Hirak des étudiants: Les quatre saisons… d’un combat !

Né dans le sillage du mouvement populaire du 22 février 2019, le mouvement des étudiants a été le fer de lance de la révolution pacifique menée par de larges pans de la société lesquels se sont soulevés contre un système qui s’est érigé des années durant en machine destructrice menaçant la pérennité des institutions de l’Etat. Ainsi, le début de l’épopée estudiantine a été un mardi 26 février 2019, lorsque plusieurs campus à travers le pays ont été le théâtre d’un mouvement de contestation mené par des étudiants décidés à récupérer le statut qui sied à l’Université algérienne.
Aujourd’hui, ce mouvement d’une grande détermination s’installe confortablement dans la durée, signant 45e marche pacifique mardi dernier, soit le dernier de l’année 2019. Pendant plus de dix mois de mobilisation sans relâche, le mouvement des étudiants a beaucoup gagné en maturité, lui permettant de renouer avec force avec la vie politique après un désenchantement sans précédent.
Le printemps de la prise de confiance
L’objectif au départ était de maintenir la mobilisation chaque mardi et de faire de ce rendez-vous hebdomadaire un rituel « spécial université », où se rassemblaient étudiants et enseignants autour de rencontres -débat tenus dans l’espace public. La réappropriation de ce dernier, après un verrouillage tous azimuts des canaux de communication, pendant plusieurs décennies, au peuple de manière générale et à son élite plus particulièrement, était comme une sorte de délivrance. En effet, le mouvement populaire du 22 février 2019 a commencé à libérer beaucoup d’Algériens et les amphithéâtres de certains campus ont même ouvert leurs portes au débat public organisé par la famille universitaire.
Le combat était ardu pour ces étudiants et leurs enseignants qui ont dû affronter la résistance d’une administration qui traine encore de vieux réflexes ancrés par le système de bâillonnement. Au fil du temps, les revendications de la communauté universitaire se sont alignées graduellement à celles du mouvement populaire. Une orientation que les analystes expliquent par la volonté de « démanteler le système dans sa totalité » partant du principe d’aplanir les divergences idéologiques en faveur d’une convergence de vision pour une nouvelle Algérie.
Aussi, la communauté universitaire dans sa militance qui a impressionné plus d’un, n’était pas épargné par la répression. En effet, les premiers actes de pression et les rafles contre les étudiants ont eu lieu en mois de février et se sont répétés à maintes reprises, y compris lors de la 45e marche coïncidant avec le dernier jour de l’année 2019.
On se souvient encore de la 8e et de la 13e marches, violemment empêchées par les forces de l’ordre à Alger, lorsque les étudiants ont voulu raviver la flamme en célébrant les dates du 16 avril, journée nationale du savoir, et du 19 mai, Journée nationale de l’étudiant. L’étau du pouvoir commençait à se resserrer au fur et à mesure sur le mouvement étudiant avec l’intensification progressive du dispositif sécuritaire, allant jusqu’à interdire aux manifestants du mardi d’organiser leurs débats habituels à la Grande Poste. Au bout de quelques mois, la communauté estudiantine a pris conscience de l’importance de son organisation autours de diverses structures dans le but de valoriser la démarche de la mobilisation et l’accompagner par d’autres actions à même de transformer les revendications populaires en « projets concrétisables ».
C’est le passage à la vitesse supérieure qui a abouti à la création de plusieurs structures dites « estudiantines émanant du Hirak », tel le Forum des étudiants algériens, le Comité estudiantin autonome d’Alger, le Pôle d’Alger, le Pôle des étudiants –Ouest, ou encore l’Union des étudiants Alger 1. Une panoplie des structures qui a vu son éclosion depuis les premiers mois de la contestation avec pour but de mieux organiser les marches hebdomadaires et coordonner avec les différents campus pour une mobilisation massive, selon les précisions des initiateurs de cette démarche.
L’été de toutes les embûches
Depuis le début de l’été 2019 et dans le sillage du Hirak, les évènements se sont accélérés avec d’une part, les arrestations en cascade ciblant plusieurs activistes du mouvement populaire parmi eux des étudiants hirakiste, et d’autre part, la tenue de plusieurs rencontres initiées par les dynamiques de la société civile et de la classe politique en vue d’une solution à crise politique que vit le pays. L’on cite dans ce sens notamment la Conférence nationale du 15 juin dernier organisée par trois principales entités associatives au siège du Cnapest à Alger, le Forum du dialogue national tenu le 6 juillet à Aïn Bénian et chapeauté par l’ancien ministre et diplomate Abdelaziz Rahabi, et la deuxième rencontre Société civile- Classe politique du 24 août 2019 à la Safex. Ces trois rencontres ont vu la présence, comme observateurs, des étudiants libres et de ceux relevant des structures estudiantines du Hirak. C’était, selon eux, un exercice pour s’initier à l’acte politique et s’imprégner de l’esprit démocratique.
Entre temps, les structures estudiantines notamment, le Forum des étudiants algériens et le Pôle d’Alger sont entrées dans des négociations en vue d’organiser une conférence nationale des étudiants qui a été programmée pour 17 août 2019 et devait regrouper plus de 500 étudiants issus des différentes universités. Malheureusement, l’initiative n’a pas vu le jour faute d’autorisation des services de la wilaya d’Alger.
Durant un été des plus caniculaires, les étudiants n’ont eu de cesse de revendiquer le départ de tous les symboles du régime contesté, ayant comme cible l’instance de dialogue de Karim Younès. Puis, le ton a monté avec le rejet « catégorique » de l’élection présidentielle du 12 décembre dernier après la convocation du corps électoral le 15 septembre 2019 et l’installation de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE). La mobilisation a atteint au sein de cette corporation, son summum à partir du mois d’octobre. Le bras de fer s’est durci. C’était l’automne des tensions !
Le mouvement des étudiants a su, certes, surmonter avec brio les écueils « naturels et humains », mais traîne encore des lacunes. Il promet de poursuivre son combat bien qu’il se trouve après l’élection de Abdelmadjid Tebboune devant « une situation de fait », qui requiert une nouvelle démarche. Cet hiver est déjà qualifié de prometteur, mais quel avenir pour le mouvement des étudiants ? Ces derniers vont-ils accepter d’aller vers un éventuel dialogue avec le nouveau gouvernement ou pas ? Seront-ils une force de proposition en mesure de s’imposer ?
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