets enregistre un avancement de 88% réparti sur 33 bâtisses historiques et cultuelles dans le secteur sauvegardé de la Casbah d’Alger, dont les avis d’appel d’offre et cahiers des charges seront bientôt finalisés.

Elle précise que cinq mosquées sont concernées par ce programme, Djamaâ Essafir, Djamaâ Sidi Abdellah, Djamaâ Sidi Ben Ali, Djamaâ Fares et Djamaâ Sidi Mhamed Cherif en plus de sept bâtisses connues à l’image de Dar Essouf, Dar Essadaqa, le palais Dar Khedaoudj, Hammam Sidna, le Palais Ahmed Pacha ou encore Dar El Hamra.

L’architecte rappelle cependant la complexité de ces dossiers et des chantiers qui doivent prendre en considération la fragilité des bâtisses et leurs connexions, le manque de main d’oeuvre qualifiée ou encore l’absence des propriétaires des lieux.

Fatma Larbi confie également que ces opérations permettent souvent des découvertes fortuites d’objets « potentiellement archéologiques » qui nécessitent une attention particulière et une prise en charge prudente pour les confier aux spécialistes.

Taux d’avancement des projets de restauration et des études préalables

Les opérations de restauration, en cours sur sept projets de réhabilitation de palais, monuments et bâtisses historiques du secteur sauvegardé de la Casbah d’Alger enregistrent un taux d’avancement global de 65%, selon la Direction des équipements publics (DEP) de la Wilaya d’Alger, en charge du dossier Casbah.

Taux d’avancement des projets en cours:

– Palais du dey (citadelle d’Alger): 65%

– Palais des beys (citadelle d’Alger): 47%

– Poudrière (citadelle d’Alger): 98%

– Mosquée El Berrani et les deux bâtisses mitoyennes: 50%

– Palais Hassan Pacha: 65%

– Immeubles n 7 et 7 bis de la rue des frères Ouslimani: 75%

-Travaux d’urgence entamés: 30%

Taux d’avancement des projets en phase d’étude

– Djamaâ Essafir: 95%

– Djamaâ Sidi Abdellah: 95%

– Djamaâ Sidi Ben Ali: 95%

– Djamaâ Ben Fares: 95%

– Djamaâ Sidi Mhamed Cherif: 95%

-Palais Dar Essouf et Dar Essadaqa: 85%

– Palais Dar Ahmed Pacha: 80%

– Ex siège de la daïra de Bab El Oued et du Palais Dar El Hamra: 95%.

Des architectes au chevet de la cité
Diplômés de l’Ecole algérienne d’architecture, ayant poussé leurs études et enrichi leurs connaissances en Algérie et à l’étranger, les architectes Mehdi Ali-Pacha et Aïssa Mesri sont à pied d’œuvre depuis de nombreuses années au chevet de différents sites et secteurs sauvegardés du patrimoine algérien.

Ayant travaillé dans des chantiers ou des études préalables à des opérations de restauration dans des sites comme la Casbah d’Alger, les ksour de Ghardaïa, le ksar de l’Amenokal Moussa Ag Amastan à Tamanrasset ou encore le fort de Bordj El Kiffan, ces deux architectes ayant fondé les agences « Mehdi Ali-Pacha » et « Archimed » mutualisent leurs efforts et leurs connaissances au service du patrimoine algérien.

Diplômé en 1996, Aïssa Mesri, a entamé sa carrière sur le plan de sauvegarde du ksar d’El Atef à Ghardaïa à l’occasion de son millénaire, il décroche le premier Prix national d’architecture et d’urbanisme en 1998 avec un projet de restauration d’un îlot pilote de plusieurs bâtisses en collaboration avec L’office de la protection de la vallée du M’zab (OPVM).

Cet architecte, Co-fondateur de l’agence « Archimed », a également travaillé sur le Ksar de l’Amenokal Moussa Ag Amastan à Tamanrasset ou encore le fort de Bordj El Kiffan à Alger en plus d’avoir pris part aux travaux d’urgence de la Casbah d’Alger depuis 2008. Plus récemment, Aïssa Mesri a pris en charge la restauration de la Poudrière de la Citadelle d’Alger, qui devrait être inaugurée pour la Journée nationale de la Casbah ce 23 février.

Sur de nombreux projets il travaille en collaboration avec Mehdi Ali-Pacha, architecte du patrimoine agréé par le ministère de la Culture et des Arts et qui avait poursuivi ses études en France où il avait exercé pendant dix ans avec un architecte en chef des monuments historiques. En 2012, il décide de rentrer en Algérie pour mettre à profit les compétences acquises dans des projets algériens.

Depuis son installation en tant qu’architecte du patrimoine et la création de son agence d’architecture, Mehdi Ali-Pacha a mené de nombreux projets d’études et de restauration à Constantine, à Annaba, à Bouira, à Oran et particulièrement à la Casbah d’Alger où il a été chargé en 2016 par la wilaya d’Alger de restaurer l’îlot Bouhired, un ensemble de quatre maisons incluant la demeure historique de la famille Bouhired M’barek.

Ces deux architectes qui présentent cette année le fruit concret de leurs travaux de restauration, prouvent l’efficacité des compétences algériennes à intervenir selon les normes sur des monuments historiques et des bâtisses lourdement endommagées, et à mener des chantiers délicats en collaboration avec un réseau de producteurs et d’artisan locaux.

L’espoir relancé par les équipes des agence « Mehdi Ali-Pacha » et « Archimed » devrait pouvoir se prolonger et provoquer un effet boule de neige, les architectes étant déjà sur d’autres études dans des palais comme Dar El-Hamra, Dar Essouf et Dar Essadaqa. Ils confient également qu’un bon nombre de leurs confrères, tout aussi compétents, sont aussi au chevet de la cité historique avec des projets en cours et d’autres à venir.

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