Ghardaïa, la grande leçon
C’est un Premier ministre qui a voulu se montrer ferme et dissuasif lors de sa visite à Ghardaïa.
Déterminé dans ses déclarations, persuasif et affichant un air grave et sérieux, comme le sont les circonstances et les drames qui secouent cette cité séculaire depuis quelques jours, Sellal a surtout tenté de donner l’impression que l’Etat et ses institutions ont pris les choses en main. C’est le premier message de sa visite et sa rencontre devant un parterre de membres de la société civile, des notables et des sages du microcosme local.
Un message qui voulait dire que l’Etat est déterminé à prendre les mesures appropriées et fermes pour éradiquer toute forme de violence et rétablir la quiétude et la paix dans la région. Sellal a réaffirmé qu’il veillera à l’application des mesures prises par le président de la République M. Abdelaziz Bouteflika en vue de restaurer la sécurité, la paix et la cohésion sociale dans la région de Ghardaïa, jadis « un exemple de cohésion sociale qui faisait la fierté de l’Algérie ».
Rappelant succinctement les mesures prises par le président de la République, le Premier ministre a souligné que le commandant de la 4e région militaire a été chargé de « superviser l’action des services de sécurité et des autorités locales pour rétablir l’ordre public et préserver la sécurité des personnes et leurs biens à travers la wilaya de Ghardaïa ».
Il a appelé l’ensemble de la société civile, du mouvement associatif, les jeunes, à fédérer leurs efforts pour « mettre en échec les desseins et les visées malsaines de certaines personnes qui veulent toucher à l’unité nationale ».
« L’Algérie est une et unie, indivisible », a réitéré le Premier ministre en soulignant que cette ligne ne peut être franchie et que le peuple algérien est conscient, après le lourd tribut qu’il a payé pour libérer le pays de la colonisation et la sauvegarde de son intégrité territoriale.
C’est également lors de sa rencontre que le Premier ministre a annoncé que le commandant de la 4e région militaire a toutes les prérogatives, conformément aux lois de la République, pour rétablir l’ordre, même en instaurant un couvre-feu interdisant les manifestations et les attroupements, appelant également l’ensemble de la composante sociale de la wilaya à aider et à concourir au maintien de l’ordre, au retour à la paix et à la quiétude dans la région.
« L’Etat va appliquer les instructions du président de la République avec diligence et sévérité pour mettre un terme aux violations de la loi » affirma encore le Premier ministre.
Quoi qu’il en soit, il est légitime de s’interroger sur l’origine de cette déferlante de violence dans la région. Une déferlante qui survient alors que les tensions étaient vives depuis des mois, en dépit des accalmies précaires.
Depuis décembre 2013, quand Ghardaïa a basculé dans la haine et le crime, l’Etat avait pratiquement tous les atouts en main pour faire valoir le respect des lois de la République, pour faire appliquer avec la rigueur de la justice les dispositifs de la Constitution tout en préservant les droits et les libertés des citoyens et des populations locales.
A cette époque, le gouvernement avait d’autres priorités, d’autres plans et seuls deux événements majeurs ont secoué sa feuille de route : l’attaque du site gazier de Tiguentourine en janvier 2013 et la crise du marché du pétrole et ses effets sur les finances publiques. Personne n’avait vu venir les menaces qui s’enflaient de jour en jour dans cette cité, devenue une ville complètement déstructurée socialement, à l’image de nos cités urbaines et suburbaines depuis les années 1990. Ghardaïa, devenu le point noir de cette gestion chaotique, vient de plonger dans l’horreur.
Les tragédies qu’elle vient de subir risquent de cultiver encore plus la haine et la fracture et que jamais un couvre-feu ou un bataillon de plus de militaires ou une interdiction d’une manif ou d’un attroupement ne peut effacer ou atténuer. En somme, Ghardaïa fut oubliée depuis les premières blessures, alors que certains avaient donné l’alerte et avisaient du danger. Aujourd’hui que la plaie est rouverte, il convient bien d’éviter les erreurs du passé, et que les incidents meurtriers de la cité mozabite soient la leçon.