Général Toufik : Les conséquences politiques

Le départ du général-major Mohamed Lamine Médiene dit Toufik, de la tête du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), constitue le dernier jalon d’une réforme du président de la République Abdelaziz Bouteflika.
Celui-ci se donne ainsi le moyen de balayer d’un revers de main les postulats ou les suspicions quant à l’existence d’une « lutte féroce » entre des factions au sein du pouvoir au sujet des dossiers qui président au devenir des Algériens.
Des pans entiers de l’opposition avaient longtemps considéré que ces luttes opposaient le président et le DRS et ont paralysé les réformes ou les promesses faites par le chef de l’Etat, notamment la Constitution. Nombreux étaient les leaders de l’opposition qui soutenaient, à coups de déclarations publiques ou sur les plateaux de télévision, que la décision était éparpillée et n’était pas du seul ressort de la Présidence.
Dans le cas d’espèce, le DRS et la Présidence se partageaient le pouvoir et se tiraillaient sur de nombreuses affaires. Pour beaucoup d’analystes, la grande conséquence du départ de Toufik sera essentiellement politique.
D’abord, le départ du chef du DRS va déplacer tous les centres de décision de l’Etat vers un centre unique, la Présidence. Ainsi, Bouteflika aura accompli sa promesse d’être un « tout-président » et non un « trois-quarts », ou un souverain républicain aux pouvoirs virtuels et honorifiques comme ceux de sa « majesté la Reine d’Angleterre ».
Bouteflika vient de concentrer tous les pouvoirs, toutes les prérogatives et aura toutes les attributions et les attributs d’un chef d’Etat accompli, fort et légitime. C’est cette concentration des pouvoirs qui semble être la grande conséquence politique de son geste historique.
Ainsi, il ne sera plus question de crise au sommet ou de guerre des clans, voire de divergences au sein du sérail, comme tente de nous le faire croire depuis des lustres toute l’opposition. C’est ainsi que la mouvance présidentielle sera libre et pratiquement renforcée avec l’élimination du rôle des sphères influentes du DRS.
On ne devrait plus entendre de la part des partis politiques qui soutiennent le programme de Bouteflika des justifications de ce genre, ou des prétextes de blocages et d’absence de consensus au sommet.
L’une des premières conséquences de cette situation inédite est la « libération « du projet de révision de la Constitution, dont le chantier patauge dans des explications de retards et des justifications approximatives depuis 2011.
Ce sera sans aucun doute la première grande décision politique de l’après-Toufik, ce que d’ailleurs Ouyahia, le chef intérimaire du RND et néanmoins directeur de cabinet de Bouteflika, prévoit avant la fin de cette année.
C’est aussi pourquoi le secrétaire général du FLN Amar Saâdani, comme Ahmed Ouyahia, cherchent à créer une nouvelle alliance ou un front élargi, politiquement parlant, afin de renforcer leurs positions et leurs suprématies à la veille des élections législatives qui ne sont pas loin (prévues en 2017).
Le champ sera donc libre pour cette mouvance, comme pour tous les candidats potentiels qui veulent occuper le Palais d’El Mouradia. Plus personne ne devrait attendre un soutien, comme par le passé, du DRS, pour devenir un homme politique, un ministre, un chef de gouvernement ou un chef d’Etat.
Cette caution n’existe plus. C’est peut-être cela qui préfigure la naissance de ce pouvoir civil que réclament aussi bien l’opposition que les alliés du Président.
C’est pourquoi cette opposition politique sera dans l’expectative quant à l’avenir du pays. Elle va observer si le limogeage du général Toufik va contribuer à renforcer la démocratie et les libertés ou plutôt à protéger encore davantage la prédation.
Incertitudes et doutes des uns et des autres, mais, déjà, certains n’hésitent point à dire que le quatrième mandat tant décrié a au moins servi à changer de « système » et à faire passer l’Algérie d’une époque sécuritaire à une nouvelle ère « plus politique ».
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