Fin de mandat du CC FLN : Un plongeon vers l’inconnu ?
C’est aujourd’hui que prend fin le mandat du comité central du FLN. Elu pour cinq ans, lors du congrès du 19 mars 2010, le CC n’a plus en principe d’existence légale, même si on ne conteste guère sa légitimité politique.
Alors que la date butoir était retenue comme un couperet, voilà que les dirigeants du FLN voient les choses d’une autre manière. Pour Saïd Bouhadja, membre du Bureau politique et chargé de communication, « ce n’est pas la première fois que l’on prolonge le mandat d’une instance ».
Une déclaration qui minimise l’impact de cette fin de mandat, alors qu’en face les contestataires alliés à Abderrahmane Belayat l’utilisent comme un argument de taille sur la déliquescence du FLN et ses dérives organico-politiques.
Car, en vérité, qu’est ce qui peut bien empêcher la tenue du congrès, seule instance qui désigne, renouvelle ou fait élire les membres du CC ? Pourquoi ce congrès a-t-il pris du retard ? Tout le monde sait que Amar Saâdani, le patron controversé du FLN avait, d’une manière tranchante, décidé que la tenue d’un congrès du parti devrait avoir lieu après la révision de la Constitution. Autrement dit, à une date indéterminée, puisque le président Bouteflika n’a jamais donné un calendrier précis de cette révision, ni ordonné un agenda à ce projet ou sa concrétisation.
D’ailleurs, personne parmi les propres partisans de Bouteflika ne sait quand ni comment aura lieu cette révision. Chacun y va de sa propre appréciation, les uns disent qu’elle aura lieu avant juin prochain, alors que d’autres avancent la fin du mois d’avril. Pire, on ne sait pas également si cette révision de la Constitution passera par la voie référendaire ou par un vote en plénière dans les deux chambres parlementaires.
Assainissement organique ou reconstruction ?
Pour certains, il s’agit d’une « ruse politique et organique », car Saadani jouait la montre. Etant en « zeitnot », il devait absolument élargir sa base de sympathisants au sein des appareils du FLN.
Comme l’actuel CC est composé des fidèles de l’ex-SG Abdelaziz Belkhadem, des partisans de Ali Benflis, de redresseurs affiliés au clan Abada et de dizaines d’autres de « neutres », sait qu’il n’a pas beaucoup de chances d’arracher une reconnaissance ou une légitimité. C’est d’ailleurs en raison de cet état de fait qu’il inventa, en homme d’appareil, le fameux nouveau découpage organique, multipliant presque par trois le nombre de mouhafadhas et donc de kasmas, ces cellules de base du parti.
L’opération de restructuration s’est faite pratiquement au pied levé, conduite par Mohamed Mazouzi, son homme de main, qui sillonna le pays et les wilayas, installant de nouveaux mouhafedhs fidèles et ambitieux.
Ainsi, la première étape politico-organique aura été une réussite, en dépit des nombreuses contestations signalées dans certaines wilayas. Selon des sources internes au FLN, cette opération aura permis à Saadani de prendre déjà une majorité au sein du prochain CC, selon des calculs et des chiffres fournis.
Mais tout cela est tributaire de la tenue d’un congrès et surtout de ses préparatifs. Car, organiser un congrès n’est pas facile. « Il faut d’abord que des conférences régionales aient lieu, qu’on désigne des délégués de wilaya, que des commissions centrales finalisent leurs motions et leurs travaux.
Cela prend facilement un trimestre, si tout va bien », nous dit-on. Or, jusqu’à maintenant, rien n’a été fait par la direction politique du FLN, laissant traîner les choses. En liant la tenue de ce congrès, indispensable pour le FLN, à une révision de la Constitution, qui reste juste un projet ouvert, le FLN est sûr qu’il ne connaîtra pas de renouveau organique et de nouvelles légitimités avant la rentrée sociale de septembre prochain.
UN PARTI EFFACE, RETRANCHE
Mais alors, pourquoi tient-il à faire ce lien ? « Il veut que la nouvelle Constitution consacre le droit au parti majoritaire de constituer son propre gouvernement, de mener son programme et de nommer son chef de gouvernement », explique-t-on. D’autres pensent que le FLN veut « consacrer son statut de locomotive politique, en prenant en charge le débat sur la révision ».
Entre la restructuration des instances du parti et les préparatifs du congrès, le FLN semble vivre des temps difficiles. Car, en parallèle, l’opposition ne baisse pas les bras.
Déjà, le clan Belayat affirme qu’il prépare un congrès parallèle, avec un CC parallèle, pour désigner un nouveau SG, une nouvelle direction politique et un BP. Des demandes d’autorisations ont été déposées au niveau des services de la wilaya d’Alger, sans suite jusqu’à présent. D’ailleurs, cette fronde de Belayat est relayée par une autre rébellion au sein de l’APN, avec la révolte du vice -président Bouchareb, que veut dégommer en usant de fortes pressions sur Ould Khélifa.
L’affaire a pris des proportions inquiétantes, qui ont influé sur la discipline même du groupe parlementaire, notamment lors des votes de projets de loi. Et c’est justement en se basant sur les députés que Belayat veut relancer sa fronde, car il estime que « face à l’absence de légalité et de légitimité de toutes les instances du FLN, il ne reste que les élus du parti, issus des élections de mai et octobre 2012, qui ont le droit de sauver le FLN ».
Pour de nombreux analystes, il y a comme un malaise quelque part chez le FLN.
Car, on explique mal comment un parti, qui revendique une majorité dans toutes les assemblées et autres institutions, qui se déclare derrière le président de la République et qui défend son propre programme, montre à chaque week-end de pâles visages, se montre discret, loin des tumultes politiques et des débats populaires. Le constat est effarant dans les médias : le FLN est absent et effacé de l’actualité quotidienne, loin des grandes polémiques et des préoccupations, toujours prisonnier de l’événementiel, comme les festivités du 24 février.
« Où était le parti lors du débat sur le gaz de schiste ? Sur la polémique née des amendements du code pénal ? Sur les marches et sit-in de la CNLTD et des autres forces de l’opposition ? Sur la crise des prix du brut et l’austérité ? Sur le procès Sonatrach1 et des autres affaires de corruption ? Sur la hausse vertigineuse des prix des fruits et légumes ? ». Peut-être que la conférence de presse que va organiser samedi prochain apportera des réponses aux militants et cadres du FLN, plus que jamais divisés et tiraillés par tant de divergences et de brouillard.