Espagne : Le Senat retarde l’abolition du programme Golden Visa
Le programme controversé de Golden Visa en Espagne dont les algériens sont concernés, semblait destiner à disparaître après que le Congrès espagnol ait approuvé en novembre 2024 un projet de loi visant à le supprimer. Initialement, il était prévu que cette interdiction entre en vigueur dès janvier 2025. Cependant, un récent veto du Sénat a retardé cette décision, laissant planer le doute sur le sort définitif du programme.
Lors d’une audience le 2 décembre, le Sénat espagnol, dominé par le parti de centre-droit Partido Popular (PP), a opposé son veto à l’interdiction, renvoyant ainsi le projet de loi au Congrès pour une révision. Malgré ce revers, le Congrès, dominé quant à lui par le gouvernement de coalition de Pedro Sánchez (Parti socialiste ouvrier espagnol, PSOE) et Unidas Podemos, conserve le pouvoir de contourner ce veto. Une ratification pourrait intervenir lors des prochaines sessions plénières de décembre, rendant une interdiction effective à partir d’avril 2025.
Le veto du Sénat repose sur des critiques concernant la méthode législative employée. Le PP accuse le gouvernement de présenter un texte confus, mêlant des mesures sur les procès accélérés pour squats illégaux et l’interdiction du Golden Visa dans un même projet de loi. Cette approche a été qualifiée de « mélange disparate d’amendements non coordonnés ».
Une explosion des demandes avant la potentielle interdiction
Depuis l’annonce de l’interdiction en avril 2024, les demandes de Golden Visas ont bondi. Entre avril et octobre, les approbations mensuelles sont passées de 69 à 95, portant le total annuel à 780 visas accordés à fin octobre, dont 573 depuis l’annonce de l’abolition.
Les chiffres globaux montrent une augmentation spectaculaire ces dernières années. De moins de 1 000 visas par an entre 2013 et 2021, les approbations ont dépassé 2 000 en 2022 et 3 200 en 2023. Les investisseurs chinois restent les principaux bénéficiaires, avec plus de 3 300 visas obtenus depuis 2013, suivis des Russes (3 100) et des Britanniques (1 000). Cependant, en termes d’investissements financiers, les États-Unis dominent avec 1,6 milliard d’euros injectés dans l’économie espagnole entre 2018 et 2022, contre 768 millions d’euros pour la Chine.
Le Golden Visa espagnol permet aux investisseurs étrangers d’obtenir la résidence en échange d’investissements tels que ; 500 000 € en immobilier, 2 millions d’euros en obligations d’État, ou 1 million d’euros en actions d’entreprises espagnoles.
Bien que ce programme ait attiré des capitaux étrangers, il est aussi accusé d’aggraver la crise du logement en Espagne. La Banque d’Espagne estime que 600 000 logements devraient être construits chaque année pour répondre à la demande, mais seuls 90 000 sont actuellement prévus. Près de 94 % des demandes de Golden Visa passent par des investissements immobiliers, alimentant une hausse des prix et des loyers.
En outre, les bénéficiaires de ce visa ne sont pas tenus de vivre en Espagne, ne devant y passer qu’un jour par an pour conserver leur statut. Cela limite l’impact économique positif des investisseurs, une critique souvent soulevée par les opposants au programme.
La pression de l’UE et la disparition progressive des Golden Visas
En 2022, la Commission européenne a appelé les États membres à cesser de vendre la résidence ou la citoyenneté via des programmes similaires, invoquant des risques liés au blanchiment d’argent, à l’évasion fiscale et à la sécurité. En réponse, plusieurs pays ont supprimé leurs programmes, Irlande (février 2023), Portugal (2023), Pays-Bas (janvier 2024).
Malgré cela, certains pays continuent d’offrir des opportunités pour les investisseurs étrangers. Par exemple, Malte propose un passeport doré en 12 à 36 mois contre un investissement d’environ 700 000 €, tandis que l’Italie, la Grèce et la Hongrie maintiennent leurs programmes actifs.
Bien que le Sénat ait temporairement bloqué l’interdiction, l’avenir du programme reste incertain. Si le Congrès parvient à contourner le veto, l’Espagne pourrait rejoindre la liste croissante des pays mettant fin à ces dispositifs controversés. Pour l’instant, les investisseurs intéressés disposent encore d’une fenêtre d’opportunité, mais celle-ci pourrait se refermer dès 2025.