Éviter l’impasse
Depuis le 22 février, date des manifestations historiques contre le cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, l’Algérie a pris un tournant irréversible sur la voie du changement. Au sixième vendredi, la rue ne désemplit pas. En revanche tout porte à croire que les choses s’orientent dans le bon sens.
Il faut dire que la position de l’Armée nationale populaire, favorable à une solution constitutionnelle, a réduit considérablement les tensions et calmé les esprits, en dirigeant la crise vers une voie légale, afin de lui éviter tout débordement devenu presque inévitable. Pour bon nombre d’observateurs, la déclaration du chef d’État-major est venue à point nommé pour répondre à l’appel de la rue devenue très impatiente, mais aussi très vulnérable à la pression des réseaux sociaux et à laquelle viennent se greffer une situation économique délicate et un climat géopolitiques très sensible. Maintenant que ni le maintien, ni la prolongation du mandat présidentiel ne sont à l’ordre du jour, la gestion de la transition s’impose comme l’unique équation à résoudre, du moins sur le plan politique.
Car de tout cet élan populaire inédit, pacifique et surtout massif, il faut bien dégager quelque chose de positif pour un pays qui a décidé d’accélérer l’histoire. Un pays qui veut rompre avec la corruption, le clientélisme, le favoritisme et tous les maux de la mauvaise gouvernance. Certes, la tâche n’est pas facile et le chemin est long compte tenu, d’abord, du nombre d’acteurs qui sont impliqués, de leurs ambitions, leurs orientations et même les enjeux que constitue pour eux le changement, que le peuple veut radical, aussi bien avec les personnes qu’avec les pratiques qui ont mené le pays vers l’impasse. L’impasse qu’il faut impérativement éviter pour cette transition délicate et qu’il va falloir gérer avec une classe politique hétéroclite notamment sur le plan idéologique, une société civile fragile du fait d’avoir été souvent marginalisée par le passé, et un élan populaire qui se veut indépendant de toute structure organisationnelle.
À cela s’ajoute le cadre institutionnel que l’imaginaire collectif identifie, dans le fond et dans la forme, aux appareils défectueux du système, sans oublier le rôle des médias et des intellectuels dont certains n’hésitent pas à verser dans la surenchère. La clé du succès réside donc dans le bon sens, mais également et surtout dans le consensus, sauf qu’il ne peut y avoir de consensus sans des concessions. En tout cas, notre passé regorge d’expérience, même les plus douloureuses, démontrant l’importance capitale de ces éléments. Il est donc vital de valoriser notre vécu pour éviter les erreurs du passé, un passé qu’aucun Algérien n’est prêt à revivre.