Etat fort de Bouteflika ou réajustement historique du cours de l’Etat-Nation ?
Safy Benaissa
Certains économistes nous instruisent que si notre sous-développement ou « l’état BOUTEFLIKA »
se maintient sur la frontière (?) des nations ce serait dû au fait que nous cumulons le mauvais côté de l’état fort au sens du XVII s avec le mauvais côté des institutions faibles au sens contemporain :
L’état fort de BOUTEFLIKA se singulariserait par son antilibéralisme en refusant l’émergence d’acteurs économiques autonomes, pour perpétuer son pouvoir et retardant par-là la dynamique capitaliste au sens moderne.
L’état faible de BOUTEFLIKA serait le piétinement de la norme juridique qui créerait un climat hostile à l’accumulation du capital, et ce, à l’inverse de l’autoritarisme du parti communiste chinois ou la voie démocratique brésilienne
Pour argumenter le 2eme point on nous ressert la rengaine périodique du feuilleton médiatico-juridique sur une suspicion de malversation à travers ce qui a été dénommé SONATRACH 1 qui a coupé court et ensuite sur SONATRACH 2 dont on attend l’épilogue.
En exhibant cette lubie qui aurait consisté à soustraire aux fourches caudines de la justice un ex-ministre, on veut accréditer qu’elle dissuaderait les hommes d’affaires ou qu’elle serait hostile au climat des affaires (- sous d’autres cieux des scandales autrement plus retentissant sont légions-)
Argument spécieux pour invoquer la norme.
Nous allons nous intéresser au 1er point dont la complexité -et non la simplicité de ces objecteurs- nous contraint à tenter de l’éclairer sous l’angle de l’histoire économico-social- l’expertise économique étant du ressort de spécialistes dont c’est le métier- de l’Europe des XVI et XVII s. pour en comprendre les fondements et les ressorts dans une première partie ; pour qu’en deuxième partie aborder la nôtre, post-indépendance, et, suivre son évolution pour essayer d’en saisir les circonvolutions et les convulsions qui l’ont agité avant de reprendre sereinement son cours, mais dont la trajectoire est complètement étrangère à celle de l’Europe -ou de la France- de par les époques et les contextes qui diffèrent totalement.
Mouvement historico-social et économique de l’Europe aux XVI et XVII s
A la fin du XVI s. une reprise économique vigoureuse se manifeste en EUROPE occidentale suite à des crises politiques qui l’avaient fortement agité.
Le développement commercial
Le commerce se développe et se transforme. Les compagnes renaissent avec l’essor de l’agriculture et surtout de l’élevage qui fournit des viandes mais également la laine qui permettra l’émergence de l’industrie du drap, et, des nouveaux textiles comme le lin de chanvre, la soie qui entraîneront un échange entre villes européennes et stimulent la concurrence.
Parallèlement l’exploitation minière se redéploye grâce aux mises de fond de l’association d’hommes d’affaires ainsi qu’aux prêts consentis par des banquiers
Elargissement du monde et conquêtes continentales
Ce regain fut impulsé par le commerce maritime qui s’est orienté vers la méditerranée occidentale après son déclin en méditerranée orientale.
Cette dynamique commerciale fut relayée par le Portugal et l’Espagne qui ouvrirent de nouvelles voies maritimes vers d’autres contrées où ils établissèrent des comptoirs et conquièrent de nouvelles colonies, grâce aux nouvelles techniques de navigation et d’orientation révélées aux occidents par les arabes.
Il ne serait pas inutile ici de rappeler que « le Maghreb central a constitué une plaque tournante de grands courants d’échange.
En effet, le Maghreb contrôle pendant six siècles la route de l’or du Soudan et occupe de ce fait une place essentielles dans les échanges commerciaux du monde méditerranéen et moyen-oriental : il détient un facteur important de développement de la civilisation musulmane et aussi sans doute de l’essor un peu plus tardif de l’Europe occidentale » dit en substance Y. LACOSTE.Ces grandes découvertes bouleversent les données du commerce maritime et les conséquences économiques vont s’étendre à l’Europe entière.
C’est par le contournement de l’Afrique en passant par le Cap de bonne espérance qu’ils accèdent à la route des épices et de la soie -en orient- en traversant l’OCEAN qu’ils font la conquête des Amériques et en ramener les métaux précieux.
Cette activité commerciale va stimuler le développement de l’industrie en éclatant les vieux cadres médiévaux ; libres des règles corporatives, les ateliers de fabrication se multiplient pour amplifier les quantités grâce à l’apport financier des banquiers, qui, de l’activité commerciale, se déploient à l’activité industrielle, accompagnant le développement du capitalisme que favorise la bourgeoisie.
Mais cette effervescence économique des pays européens connait diverses fortunes
Le Portugal, et surtout l’Espagne dopé par cette puissance financière que lui a conféré l’action commerciale et l’extorsion des métaux précieux, mais, qui n’a profité qu’au clergé et à la haute noblesse, laissant sombrer dans la pauvreté les « hidalgos » oisifs -le peuple- « Cette richesse espagnole, qu’a favorisé le commerce maritime et l’exploitation des mines des colonies, a négligé l’activité industrielle au profit de l’activité commerciale, et, a été la cause d’une formidable inflation qui a étouffé les structures capitalistes et a renforcé parallèlement la grande propriété foncière ». Y. LACOSTE.
Elle s’est laissé conduire par la démesure en menant des guerres d’expansion qui l’ont ruiné et affaibli par : La perte de son invincible armada suite à sa tentative d’invasion de l’Angleterre. La perte de ses provinces aux Pays-Bas et ses ressources
La défaite de son armée face à HENRI IX de France.
Parallèlement l’expansion économique s’essouffle. En effet, à partir de 1630 l’Europe souffre d’une pénurie de numéraires ; la production de métaux précieux en Amérique cesse de croître, alors que le volume des marchandises échangées a considérablement augmenté : les prix baissent, le commerce se ralentit. Une doctrine nouvelle le « mercantilisme » s’y essaie. Elle consiste à attirer le plus d’or en vendant des produits plus concurrentiels et de meilleure qualité, tout en instituant des droits de douane élevés pour les produits importés -le protectionnisme- ; la conquête d’empires coloniaux et le monopole du transport maritime ont renforcé ces dispositions.
La France engluée dans ses guerres de religion dès le milieu du XVI s. se vit restaurer l’autorité royale par HENRI IV à la fin de ce siècle. Après quelques flottements dus à la réaction des protestants et de la Noblesse RICHELIEU soumit les premiers et réduit l’influence des princes.
A sa suite MAZARIN avant la majorité de LOUIS XIV affrontera les frondes parlementaires et celle des princes qu’il jugulera. En effet, c’est RICHELIEU principal ministre de LOUIS XIII et MAZARIN principal ministre pendant la minorité de Louis XIV qui consolideront le pouvoir royal et qui aboutira à l’absolutisme de ce dernier.
L’affermissement de l’autorité royale commandait à réduire les droits des grands seigneurs et à assurer la primauté de sa couronne en Europe. Pour y parvenir il lui faut une armée puissante. Cette suprématie coute cher ; c’est à Colbert qu’échoit à ordonner et gérer avec méthode les finances de l’état, mais sans parvenir à maintenir le budget en équilibre à cause des dépenses de la cour et de l’état.
Il s’est inspiré du mercantilisme pour assurer la grandeur de l’état, en développant une industrie réglementée, laquelle renferme également les grandes manufactures royales, en assurant le monopole du trafic avec les colonies par la création de compagnies de commerce royales , en encourageant les industries de produits de luxe, tout en assurant son appui aux patrons contre les ouvriers.
Le surplus économique qui en était tiré servait aux dépenses d’apparats et aux dépenses de guerre qui ont affaibli le souverain : guerres menées contre l’Angleterre, les provinces unies et l’empire allemand.
L’état fort du XVIIs était belliqueux et dispendieux pour la gloire de la royauté absolue.
D’ailleurs à la fin de sa vie, il confie à son héritier âgé de cinq ans, de ne pas l’imiter à faire la guerre et les grandes dépenses.
Ce détourne ment du profit économique au seul prestige et de la grandeur de la France en Europe, a repris son cours en irriguant l’économie française sans toutefois concurrencer l’économie britannique qui avait pris entre temps une autre dimension.
Effectivement, l’évolution historique et économique de la Grande Bretagne se démarque de celles observées en Espagne et en France.
C’est sous Elisabeth 1ère d’Angleterre, vers la fin du XVIs que l’activité économique se développe -agricole et industrie drapière- avec l’essor du commerce maritime.
Plusieurs compagnies maritimes se constituent avec la participation financière de la couronne : grâce à ses corsaires elle s’attaque aux galions espagnoles remplis d’or pour son financement et évincer l’Espagne des Pays-Bas en soutenant les insurgés pour dominer le commerce des pays nordiques et de la Baltique.
A sa suite Charles 1er (1625-1649) réussit à imposer la monarchie absolue et à instaurer le « dirigisme » économique » en octroyant les monopoles commerciaux aux courtisans, et ce, aux dépens des commerçants.
Cependant la lutte était sourde avec le parlement. L’opposition de ce dernier pour des enjeux religieux mais surtout pour des intérêts économiques déboucha sur une guerre civile qui aboutira à la victoire d’une troisième force menée par CROMWELL, puritain, qui s’était allié aux partisans du commerce et de l’artisanat. Son « acte de navigation » donne la suprématie aux vaisseaux britanniques dans le commerce maritime, qui à son tour booste l’économie de l’Angleterre au détriment du « fructueux » trafic hollandais.
Mais sa dictature le nuit à l’intérieur. A sa mort est restaurée la monarchie. Néanmoins un conflit oppose le roi avec le parlement qui provoque la révolution de 1688 avec l’intervention de Guillaume d’Orange, qui détrône à son tour Jacques II et, avec elle l’avènement de la monarchie constitutionnelle.
L’essor économique qui était déjà perceptible sous Charles II -il s’était emparé de la nouvelle Amsterdam- se précise après la révolution et par l’acte de l’union entre l’Angleterre et l’Ecosse ; tout en supplantant les provinces unies en Méditerranée et dans la Baltique du commerce maritime.
Récapitulatif
A la lecture de ce bref historique, nous observons à travers l’évolution de l’histoire de ces trois pays représentatifs de cette époque –Espagne, France et l’Angleterre-, l’influence et l’interpénétration de leurs politiques socio-économiques.
La domination, d’abord de l’Espagne, territoriale et économique sur presque toute l’Europe et particulièrement sa partie méditerranéenne et nordique, a périclité par une doctrine économique, appuyée sur une richesse numéraire qu’a procuré le commerce et l’exploitation coloniale -mais non adossée à l’industrie- , et, s’est ruinée par une politique expansionniste, qui curieusement a favorisé d’abord l’Angleterre qui lui ravit sa domination sur les provinces unies et son commerce maritime ; ensuite la France par une meilleure dynamique d’économie agricole, industrielle et minière et ouverte sur le commerce maritime qu’elle a développé tant par les compagnies royales que par des commerçants.
Pour mieux comprendre le décalage dans le temps entre les économies anglaises et françaises il faudrait faire un rappel sur leur évolution historique différenciée et son impact.
Dès la 2ème moitié du XVs l’Angleterre subit une longue guerre civile au bout de laquelle HENRI VII établit son pouvoir. Après, près d’un siècle de vicissitudes et de réformes religieuses, Elisabeth 1 raffermit le pouvoir vers la fin du XVIs, et voit l’Angleterre amorcer une reprise économique que le commerce maritime avec la constitution des compagnies -détenues par la couronne et les courtisans-, développe.
En France la royauté n’établit son autorité que vers la fin de la 1ière moitié du XVI, mais la 2ième moitié de ce siècle fut marquée par une guerre de religion dont les combats ne cessent qu’après la signature de l’Edit de NANTES par HENRI IX. La première moitié du XVII fut la période du rétablissement de l’autorité royale -RICHELIEU et MAZARIN s’y étaient consacrés- en décalage de la grande Bretagne.
En Angleterre la marche vers l’absolutisme se clôtura sous Charles 1 (1625-1649). La couronne contrôle étroitement l’économie -monopoles commerciaux octroyés à des courtisans aux dépens des commerçants- la fabrication et les prix dans l’industrie.
Ce qui soulève de graves mécontentements au milieu des puritains et commerçants, et l’hostilité du parlement à cette politique intérieure et extérieure de prestige.
Cette discorde provoque une guerre civile de laquelle sort victorieuse une troisième force menée par O. CROMWEL qui représente les premiers nommés. Mais sa dictature l’affaiblit et à sa mort Charles II rétablit la monarchie (1660) sous laquelle se dessine une évolution libérale que précipite la révolution de 1688.
En France le succès économique que connait l’Angleterre pendant la 1ière moitié du XVII sous la conduite de la couronne ou le dirigisme économique -inspira Colbert qui le pratiqua tout en appliquant la doctrine mercantiliste
La prospérité financière comme développé plus haut permit à Louis XIV d’assoir son absolutisme à la grandeur de l’état avec faste et à vouloir étendre son autorité sur une partie de l’Europe. Cet état qui se voulait fort s’est ruiné par son omnipotence. Un vent de liberté souffle dès le début du XVII s, la monarchie absolue est remise en cause.
Tandis que l’absolutisme fait des progrès dans les états allemands et la Russie
L’enseignement que l’on peut tirer, est que, même les états de l’Europe ont connu une évolution dissemblable, évoluant pourtant dans un même continent
L’histoire socioculturelle et économique de l’Algérie
Nous ne pouvons aborder l’histoire économico-sociale de l’Algérie postindépendance sans rappeler les conditions particulières et inédites de son émergence.
Si la « temporalité politique » ou la naissance, ou renaissance, de l’état algérien peut être datée, après, près de 8 ans de lutte armée, le 5.7.62, on ne peut objectivement la faire coïncider avec la temporalité économique pour deux raisons au moins :
L’état algérien n’avait pas d’existence
L’histoire économique s’estompa avec le départ des colons et pris une autre tournure sous la conduite d’un nouvel acteur
Fatalement son cours va bifurquer ; l’état algérien restauré dans sa souveraineté après 130 ans d’inexistence (institutionnelle) doit renouer avec sa souveraineté économique malgré le handicape de son acculturation que lui a fait subir la colonisation.
Avant de développer cette deuxième partie, permettons-nous une digression mais qui a néanmoins inspiré cette contribution.
Par dénigrement on a assimilé l’état algérien à un état privé personnifié par M. le président de la république -l’état fort de BOUTEFLIKA-
Au-delà de cette posture de rebelle affiché par son auteur, se profile une forme de mépris, et au président de la république, et, au peuple algérien qu’il incarne, que lui permet cette liberté d’expression « dispensatrice » de toute forme de respect à l’institution qu’est la présidence de la république et à l’homme qui la représente.
Pour nous c’est un manque de civilité. L’orientation ou le choix politique de cet opposant- journaliste ne le dispense pas du respect qu’il doit observer à son président même à son corps défendant : mais sa culture politique a-t-elle atteint cette maturité ?
Tout confirme plutôt son infantilisme politique. Fermons le parenthèse.
Examinons cet état fort de BOUTEFLIKA ! Est-il le produit d’une génération spontanée ? Doit-on l’observer de manière statique ? A l’évidence il ne peut s’inscrire que dans un mouvement translationnel.
Rétrospective dès le recouvrement de l’Etat nation
L’état algérien a été restauré après une révolution armée pendant plus de sept (7) ans de lutte. Quelle alternative politique s’offrait-elle à lui au lendemain de l’indépendance ? l’héritage économique colonial consistait dans une agriculture scindée en deux secteurs : l’un dit « moderne » qui était propriété coloniale, l’autre dit secteur « traditionnel » duquel survivait la majorité du peuple algérien (dénommé « indigène ») ; d’une exploitation minière tournée vers l’industrie métropolitaine, et de quelques petites et moyennes entreprises industrielles ou agroalimentaires dont les produits sont principalement destinés à la consommation du peuplement européen.
Le départ volontaire de cette population au lendemain de l’indépendance a laissé en déshérence cette activité économique qu’elle seule animait et contrôlait : abandon des terres et domaines -secteur moderne- des PME, désertion des administrations : ajoutons les destructions, les incendies (BN) provoqués par l’OAS qui avait opté pour la politique de la terre brûlée, même les banques étaient pillées -c’était en quelque sorte la rançon de notre
gloire-. Que faire ?
L’Algérie après le recouvrement de sa souveraineté doit réhabiliter son Etat !
Son handicap majeur pour relever le défi, est l’acculturation / déculturation dont elle fut victime par cette colonie de peuplement ; Fondamentalement la refondation de sa culture nationale dans son acception la plus large passera inexorablement par un long processus.
Cette immense ascension culturelle qui ne peut être gravi que porté par le temps était humainement impossible à en définir tous les contours et encore moins à en imaginer la prospective.
Tout au plus pouvait-il envisager d’investir dans l’éducation et l’enseignement et ce, avec les moyens dérisoires tant humains que matériels et ce à tous les paliers du cursus scolaire, y compris la formation professionnelle et le facteur clé qu’est le « savoir-faire »
Dans cette reconquête culturelle s’est imposé l’enseignement de la langue nationale qui est un fondement de l’identité et de la culture algérienne malgré son décalage dans le développement de la science de par sa marginalisation par la domination occidentale-.
« L’école » nous dit BENNABI « est un agent de culture même si elle insère un projet de culture dans le sens d’une formation surtout dans le primaire »
Le concept de culture « reste un phénomène d’ambiance dans le cadre culturel » ajoute-t-il.
Cette problématique était au cœur de la réflexion sociologique dès le début des années 1970 ; nous lisons dans REVOLUTION AFRICAINE de Mars 1970 une contribution de M. S. BENYAHIA « il ne s’agit pas de renoncer à ce que nous sommes, mais de savoir ce que nous sommes pour décider de ce que nous voulons devenir ; nous devons en quelque sorte nous livrer à une vaste entreprise d’introspection nationale, à une maïeutique d’ensemble, tout en déterminant les perspectives que nous nous sommes fixées (…).
C’est au cœur de son identité profonde que l’Algérie nouvelle (…) trouvera les forces de son originalité et son universalité ».
Profonde, noble et légitime réflexion/programme du défunt BENYAHIA, qui sera l’œuvre du génie d’un peuple dans la construction d’une société, en phase avec elle-même et les autres sociétés.
Dans cette œuvre qui s’inscrit dans la durée, il ne s’agit surtout pas de dupliquer des concepts ou plaquer des institutions étrangères, produits d’histoires particulières d’autres sociétés éloignées de notre réalité nationale et porteuses de dangers potentiels pour notre société qui ne peut s’identifier à ces pays, qui eux, sont rompus, depuis des siècles à l’exercice de la démocratie -réalité qu’avait rappelée le président BOUTEFLIKA dans son message à la nation-.
L’approche du président s’inscrit dans une perspective dialectique « le processus de développement de la société est mû par le dépassement des contradictions qui la minent ».
Par conséquent la formation de la société a été, et, est déterminé par ses propres contradictions qu’a et que peut générer sa propre histoire. Faire croire qu’un pays civilisé est le fruit d’une « démocratie illuminée » et que le nôtre serait « otage » d‘un despote éclairé ou d’un autocrate c’est tomber dans la niaiserie !.
Stratégie de l’Algérie indépendante
Quelle a été l’action de l’état algérien ?
Reprenons l’approche de P. LUCAS qui rappelle le schéma classique du « développementisme » latino-américain que l’on pourrait rapprocher au cas Algerien :
« Option en faveur d’un développement par voie d’industrialisation et de caractère national (tourné vers l’extérieur) qui se substituerait au développement colonial.
Option en faveur d’une redistribution des revenus et plus largement de la richesse nationale (cf. plans de développement et réforme agraire)
Effets escomptés de ces options : rupture des relations de dépendance et avec elle, édification d’un état national autonome, démocratisation de la vie politique, de l’éducation nationale et, plus largement, d’une société sur qui pèsent encore des structures dit « traditionnel » à l’Algérie moderne et, au bout du compte, dépassement du retard scientifique et technologique, fin de l’aliénation culturelle »
Ces options doivent s’inscrire dans un processus de socialisation des moyens de production, seule voie nécessaire à ce stade historique de l’Algérie indépendante, comme réponse d’abord à l’injustice sociale subie par le peuple algérien et comme moyen d’accumulation à un rythme plus rapide du capital.
Construire le marché national
Des actions menées progressivement dans le temps ont consisté à construire le marché national
Nationalisation des terres coloniales (1962)
Nationalisation des mines (1966)
Nationalisation des assurances et des banques (1966-67)
Création d’offices et de sociétés nationales dans tous les secteurs d’activité
La nationalisation des hydrocarbures a parachevé ce cycle de récupération de la souveraineté économique
Cap sur l’industrie
« La stabilisation du pouvoir politique après 1967 conduit à la définition d’une stratégie économique à très long terme s’appuyant sur la valorisation des hydrocarbures, la réorganisation de l’activité sous formes de sociétés nationales, la monopolisation étatique de la quasi-totalité des activités et le lancement de la planification » A. HENNI.
Le début des années 1970, après la nationalisation des hydrocarbures, sont marqués par des lourds investissements dans les secteurs pétroliers (50%) l’industrie lourde, mécanique, électronique, chimique et minière avec l’adoption d’un nouveau mode de gestion-gestion socialiste des entreprises- qui se sont traduits par une augmentation de 500% de la valeur ajoutée entre 1967 et 1977 et l’emploi proche de 300% tous secteurs confondus.
Mais son volontarisme renferme ses propres limites : absence de potentiel et de capacité qui lui auraient assuré la maîtrise et le développement de l’industrie.
De fait les connaissances technologiques et scientifiques ont fait défaut :
Leur acquisition ne peut être que le fruit d’un long processus d’accumulation par le passage de différents stades et sauts qualitatifs et quantitatifs des transformations.
« Son transfert est assorti de conditionnalités contraignantes et restrictives » A. FARDEHEB
Cette stratégie s’est déployée avec plus ou moins de bonheur de 1962 à 1980, non par manque de volonté politique mais de volonté contrariée par la réalité des forces sociales inadaptées.
Par ailleurs existait au sein du pouvoir des rapports de force idéologique et politique reflétant un équilibre des forces sociales néanmoins » contrarié ». Se dessinait déjà une ouverture économique au profit du secteur privé.
L’idéologie libérale qui était déjà prégnante dans certains segments de la société algérienne, fascinait par sa libération des initiatives et des énergies, sa liberté d’entreprendre et sa croyance dans l’égalité des chances : « déjà en 1979 l’UGTA exprimait sa crainte de l’Infitah » écrivait en substance D. LIABES.
A. HENNI disait également en résumé « l’enrichissement du secteur privé, favorisé par le monopole d’état dans le commerce international, induit, par l’arrêt d’ouverture de nouveaux commerces privés, un monopole de situation aux capitaux privés déjà investis dont ils peuvent jouir sans crainte de nouveaux concurrents »
Quid de l’agriculture ?
La politique industrielle a pratiquement mis en veilleuse l’agriculture. Autant le domaine autogéré que la révolution agraire, avancés comme réponse à l’attente de la paysannerie, ont été régressifs.
Au manque de financement de l’autogestion s’est greffé le manque d’encadrement et l’improvisation qui ont engendré sa défaillance, malgré une tentative d’impulsion au début des années 1970.
La R. Agraire annoncée à grands cris s’est apparenté au secteur autogéré : ses coopérateurs-producteurs sont devenus rapidement des quasi- salariés.
Mais à leur ombre le secteur dit traditionnel a proliféré et a réussi « à transformer à son avantage les mesures d’étatisation, en offrant des produits au prix fort, là où l’organisation bureaucratique de l’agriculture ne créait que rareté ». A. HENNI. Il assurait les 2/3 en produits agricoles contre 1/3 du secteur public. Dans ce secteur également le privé a ouvert une brèche.
Inflexion des années 1980
Le premier plan 80-84 revoit et corrige le gigantisme des sociétés nationales en les restructurant à « taille humaine ».
La répartition budgétaire se module et favorise moins les hydrocarbures en augmentant les autres secteurs surtout l’agriculture.
Le deuxième plan 85-89 renforce cette tendance. La démarche générale consiste à une meilleure maitrise de l’outil de production pour déboucher à l’autonomie des entreprises publiques fin 1987.
Le secteur privé perd sa situation de monopole de fait, mais, gagne l’ouverture économique qui lui permet de s’organiser -chambres de commerce- et de renforcer sa position dans l’économie nationale.
Dans l’agriculture la transformation, des domaines socialistes en exploitations agricoles collectives de petites tailles et gérées en toute liberté, voulait redonner une efficience à ce secteur.
L’objectif de ces plans est de, permettre une plus grande efficacité à l’ensemble des agents économiques pour suppléer aux ressources des hydrocarbures, contribuer au désendettement et sortir de la situation de mono-exportateurs de l’Algérie .
Cependant, si on observe une croissance de ≈ 5% entre 80 et 85puis une diminution de 1% entre 86 et 89, l’augmentation du PIB a été générée par l’activité industrielle, alimentée elle-même par des in-puts importés de l’étranger par la grâce de la rente pétrolière.
La baisse du PIB est la conséquence du choc pétrolier dès 1986, qui, a entrainé l’effondrement des prix et parallèlement une sécheresse qui a impacté négativement la production agricole. Cette décennie est marquée par deux variantes de la croissance, de 5% entre 80 et 85 et 1% entre 86 et 89 .
Quelle alternative pour l’Algérie ?
La déréglementation sous-jacente au PAS a permis l’émergence d’un secteur privé que représente les filiales d’entreprise étrangères et les entreprises privées créées, et, qui ont grossi le rang de ceux qui leur préexistaient dans les secteurs des services des travaux publics, et qui aujourd’hui prédominent avec respectivement 88% et 68% de la VA en 2002.
Il se développe également dans l’industrie, particulièrement dans le secteur des Hydrocarbures. La déréglementation s’accompagne également d’un développement sans précédent du secteur informel.
« Cependant le cout social a été très élevé en termes d’emploi, de pouvoir d’achat et donc de consommation et les privatisations au sens restrictif sont un échec complet » -A. CHIGNIER- : conséquences directs d’un PAS inadapté à la réalité socio-économique algérienne exacerbé
Réajustement et orientation
Après ces épreuves la situation politique se stabilise et la reprise économique reprend ses droits avec l’amélioration de la balance commerciale avec l’extérieur.
-L’excédent commercial permet de renouer avec une politique budgétaire expansionniste consacrées :
aux infrastructures (autoroute, aéroports, barrages), à la valorisation et au transport des ressources de l’eau, au programme national de développement rural et agricole, au logement et aux transferts sociaux.
Ces grands travaux sont initiés pour l’atteinte de plusieurs objectifs :
– la reconstruction des destructions de la décennie noire, le rattrapage et le quadrillage par des moyens de communication modernes qui permettent le désenclavement de plusieurs zones isolées et leur développement
– au déploiement des forces productives oisives et la création de nouvelles entités mettant en chantier les maillons d’autres chaines de production complémentaires (matériaux de construction, menuiseries, ferronnerie, peinture, électricité, bâtiment, ect…) à l’assèchement du « bassin d’emploi » généré par la mise en chômage dû à la destruction et la fermeture d’entreprises par l’application du PAS.
b) le processus de privatisation, ayant montré ses limites a été reconsidéré selon un processus évolutif et fluidifié du développement des rapports de force dans le système productif des entreprises.
L’ordonnance 01-04 va profondément modifier la situation : toutes les EPE sont éligibles à la privation : des SGP (société de gestion des participations) remplacent les holdings, et deviennent des agents fiduciaires de l’état et structures selon une logique de branches et de filières homogènes.
Cette agence traite les données de privation et les soumet au MPPI (ministère) qui évalue, sélectionne et transmet au CPE (conseil de privation de l’état) pour approbation. Les résultats à fin 2007 donnent un total de 417 privations tout type de repreneurs confondus.
c- la relance des investissements est aménagée par l’ord-01-03, qui institue l’ANDI et le CNI.
L’ANSEJ facilite les investissements par des mesures incitatives exonération fiscales et parafiscales et assistance administrative.
Le CNI outre l’incitation fiscale, définit la stratégie d’investissement et en approuve les programmes spéciaux d’investissement, au bénéfice de tous les investisseurs locaux et étrangers de manière équitable.
Ces mesures ont permis la reprise des IDE à partir de 2002 : de 400M de dollars en 2002 ils sont passés à 1800M en 2006. Si les IDE restent concentrés dans le secteur de l’énergie, ils se sont déployés également dans les télécom, dans le tourisme et l’industrie même si c’est moins prononcé.
La société est encore rétive au modèle du libre marché par manque de cette nouvelle culture et par le traumatisme induit par le PAS encore vivace : l’industrie en pâtit. Cette méfiance est accentuée par les traumatismes non guéris dus aux couts sociaux du PAS et du recul des progrès du modèle de gestion socialiste.
A ce modèle l’on rattache les rentes spéculatives qui auraient constitué un frein à la privation ; si ces pratiques sont réelles elles ont existé également dans tous les temps ou dans tous les modèles, mais, elles se sont atténuées dans les nations développées dans leur progression et ont pris des formes plus sophistiquées :
l’Algérie ne pouvait y échapper : c’était fatale humainement.
Même les scandales économiques ou financiers qui apparaissent ou sont détectés « après coups » (cas Khalifa) ont pour cause des disfonctionnements par méconnaissance des règles qui régissent les activités qui les ont vu naître. Et ça se paye « cash »
Mais la dynamique d’évolution de tout système entrainera inexorablement sa transformation quel qu’en soit l’écueil. Les prédateurs ne font que jouir d’une situation de rente que leur procure leur position au sein d’un organisme pendant un temps « t ».
« spéculer » sur l’immobilisme de » l’état » c’est méconnaitre le mouvement de l’historie qui métamorphose toute organisation humaine par son propre développement ou le dépassement de ses contradictions.
Années 2006-2009 ou l’inadaptation de la NSI
La nouvelle stratégie industrielle se voulait comme une réponse à la dérégulation causée par les doctrines néolibérales prônées par le « consensus de Washington ». son objectif est d’aboutir à assoir une « économie mixte » avec l’assentiment des acteurs économiques et une protection étatique.
Des assises nationales regroupant experts et agents économiques nationaux se sont tenues pour élaborer un projet consensuel après communication et concertation -600 participants regroupant des représentants de différentes professions, institutions étatiques, représentations internationales, des banques, société civile…-.
Il est permis de douter que cette diversité d’acteurs venus de différents horizons puisse contribuer à définir une nouvelle stratégie industrielle. Cette masse ne peut que s’engluer dans une cacophonie ou approuver la stratégie déjà concoctée et rédigée par les experts du MPPI.
Puisque cette stratégie se voulait comme un correctif ou un remède au PAS, elle devait agir sur les mesures discordantes qui ont déconstruit l’économie algérienne et l’ont fragilisée :ce diagnostic ne peut être fait que par les acteurs des secteurs déstabilisés, et les solutions correctives et prospectives doivent être élaborées avec leur concours. Il ne faut compter que sur nos seules forces tout en reconnaissant nos faiblesses.
Admettre notre faiblesse -par nos agents économiques et nos partenaires sociaux- c’est prendre conscience d’unir notre volonté afin de la conjurer. Nous devons avoir recours au savoir-faire étranger et partager avec eux ces nouvelles techniques de production dans un partenariat équitable.
Aussi la NSI n’aurait été qu’une tentative lancée par des acteurs qui, en fait, étaient déconnectés de la réalité algérienne.
Pourquoi la NSI n’était pas considérée comme une réponse à la situation économique induite par les séquelles du PAS d’une part et une santé financière qui l’autorisait à d’autres ambitions.
Les arguments en défaveur de la NSI
Le modèle n’est plus fondé sur la substitution d’importation mais sur la substitution d’exportation, devant donc se soucier de la demande extérieure que de la demande nationale.
La promotion de nouvelles branches industrielles comme les TIC ou les énergies renouvelables suppose le développement d’enseignements spécifiques et nouveaux qui ne seront porteurs qu’à long terme.
Ce sont, donc, les autres secteurs qui devront porter la croissance industrielle dans un premier temps. La création de zones d’activités industrielles intégrées (pour constituer les clusters) pose leur articulation avec les Z.Ind existantes et leurs difficultés de gestion. L’autre problématique qu’elles engendrent est leur concurrence avec les pôles de croissance et de développement (POD) dépendants du MATE (aménagement du territoire et environnement et tourisme)
La mise à niveau des entreprises par les politiques d’appui à l’innovation et de promotion des TIC, la promotion de ressources humaines, et la création d’une capacité d’intelligence économique, qu’elle préconise aurait abouti à l’émergence d’une élite déconnectée des problèmes réels de gestion, de production et de coordination interne des entreprises qui, par manque d’héritage, n’ont pas encore acquis le savoir-faire non seulement managériale, mais, même de l’exécution et de la maitrise des différentes tâches de tous les postes de travail qui concourent à la réalisation du produit final.
Parler uniquement du management d’intelligence économique sans la maitrise des équipements et de la chaine de production par un personnel performant et productif c’est poser « un cautère sur une jambe de bois ». Posons-nous la question de savoir pourquoi des algériens formés pourtant par l’université algérienne deviennent performants à l’étranger.
Certains critiques tombent à bras raccourci, qui sur le régime, qui sur les tenants du pouvoir ou je ne sais quel esprit mal- faisant qui les fait fuir (c’est trop facile !). En vérité ils sont intégrés et encadrés dans une organisation rodée et déjà performante par un cumul de savoir technique expérimenté.
La politique de mobilisation des IDE qui œuvrait à l’ouverture du marché, a été contrariée par la spéculation financière de ces mêmes investisseurs étrangers : ce qui a fait dire au président algérien « que les investisseurs étrangers ne jouent pas le jeu ». Ce constat est corroboré par un taux d’ouverture de l’économie algérienne avec une courbe ascendante qui n’a cessé de progresser au moins depuis l’année 1992.
Ce taux étant censé entrainer le développement d’un pays et son intégration au reste du monde, n’exprime en fait que l’augmentation des importations que favorise l’exportation des hydrocarbures sans retombées économiques pour l’Algérie.
Bilan non exhaustif des 15 dernières années
Amélioration du niveau de vie de 1999 à 2011, baisse du taux de chômage à -10%, accroissement de l’urbanisation -69% vivent en ville en 2013 contre 58% en 2000- ; réduction des inégalités sociales en une décennie grâce à la hausse des salaires de la fonction publique et des transferts sociaux (28% en 2012).
Le PNB par tête d’habitant est passé de 2500 Euro en 1999 à 5600 en 2013.
L’accès aux véhicules : un parc aussi important que ceux de la Pologne et du Portugal réunis ; l’accès au logement souligne ce bond qualitatif dans le niveau de vie des algériens. Si cette amélioration peut être expliquée surtout par la rente pétrolière elle ne pouvait être possible qu’avec une meilleure redistribution due à une politique de justice sociale.
L’Algérie a réalisé plus d’infrastructures en 10 ans (entre 2003 et 2013) qu’en 40 ans (1962-2002) : logements, barrages, usines de dessalement d’eau de mer, routes, autoroutes, générateurs électriques, métro, tramways, équipements publiques divers (enseignement, scolarité, santé etc.…)
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