Etrange remake politique !
Safy Benaissa
Vingt ans après sa création le RND et sa consécration en une année, voilà qu’en France le mouvement en marche lui emboîte le pas ! Est-ce une leçon de l’histoire ?
L’actualité des élections présidentielles en France avec la percée du mouvement « en marche » de Macron nous renvoie à ce qui avait fait l’actualité chez nous en 1997 avec l’éclosion dans notre scène politique et du RND et son succès éclatant qui avait défrayé la chronique.
Le mouvement en marche se serait-il inspiré de son prédécesseur algérien, le Rassemblement national démocratique – n’oublions pas son caractère patriotique – en faisant mieux ? Si notre « bébé » était moustachu, le bébé d’Hollande – critique l’opposition- « est barbu » -classé 1er au premier tour des présidentielles ! –
Il est évident que ces deux mouvements ont émergé dans des contextes et des époques aux antipodes les uns des autres.
Mais cette similitude dans la promptitude de leur formation et leur organisation avec l’engouement qu’ils ont suscité et le succès remporté dans un délai relativement court ne peut qu’interroger les observateurs des phénomènes politiques.
Le mouvement en marche a eu toutes les faveurs d’une certaine majorité de la classe politique et a bénéficié plutôt d’une bonne presse.
Le RND a eu plutôt mauvaise presse et a été considéré par elle à tort ou à raison comme un parti de l’administration. Est ce aussi simple ?
Rappelons le contexte et faisons une analogie avec son alter-ego « en marche ».
La reprise des législatives en 1997 a suivi la retentissante élection présidentielle avec un plébiscite en faveur de M. Zeroual pour une Algérie républicaine.
Des syndicalistes démocrates, des associations de fils de chouhada et de moudjahidine et des dissidents du FLN, de patriotes, stimulés par cette ferveur populaire, s’organisent autour de leaders nationalistes pour fonder ce nouveau parti -le RND- sous l’égide duquel ils vont remporter la bataille électorale des législatives.
Qu’ils aient bénéficié d’une aide logistique de l’administration, c’est fort probable. D’autant que la mobilisation populaire l’y encourageait ; il fallait consacrer une union nationale pour manifester le rejet de ce terrorisme aveugle contre sa propre nation.
On a parlé également de fraude : De manipulations dans les bulletins de vote ou dans le décompte des voix ne sont pas à exclure.
Mais peut-on dire que dans ces conditions tragiques la majorité des voix qui a donné la victoire à ce parti a été usurpée ? Si c’est oui c’est vouloir faire croire que ce peuple voulait se faire hara-kiri ; ou que ce détournement s’est fait au détriment des autres partis : alors croit-on sincèrement que la population était déconnectée de cette phase dramatique dans laquelle elle était engluée pour s’orienter vers un choix partisan ! c’est lui faire injure !
Les événements politiques qui ont suivi ont confirmé ce choix. Ce choix, il l’a porté sur Abdelaziz Bouteflika en l’élisant président de la République pour sa politique de réconciliation nationale qui consacrait son unité différentielle.
Ce retour d’une des figures emblématiques du FLN a revigoré ce dernier.
Si le FLN a repris sa place de premier parti, il la doit à la nouvelle politique de rassemblement, à la réhabilitation et à la réappropriation de nos valeurs culturelles qui réconcilient les algériens avec eux-mêmes, que la politique du président de la République a instauré.
Même si M. Bouteflika avait déclaré qu’il se considérait comme Président de tous les algériens, transcendant tous les partis, le FLN ne s’est pas départi à le considérer comme leur président d’honneur pour s’auréoler l’image de ce parti de libération nationale qui reste mythique dans la représentation populaire, en dépit de certaines déconvenues depuis la disparition du Président Boumediène.
Le RND malgré l’élan patriotique qui l’a porté au devant de la scène politique souffre de ce manque de légitimité historique dont bénéficie encore le FLN.
Sa compétition aujourd’hui avec ce dernier, puisque tous les deux se prévalent du programme du président de la République se joue dans leur capacité à jubiler et maîtriser les disfonctionnements et les distorsions dans la vision qu’aura l’un et l’autre dans la redynamisation de ce programme.
Puisque leur objectif demeure le même, l’orientation devait être envisagée selon le pragmatisme qui caractérise chaque formation.
Quant au mouvement en marche « son irruption » au sein de la classe politique est plus récente. Le dynamisme de son promoteur – Macron – a su et pu fédérer des membres qui par tradition appartenaient aux deux partis antagoniques -droite et gauche- mais qui partageaient les mêmes sensibilités : une conception conciliante que caractériserait une organisation économique et sociale qui tout en reconnaissant le droit naturel à s’épanouir doit également aider et admettre les droits de la personne sur le plan économique et humain.
Mais M. Macron n’est pas « tombé du ciel ». Il a de toute évidence été poussé au devant de la scène par des forces sociales favorables à cette forme sociopolitique qu’on est tenté de définir comme un libéralisme humaniste : ne pas sacrifier l’humain au nom de la politique libérale -ou l’efficacité économique-. Il condense et porte en lui cette double capacité valorisant d’entreprendre et d’entraide puisée du milieu social dont il est issu. C’était la personnalité qui était la plus en phase avec ce mouvement social.
On peut épiloguer sur le ou les noms qui l’ont parrainé implicitement, ce ne serait que des commentaires oiseux.
Ce mouvement social est le produit des transformations des rapports sociaux, qui cependant n’est pas exclusif, puisqu’en parallèle une autre tendance d’extrême gauche – la France insoumise – a vu ses rangs grossir et le front de l’extrême droite s’amplifier, nourri tous deux par la crise économique et ses effets -chômage, précarité…-. D’ailleurs cette dernière est au deuxième tour. En présage au scrutin serré selon la caricature d’une France partagée celle d’une France d’en haut et celle d’en bas. D’autres analystes français savent que c’est beaucoup plus compliqué, et, qu’il est beaucoup plus probable que le mouvement en marche remporte les présidentielles.
Ce qui a inspiré cette contribution c’est la relative soudaineté du mouvement en marche qui par son caractère a rappelé la manifestation tout aussi rapide du nouveau parti démocratique en Algérie en 1997 comme déjà développé plus haut, c’est l’enseignement que l’on peut tirer de ces deux événements par leur similitude qui nous paraît intéressant.
Deux partis issus de deux sociétés différentes par leur historie socio-politique, et par leur culture, dans deux époques différentes, dans des contextes et des espaces aux antipodes les uns des autres, qui se sont formés, organisés, popularisés pour ensuite prendre une envergure nationale et être sacrés première formation de leurs pays, ont suscité des débats contrastés chez nous ; pourquoi ?
Le RND s’est éclot dans un pays en devenir, qui n’a pas une tradition démocratique, a bénéficié d’un préjugé défavorable par les siens sans aucune analyse sociale si ce n’est le raccourci de la fraude. Ils ne pouvaient par concevoir qu’une mouvance politique prenne un essor en une année.
Le mouvement en marche jouit d’une mansuétude toute avenante d’une bonne partie de la classe politique et d’une presse qui n’émettent aucun doute sur cette fulgurante ascension, qu’aucune violence meurtrière ne justifie.
Pourtant autant l’un que l’autre ont été le produit d’antagonismes sociaux propres à leurs sociétés dans des conditions et des époques différentes.
Quel sera leur avenir ?
Résisteront ils face aux partis, qui ont une longue tradition de militantisme et dont les projets de société répondaient aux attentes de leur électorat, en proposant un nouveau modèle par le dépassement des anciennes représentations que l’évolution des rapports socio-économiques a bouleversé.
Ou ne serait-ce que l’attrait d’une nouvelle « mode » de faire de la politique sans impact positif sur la vie économique de la population et qui disparaîtra avec son « effet ».
Chez nous le RND semble avoir la « peau dure » -vingt (20) ans d’existence déjà !-
Aura-t-il l’avantage devant le FLN dans le futur ? Nous le saurons postérieurement. Le mouvement en « marche » est encore en marche : wait and see -attendons pour voir-.
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