Essais nucléaires français à Reggane : Graves menaces sur la santé et l’environnement
Les effets de la radioactivité, conséquence des essais nucléaires menés par la France coloniale en février 1960 à Reggane (150 km Sud d’Adrar), pèsent toujours sur la santé des habitants de la région et sur l’environnement, de l’avis unanime des experts et chercheurs s’intéressant au nucléaire. La décontamination des sols est plus qu’une urgence, dont la responsabilité historique incombe à la France de fournir les moyens techniques et d’expertise susceptibles de satisfaire cette requête.
Le Dr. Noureddine Moussaoui, Doyen de la faculté de physique à l’université des sciences et de la technologie Houari Boumediene (USTHB), a affirmé, ce mardi, à l’occasion de la commémoration des essais nucléaires à Reggane, au niveau de l’USTHB, que ces tests nucléaires ont généré un « taux élevé» de radioactivité dans la région de Reggane, faisant toujours peser de lourds risques sur l’environnement. Ceci, d’autant plus, a-t-il ajouté, que le colonialisme français a recouru à l’enterrement dans ces sites d’importants matériels et moyens utilisés lors de ces explosions.
Dans une déclaration au Jeune Indépendant, le Dr. Moussaoui estime que cette radioactivité, dont les séquelles perdurent de longues années nécessite d’urgentes décisions susceptibles de dissiper la crainte persistante des citoyens de la région et leur permettre de nourrir des espoirs de retour de la vie, et ce à travers l’organisation, d’opérations de décontamination de l’environnement des déchets radioactifs générés par ces explosions nucléaires, dont la responsabilité historique incombe à la France de contribuer pour satisfaire cette requête.
« La responsabilité de la France est pleinement et entièrement engagée. Elle doit en premier lieu indemniser les victimes, qui est un droit le plus absolu pour les victimes. Étant une puissance mondiale et qui a beaucoup de ressources, la France doit participer à la décontamination du sol algérien, sachant que les traités internationales l’oblige à le faire », a-t-il appuyé, soulignant que la France doit transmettre toutes les cartes précisant la localisation des déchets enfouis et tout ce qu’elle a laissé à l’effet de ses essais nucléaires.
Revenant sur les explosions atmosphériques, l’interlocuteur a tenu à rappeler que cette « explosion à l’air libre », appelée gerboise bleue est quatre fois plus puissante que les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. « Cette gerboise a changé de couleur, car il y a eu quatre essais nucléaires atmosphériques où la France faisait des expériences à l’air libre. Elle a explosé du matériel militaire, des plantes, des animaux et y en a certainement des humains qui étaient utilisés en les dotant de dosimètres qui servent à mesurer à dose de l’énergie nucléaire mais qui ne protègent pas», a-t-il fait savoir.
Il a rappelé encore qu’il y a eu 13 autres essais nucléaires souterrains à In Ekker, dont quatre étaient mal faits, et il y a eu des fuites. « Donc, au total il y a eu 17 essais nucléaires réalisés sur le sol algérien par la France coloniale et juste après l’indépendance», a-t-il indiqué.
Pour démontrer la gravité de ces explosions, le Dr. Moussaoui a expliqué que huit jours après ces essais, en particulier la gerboise Bleue, des retombées de particules lourdes ont été retrouvées au niveau de la Suède, donc ces explosions, dit-t-il, ont traversé l’Algérie, l’Afrique et la Méditerranée.
Ces explosions, selon lui, ont fortement secoué la région et les zones environnantes, avec, outre les destructions provoquées, de lourdes conséquences encore perceptibles la santé humaine, l’environnement et la nature. « Sur le plan de la santé, cette catastrophe continue de provoquer, au fil des années, l’apparition de nouvelles pathologies, notamment les malformations congénitales, jusque-là méconnues dans la région et liées notamment au cancer, la leucémie et la cécité, conséquence de l’exposition à la radioactivité », a-t-il regretté.
C’est pourquoi, souligne-t-il, l’USTHB a organisé cette journée d’étude pour se rappeler de cet événement tragique pour l’Algérie, mais aussi, c’est l’occasion pour la faculté de physique de montrer et de dire qu’en Algérie on étudie le nucléaire, dans sa version Pacifique, ou ce qu’on appelle l’utilisation civile du nucléaire. « Le nucléaire ce n’est pas seulement les bombes atomiques, mais aussi son utilisation civile et Pacifique» a-t-il fait remarquer.
Le Doyen de la faculté de physique a tenu à cette occasion à saluer la décision du Président de la République qui a instruit le gouvernement, lors du dernier conseil des ministres, de se tourner vers l’électronucléaire, c’est-à-dire de produire l’électricité avec de l’énergie nucléaire.
Pour sa part, le recteur de l’USTHB, Pr. Akreche Djamel Eddine, a fait savoir que cette journée d’étude permettra aux conférenciers de donner un maximum de détails sur ce qui s’est passé à Reggane, notamment, sur le plan scientifique, vis-à-vis des doctorants.
La commémoration de ces événements dramatiques est selon, les participants à cette journée d’étude, se veut une occasion de rappeler à la France ce qui s’est réellement passé et de ce qui se passe aujourd’hui dans cette région de l’Algérie profonde pour que les victimes de Reggane soient reconnues et indemnisées, comme elles devront être reconnues comme victimes d’un crime contre l’humanité.