Fête de l’Aïd : Rendez-vous spirituel ou commercial ?
C’est pendant la semaine qui précède les fêtes de l’Aïd que les prix des produits consommés traditionnellement en cette période commencent à flamber.
La presse dénonce, l’opinion publique s’indigne mais rien ne dissuade les commerçants majoritairement sans scrupule. Quant aux autorités compétentes, elles demeurent sans aucun moyen coercitif susceptible de réguler les tarifs affichés. A cause du principe de la liberté des prix et, probablement, de la complicité passive des consommateurs.
Le prix des légumes a doublé, voire triplé. La mercuriale brûle comme chaque année les articles de journaux habitués à constater les opérations spéculatives des grands et petits commerçants.
La comparaison des prix, produit par produit, confirme la tendance à l’exagération qui se généralise : Ainsi, le kilo de courgettes s’affiche à 200 DA, celui de la tomate à 130 DA, pour la pomme de terre il faut dépenser 80 DA…même l’oignon devient un luxe à 70 DA le kilogramme ! Pas besoin d’évoquer les fruits, leur prix dépasse tout entendement.
Les autres denrées alimentaires n’échappent pas à l’inflation des fêtes de l’Aïd. Ingrédients pour la confection des gâteaux, certains sodas, le sachet de lait pourtant subventionné, tout a augmenté ces derniers jours pour le bonheur des commerçants. Tandis que les boutiques et marchés de légumes ne désemplissent point… C’est d’ailleurs une réalité que d’aucuns convoquent pour expliquer la flambée sans limite des produits.
« Tant que le client accepte et paie l’ardoise, pourquoi s’offusquer de l’augmentation des prix ? », ironise Djamila, mère de famille rencontrée à la sortie d’un marché couvert à Rouiba dans la banlieue d’Alger. Une façon de voir les choses, partagée par nombre d’observateurs dont de hauts fonctionnaires du ministère du Commerce, à en croire quelques commentaires de presse.
Il est vrai que l’euphorie qui gagne le cœur des ménagères à la veille de l’Aïd-El-Kébir ne favorise pas la dépense rationnelle. Frustrations à compenser chez les uns, sentiment du devoir religieux pour les autres, le rendez-vous sacré justifie tous les excès.
Farid, un papa qui suit sa femme et sa grande fille en réglant les additions successives, nous fait un aveu : « A chaque Aïd j’emprunte de l’argent à mon employeur et je le rembourse au cours des moins qui suivent. Je ne peux rien refuser à ma petite famille, j’en aurais trop honte. »
Habits et mouton hors de prix
Houria nous raconte qu’elle a dû, l’année précédente, se séparer d’un bijou en or massif, hérité de sa défunte maman, pour aider à l’achat du mouton.
« Deux de nos enfants sont venus de l’étranger le jour même de l’Aïd, nous étions au courant de leur arrivée, il nous fallait les accueillir en montrant joie et aisance par la présence d’un mouton sur notre balcon. Nous l’avons acheté, chétif et au prix fort.
D’autres parents témoignent de leur difficulté à trouver des vêtements d’occasion en assez bon état pour leurs enfants, de plus en plus rares depuis que l’importation de la fripe a été interdite.
« Beaucoup d’Algériens se sont enrichis ces derniers temps, cela fait oublier que nous sommes encore trop nombreux à ne pas pouvoir faire face aux folles dépenses de l’Aïd. Mais, d’un autre côté, il est bon de rester humble et de ne pas tomber dans des dérives de consommation loin du message d’humilité et de partage de notre religion », se console Sélim, papa de sept enfants. Un clin d’œil bénéfique à la dimension spirituelle de l’événement, devenu une épopée commerciale.