Hommage à Mohia : Le mathématicien reconverti en poète et dramaturge

Ecrire sur la vie et l’œuvre artistique de Mohia exigerait sans doute pour l’auteur un travail de recherche très approfondi. Il serait amené, sans aucun doute, à faire au moins une trilogie. Pour la personne lambda, Mohia n’était qu’un simple poète jouant habilement avec les mots. Evidemment, la réalité est tout autre.
Mohia était effectivement philosophe et sociologue, mais sa formation universitaire a fait de lui un mathématicien. Il s’est d’ailleurs servi, dans certains cas, des mathématiques pour prouver la justesse de sa vision des choses et, en même temps, les erreurs d’un groupe sociétal. Mohia a toujours eu horreur des fanatiques et des gens à la réflexion limitée. Le mot « Les Brobrés » était de lui. Par ce mot, il désignait les berbéristes fanatiques, à l’esprit peu développés. Mais qui est donc Mohia, l’homme au verbe acéré mais dit d’une façon humoristique ? L’homme est né le premier novembre 1950 à Azazga et est décédé le 7 décembre 2004 à Paris (France).
Après avoir fait de brillantes études en Algérie, où d’ailleurs il a obtenu un doctorat en mathématiques à l’université d’Alger en 1976, il partit en France la même année. Cependant, même en étant un mathématicien, il s’est investi dans un autre domaine pour gagner sa vie. Et parallèlement à son activité lucrative, Mohia s’est investi corps et âme dans la poésie et le sketch. C’est surtout à travers le sketch qu’il exprimait ses idées. Des idées qui le rendront célèbre auprès du public. Et pour ses innombrables écrits, il s’inspirait aussi d’écrivains et de penseurs étrangers.
En effet, il a adapté beaucoup de ces ouvrages signés par des écrivains étrangers au kabyle sous forme de sketch. Il a superbement su adapter au kabyle les écrits de Samuel Beckett, Bertolt Brecht, Luigi Pirandello, Molière, Lu Xun, Guy de Maupassant, Voltaire, Georges Brassens et tant d’autres grandes plumes et chansonniers. Mohia ne s’est pourtant pas limité à la traduction et à l’adaptation. En effet, il a lui-même écrit beaucoup de poèmes qu’il a remis à des chanteurs de renom pour en faire des chansons. Il est aussi vrai que certains chanteurs ont fait de ses poèmes des chansons sans pour autant lui demander la permission.
Cependant, Mohia, avec sa grandeur d’âme, ne leur a pas tenu rigueur. Il convient enfin de souligner que Mohia était un grand militant de la cause amazighe et des droits de l’homme. Sa méthode de combat de Mohia était pacifique et intelligente. Il avait en horreur le régionalisme et le racisme. En définitive, il était pour la reconnaissance de la langue et de la culture amazighes, sans pour autant porter atteinte aux autres composantes de l’identité nationale.
Enfin, il serait utile de rapporter l’anecdote que voici : un jour à Paris, un jeune Kabyle, militant farouche de la cause amazighe, observa à l’endroit de Mohia : «Je suis prêt à mourir pour ma culture et mon identité !». Mohia, impassible et d’une voix paternelle, lui répondit : «Mon enfant, la cause dont tu me parles, à l’instar de toutes les bonnes causes d’ailleurs, a besoin de femmes et d’hommes vivants, car un mort ne peut plus la servir»
Encadré :
A l’occasion de la commémoration de la 17e année de la disparition de Mohia, une exposition de photos a été organisée dans le hall de la maison de la Culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. Dans l’après-midi, plus exactement à 14 h, la grande salle des spectacles a abrité un spectacle artistique.
Pour la journée de ce mercredi, à 14 h, c’est une représentation théâtrale qui est programmée au niveau du théâtre régional Kateb-Yacine de Tizi Ouzou. Il faut reconnaître que la commémoration est bien en deçà du mérite du défunt. L’idéal, effectivement, aurait été d’organiser au moins une conférence sur sa vie et son œuvre pour le faire connaître davantage auprès des jeunes.
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