Fonction éducative et de développement

Tenu ces dimanche 11 et lundi 12 janvier, à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, le colloque sur La littérature de l’oralité et le conte populaire : De la transmission culturelle à la construction identitaire, se veut un moyen de redonner place à l’une des composantes de la culture locale qui n’est malheureusement pas d’actualité dans la société de nos jours.
Initiée par la direction de la culture de la wilaya en collaboration avec le mouvement associatif, le comité des activités culturelles et artistiques, dans le cadre de la huitième édition de la fête du couscous et la célébration de Yennayer 2965, la rencontre scientifique sur La littérature de l’oralité et le conte populaire : De la transmission culturelle à la construction identitaire s’est déroulée dans la perspective de rappeler l’importance du conte. Le conte réunissait jadis toute la famille autour du canoun pour partager des moments inoubliables en dépit de la misère, il est aujourd’hui complètement oublié.
A l’ouverture des travaux ce dimanche, le directeur de la culture, M. Ould ali El Hadi, a mis le point sur « la symbolique de Yennayer fortement ancrée dans nos pratiques et nos coutumes », mais aussi sur le fait que celui-ci « reste ce repère historique qui retrace les tréfonds d’une civilisation millénaire et d’un patrimoine riche, appartenant au grand peuple numide. C’est un marqueur indélébile du destin d’une communauté humaine qui, malgré les travers que l’histoire lui a infligé, a su résister à l’effacement, à la dislocation et à l’oubli ».
L’intervenant a rappelé que « Yennayer est un moment de rassemblement, de communion et de fraternité… Présage de bonheur et de bon augure vivrier, il est vécu comme un retour à la terre nourricière, à la nature couveuse et à l’environnement protecteur qu’il convient de respecter et de préserver ».
Il poursuit que la célébration de cet événement est aussi un moyen de « pérenniser un patrimoine oral inestimable », dans la mesure où c’est durant ces nuits de fête que des contes, des devinettes et des poèmes sont dits puis transmis de génération à une autre, sauvant ainsi notre culture de la disparition. Le premier responsable de la culture au niveau local a saisi également l’occasion pour rappeler la revendication portant l’officialisation de tamazight qu’il considère comme « un rempart contre l’érosion de notre culture.
Il appartient à la société civile et politique de prendre à bras le corps cette revendication et de la concrétiser. C’est le devenir d’un peuple dont il s’agit ». En conclusion, il souhaitera plein succès aux travaux du colloque. Des universitaires et des chercheurs de France et d’Algérie se sont succédé ensuite pour aborder les différentes facettes et dimensions du conte dans la culture amazighe.
Le professeur Zineb Ali Benali de l’université Paris 8 a expliqué que malgré le fait que le conte soit des histoires imaginaires loin de refléter la réalité, « il plonge dans les profondeurs culturelles que l’on devine à peine, mais qui peuvent se révéler, par fragments, par ressemblance ou par allusion, dès qu’on se fait archéologue de la culture ».
Elle a expliqué que les narratrices de ces longs récits imaginaires, généralement les grand-mères ou les mères recourraient à cette pratique pour emmener les membres de famille et notamment les enfants, loin de la réalité marquée durant les longues nuits d’hiver par le manque de nourriture, le froid et l’enclavement.
« Pour faire oublier la faim aux enfants, témoigne une vieille femme, on mettait de l’eau bouillir sur le feu du canoun pour faire croire aux enfants qu’on leur prépare à manger. On commençait ensuite à leur narrer des contes interminables, jusqu’à ce qu’ils dorment sans rien manger, parce qu’il n’a y rien à leur donner ».
Le conte sert aussi, selon Dalila Arezki de l’université de Tizi Ouzou, à entretenir les rapports sociaux entre les enfants, première cible de ces textes, et leurs familles à travers le conteur, mais aussi favoriser le développement des jeunes personnes sur les plans cognitif, psychologique et pédagogique.
Le conte enseigne en effet les bonnes pratiques et les bonnes habitudes, le respect de l’autre et toutes les valeurs sociales existantes. Il avait donc le rôle d’éducateur et de transmetteur de plusieurs idées et règles en vigueur dans la vie de tous les jours. Une multitude de fonctions qui font l’importance du conte et donc la nécessité de sa préservation de la disparition qui pèse désormais lourd sur lui depuis quelques années.
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