Guerre en Ukraine: Les enseignements d’une révolution géopolitique

En une année, l’opération spéciale russe en Ukraine, telle que baptisée par le Kremlin, a dévoilé les oripeaux d’un ordre mondial occidentalisé où les autres acteurs, aussi puissants soient-ils, étaient obligés de se soumettre à des règles qui ne sont plus valables encore moins d’actualité.
Car au-delà des questions militaires et des considérations stratégiques, l’opération du 24 février 2022 consacre la naissance d’une nouvelle configuration où l’Occident ne peut plus prétendre régenter le monde comme auparavant. Crise économique, récession, montée des populismes et limites objectives des gouvernances actuelles, tel est le tableau non-exhaustif du monde post-24 février.
S’il est vrai que les bookmakers de la stratégie avaient parié sur deux possibilités : une victoire éclaire russe, ou une défaite cuisante de la Russie, la nature du conflit et la complexité des situations et des acteurs ont fait qu’une année plus tard, la situation perdure mais avec un avantage certain pour les Russes.
En effet, les deux républiques populaires de Donestk et de Lougansk ont voté leur rattachement à la Russie, idem pour les oblasts de Zaporijie et de Kherson. Ainsi, avec la Crimée rattachée en 2014, Moscou se garantit un accès stratégique à la mer noire. De plus, l’opinion publique internationale, et loin des intoxications quotidiennes des média mainstream, a compris l’enjeu principal du conflit : lutter sur le terrain contre les milices et forces néonazis dont le tristement bataillon Azov n’est que la partie la plus visible.

Stepan Bandera le parrain du nazisme du régime ukrainien
Militairement parlant, la crise ukrainienne masque mal un affrontement généralisé entre la Russie d’une part et les pays de l’Otan, Etats-Unis, d’autre part. Les livraisons d’armes à l’Ukraine, promus stratégie gagnante pour l’alliance du fait qu’aucun soldat atlantiste n’est officiellement engagé sur le terrain, a elle aussi démontré ses limites.
Au début de l’opération spéciale, les forces armées ukrainiennes disposaient jusqu’à 250 avions de combat et hélicoptères. En mars 2023, c’est un cumul de 587 appareils détruits, 387 avions et 210 hélicoptères, plus du double de la dotation initiale de l’Ukraine. C’est-à-dire, que la stratégie de m’armement occidental de l’Ukraine n’est pas aussi fiable que ça, loin s’en faut !
Aux Etats-Unis, les républicains qui opposent un refus total contre la fourniture incessante des armes pour l’Ukraine ont fait réagir le Pentagone qui a déclaré que Kiev devrait payer les armes qui lui sont fournies. L’administration américaine estime que l’Ukraine devrait commencer à payer elle-même les armes qui lui sont fournies. On est loin de la solidarité sans faille affichée les premiers jours de l’opération spéciale russe.
Il y a surtout cette question de marché noir de l’armement dont les preuves accablent Kiev. Car depuis que l’Occident a considérablement intensifié ses livraisons d’armes au gouvernement de Kiev, à partir de mars 2022, les marchés noirs ont été inondées d’armes et de munitions de fabrication occidentale, dont certaines ont même commencé à manquer dans les stocks de l’OTAN.

Armement américain pour Kiev
En décembre 2022 encore, de hauts responsables occidentaux s’en sont plaints, notamment l’inspecteur général adjoint du Pentagone chargé des enquêtes, James R. Ives, qui a admis que les États-Unis étaient conscients de l’absence de mécanismes efficaces pour suivre les armes de l’OTAN destinées à l’Ukraine.
Plusieurs grands médias américains ont demandé à l’administration Biden d’envoyer des enquêteurs pour auditer et superviser l’utilisation de plus de 110 milliards de dollars d’« aide » militaire et économique des États-Unis à Kiev.
D’un point de vue économique, l’heure est à la récession et à l’inflation en Europe et aux Etats-Unis. Les pronostics ayant donnés la Russie au bord de l’effondrement avec la chute de plus de 20% de son taux de croissance, n’a connu que -2% pour 2022 et les prévisions du FMI pour 2023 sont au vert. Ce n’est pas le cas, par exemple, des pays scandinaves, qui adhèrent massivement aux options guerrières de l’alliance atlantiste. Le retournement global de conjoncture, dû à la hausse des coûts de l’énergie et son corolaire, l’inflation, a eu raison de la croissance de ces deux pays scandinaves très dépendants des exportations.
La Finlande est entrée en récession au dernier trimestre 2022, avec un recul de 0,6% du Produit intérieur brut, selon des statistiques officielles publiées mardi dernier. C’est le deuxième trimestre consécutif de recul du PIB par rapport au trimestre précédent en Finlande, soit la définition usuelle des économistes pour la récession, après une baisse de 0,1% au troisième trimestre, selon ces chiffres révisés.
Bien qu’elle n’ait pas subi deux reculs consécutifs de contraction économique, la Suède a également vu son économie reculer au quatrième trimestre, selon l’office national SCB. Le PIB suédois a ainsi reculé de 0,2% au quatrième trimestre par rapport au trimestre précédent. « Le recul est ressenti dans plusieurs secteurs de l’économie avec de larges baisses dans les investissements privés et dans la consommation des ménages », a souligné Jessica Engdahl, une responsable de la comptabilité nationale, dans un communiqué.
Il va sans dire que le sabotage du Nord Stream, une décision prise au sommet de l’administration américaine par le président Joe Biden lui-même déconnecte durablement non seulement l’Allemagne de la Russie, mais surtout celle-ci de l’Union européenne toute entière.
Sur le plan diplomatique, la Chine a rendu public le 24 février dernier une proposition en 12 points explicitant la vision de Pékin d’une «résolution pacifique» entre Moscou et Kiev. Les clauses ont souligné la nécessité de respecter la souveraineté de tous les pays, d’appliquer uniformément le droit international et d’abandonner les deux poids deux mesures.

Un plan de paix chinois pour l’Ukraine
La Chine a également souligné l’importance de «Renoncer à la mentalité de la guerre froide» tout en respectant et en répondant de manière appropriée aux intérêts légitimes et aux préoccupations sécuritaires de tous les pays. Les dispositions chinoises incluent également un appel explicite à l’arrêt des combats et des conflits, et Pékin a déclaré dans le même communiqué que «les conflits et guerres ne font de bien à personne», soulignant que «Les parties doivent toutes garder la raison et la retenue, s’abstenir de mettre de l’huile sur le feu et d’aggraver les tensions, et prévenir une nouvelle détérioration ou même un dérapage de la crise ukrainienne».
Une proposition refusée par Washington qui instrumentalise le conflit pour atteindre ses propres objectifs stratégiques contre la Russie et la Chine à la fois. Et c’est au G20 réuni en Inde que la fracture s’est confirmée. Moscou et Pékin ayant bloqué un texte contraire à leurs intérêts respectifs. Et c’est en position de faiblesse que le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a rencontré brièvement son homologue russe Serguei Lavrov.
«La rencontre imprévue avec Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, lors d’une conférence internationale à New Delhi, a montré que l’administration Biden voyait le besoin de rétablir des contacts diplomatiques en personne avec Moscou, afin que les deux gouvernements puissent discuter de la guerre, qui dure depuis un an, ainsi que des problèmes qui vont au-delà».
En une année de conflit, il semblerait que les Américains et les Occidentaux commencent à entrevoir une réalité. Celle de la nécessité d’écouter les doléances russes concernant l’Ukraine et surtout de comprendre que le monde tel qu’il était jusqu’au 24 février 2022 est révolu. Une nouvelle architecture internationale est en construction, plus équitable et plus réaliste. Auront ils le courage d’accepter ces changements ? Tel est le grand enseignement du 24 février 2022.