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Nationale

Féminicides  : Meurtres entre quatre murs 

Féminicides  : Meurtres entre quatre murs 

La plupart des crimes perpétrés à l’encontre des femmes sont la conséquence de conflits familiaux et ne sont pas dus au fait qu’elles soient des femmes. Cependant, le caractère genré du motif est présent dans la violence exercée contre les femmes, en raison du nouveau statut qu’elles occupent dans la société, notamment dans le milieu professionnel. C’est ce qu’a indiqué au Jeune Indépendant Noureddine Bekkis, professeur en sociologie.

Le féminicide est une question épineuse et critique en Algérie. Le phénomène prend des proportions graves. Selon le site Féminicides Algérie, 141 femmes ont trouvé la mort depuis 2020, alors que neuf d’entre elles ont été tuées depuis le début de l’année en cours. 

Selon la même source, en moyenne, une femme est tuée chaque semaine en Algérie, un chiffre qui alerte sur la gravité du phénomène dans le pays. « L’année 2021 est la plus meurtrière avec 55 femmes tuées », est-il dit, et souvent le crime est commis par un proche de la victime.

Joint par le Jeune Indépendant, le sociologue a souligné que le féminicide n’a pas atteint l’ampleur prétendue. « Le phénomène est lié directement aux conflits familiaux. La femme n’a jamais été la cible de l’homme », a-t-il soutenu.

Au passage, le spécialiste a mis l’accent sur le crime d’honneur qui, d’après lui, a connu une baisse, laissant place aux conflits relationnels. Par ailleurs, il revient sur l’origine de la violence à l’égard de la femme, précisant que cette dernière a pris les commandes dans tous les domaines, en particulier dans le milieu professionnel. « Cette situation est à l’origine des conflits entre l’homme et la femme, d’où l’apparition de l’agressivité et de la violence », a-t-il expliqué. 

Comme seule alternative pour remédier à ce problème, il estime que la société doit s’adapter à cette nouvelle situation pour tenter d’atténuer un tant soit peu cette violence. 

« Le féminicide est un crime sexiste passionnel » 

Ce phénomène prend un caractère « sexiste passionnel », a tranché Nacira D., psychologue exerçant à Alger. Elle précise que « celui qui ôte la vie à une femme la considère comme sa propriété ». Elle subit une multitude de violences, à savoir le harcèlement, les menaces et la manipulation, avant d’être assassinée », a-t-elle indiqué.

S’exprimant sur les causes qui sont à l’origine du fléau, la psychologue a fait savoir que celui qui commis un crime contre une femme a une personnalité pathologique, engendrée par un vécu traumatique ou une paranoïa. « L’assaillant est géré par l’instinct sexuel. Il a une structure mentale pathologique perverse », a-t-elle ajouté.

Nacéra D. a cité deux cas, enregistrés respectivement en 1982 et 1995, où deux femmes ont été tuées par leurs maris respectifs.

Elle a estimé que ces personnes, qu’elle a qualifiées de criminelles, doivent être condamnées à la perpétuité afin d’éviter une éventuelle récidive.

Pour en savoir davantage sur ce phénomène, le Jeune Indépendant a joint par téléphone Me Sihem Hammache, avocate au barreau d’Alger et militante au « Réseau Wassila », chargée des dossiers des femmes et enfants victimes de violence. 

L’avocate a estimé que la « violence à l’égard des femmes est enracinée en Algérie », donnant l’exemple du mariage qui permet à l’homme d’avoir une sorte de domination sur la femme. Dans les familles algériennes, « l’autorité est donnée aux frères, au père, aux cousins. La femme n’est pas libre et si elle ne se soumet pas à l’autorité masculine, elle est châtiée. Elle risque même d’être victime d’une violence qui peut se transformer en crime ». 

« Nous avons tiré la sonnette d’alarme depuis longtemps mais il n’y a pas eu de vraie volonté pour protéger la femme », a-t-elle ajouté. En Algérie, il y a beaucoup de crimes contre les femmes. Ce phénomène existe depuis très longtemps. Depuis plus de 20 ans, le Réseau Wassila dénonce fermement les violences faites aux femmes dans la société algérienne, a-t-elle fait savoir.

L’avocate a expliqué : « Il y a toutes formes de violence. Ces dernières commencent par des violences physiques et verbales, et beaucoup d’entre les victimes finissent à la morgue. Nous nous sommes battues jusqu’à 2015. Nous avons pu obtenir quelques textes de loi, dans le code pénal, qui reconnaissent les violences faites aux femmes dans les espaces privés. »

Mme Hammache a précisé que l’un des articles reconnaît la violence faite aux femmes, notamment le harcèlement sexuel, dans le milieu du travail. Elle a affirmé que si l’auteur est un récidiviste, la peine peut aller jusqu’à cinq ans de prison. « La loi fait référence à la violence économique sur les femmes, à savoir l’époux qui prend l’argent de son épouse. Si cette dernière dépose plainte, il sera puni par la loi », a-t-elle expliqué. Abondant dans le même sillage, Me Hammache a ajouté : « Le code pénal punit les crimes contre les personnes, qui commencent par des menaces, des insultes et finissent par des violences physiques. L’article 264 jusqu’à l’article 3030 du code pénal condamnent toutes formes de violence. »

Elle a également évoqué la loi qui protège l’enfant, en l’occurrence la fille mineure, par la Délégation nationale pour la protection de l’enfant de moins de 18 ans, s’interrogeant si des mesures ont réellement été prises dans ce sens. A ce propos, elle a affirmé : « Lorsqu’un cas de violence est enregistré, on se dirige vers la Délégation nationale mais celle-ci estime que ce problème doit être réglé au niveau de la justice. Les deux doivent faire leur travail. Cette instance doit être indépendante et son personnel doit être issu de la société civile. Malheureusement, ce n’est pas le cas. »

La militante en charge des droits de la femme n’est pas d’accord sur le concept  » féminicide « . Selon elle, les violences contre les femmes doivent être prises en charge d’une manière particulière. « Quand la femme vient déposer plainte, il faut que des gens spécialisés assurent sa propre prise en charge. Si cette dernière ne revient pas, il faut demander de ses nouvelles, pour ne pas avoir à la retrouver sur une table d’autopsie, surtout si la société commence à en parler, en exerçant sur elle des pressions pour qu’elle retire sa plainte », a-t-elle expliqué. Mme Hammache a notamment cité le cas de la jeune Kenza, assassinée par son père, et celui de la journaliste de Tv4, tuée de 17 coups de couteau par son époux. « On assiste à des égorgements, des décapitations, c’est très grave », a-t-elle alerté.

 

Des crimes abominables à ciel ouvert

S’agissant des peines encourues suite à toutes ces violences, M. Hammache a expliqué que les crimes sont condamnés par la loi, qu’il y ait préméditation ou pas. Généralement, quand la victime vit sous le même toit que son agresseur, il y a préméditation. Les condamnations sont entre 15 et 20 ans, la perpétuité, ou la peine de mort, même si personnellement je suis contre la peine de mort, en plus d’une amende de 100 000 à 200 000 centimes, versés pour les ayant droits. Si la victime est morte, c’est au juge de définir l’indemnité parce que l’affaire passe en criminelle ».

Mme Hammache a appelé à l’élaboration d’une stratégie efficiente pour protéger la femme. « Si l’on parle de féminicide, notre objectif est d’éliminer un système patriarcal qui opprime les femmes depuis des années et qui donne une priorité aux hommes sur les femmes. A ce moment-là, on ira vers une vraie pratique de la Constitution qui est pour l’égalité installée, un principe fondamental et un principe dans la convention relative aux droits des femmes », a-t-elle conclu.

Les féminicides ne font que se multiplier. Chaque cas est plus odieux que le précédent. Le nombre de victimes ne cesse d’augmenter, dans l’attente de mesures qui pourraient protéger les femmes de leurs bourreaux, bien que ces derniers ne soient pas étrangers à la victime. 

En général, les coupables sont des époux, des frères ou des pères. Chacun de ces féminicides porte l’histoire d’une femme sauvagement agressée, violée et tuée. Les lois ne semblent pas décourager les criminels, dénués d’humanité, qui n’hésitent pas à mettre fin à la vie d’une femme. La plupart des gens se montrent offusqués par ces crimes alors que d’autres tentent de les justifier. Il est temps que les autorités concernées réagissent.

Un crime abominable a secoué la wilaya d’ Oum El-Bouaghi, dans la commune de Fakrina, l’année précédente. Une infirmière divorcée, qui répondait aux initiales M. H., avait tenté sa chance sur la scène politique en participant aux élections législatives de juin 2021. La trentenaire n’avait pas d’enfants. Elle a été portée disparue avant d’être lynchée. L’agresseur a pu se débarrasser du corps en le brûlant et en l’enterrant pas loin de la commune. Plusieurs efforts ont été déployés pour le retrouver. Les unités de la Protection civile l’ont finalement retrouvé le 3 janvier à 12h51 puis transporté à l’établissement hospitalier de Aïn El-Beida afin de déterminer les causes et l’heure du décès. Les services compétents ont ouvert une enquête pour connaître les tenants et les aboutissements de ce crime odieux. 

Les premiers éléments de l’enquête et les données fournies par la police scientifique ont pu déterminer les suspects, lesquels ont été interpellés. Les habitants de la région, quant à eux, ont lourdement condamné ce crime impitoyable, dont les circonstances restent mystérieuses. 

Un autre cas vient s’ajouter à la longue liste des victimes à Oum El-Bouaghi, plus précisément dans la commune de Oued Nini, daïra de Fkirini. Il s’agit d’une femme sourde et muette âgée de 47 ans, connue pour sa tendresse, sa gentillesse et sa bienveillance. Elle était mariée depuis deux ans à un homme qui souffre du même handicap. Ce dernier la frappait et l’insultait. La femme a tenté de le fuir et de se libérer de ce cauchemar quotidien, en vain. Elle s’est confiée à plusieurs personnes concernant les violences qu’elle vivait. Elle a même eu un courage sans égal en dénonçant cette violence incessante aux services de la Gendarmerie nationale, lesquels n’ont pas réussi à la libérer de son bourreau. Le 29 novembre 2021, son mari a lâchement et impitoyablement décidé de mettre fin à sa vie avec une arme blanche. 

Un autre crime odieux a secoué la ville d’Annaba. La victime, une femme âgée de 38 ans, a été tuée, l’année dernière, par son mari au domicile conjugal, sis dans le quartier place d’Armes, au centre d’Annaba. Selon un journal arabophone, la victime a été égorgée par son mari, qui a laissé son corps gisant dans une mare de sang. Selon la même source, ce crime impardonnable s’est déroulé aux environs de 8 heures. « Le corps de la victime a été transporté par les éléments de la Protection civile vers la morgue de l’hôpital d’Annaba », a noté le même média. Une enquête a été ouverte par les éléments du service de sécurité afin de déterminer les circonstances exactes de ce crime injustifiable et d’établir les mobiles qui ont poussé l’assassin à commettre ce crime abominable.

 



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