En France, Emmanul Macron veut contrôler l'organisation de l'islam – Le Jeune Indépendant
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Nationale

En France, Emmanul Macron veut contrôler l’organisation de l’islam

En France, Emmanul Macron veut contrôler l’organisation de l’islam

Comme Napoléon il y a plus de deux siècles avec le culte israélite, Emmanuel Macron décide d’organiser et de contrôler l’islam dans son pays sur les ruines du Conseil français du culte musulman (CFCM) promis à la mort avant son 20e anniversaire l’année prochaine.
Le Forum de l’Islam de France (FORIF) est le nouveau format de dialogue avec les musulmans que choisit d’instaurer l’Etat. Une « nouvelle page à écrire » pour sortir du « blocage » et « faire avancer les projets » envers lequel les algériens de France sont dubitatifs.

Il est lancé en pleine campagne présidentielle qui fait de l’islam un thème majeur sous l’impulsion d’une extrême droite agressive qui agite le fantasme du « grand remplacement » des Français de souche par des immigrés en majorité musulmans. Le débat électoral, à la limite de l’hystérie et de l’invective, n’épargne pas les algériens.

Haro donc sur le CFCM, créé en 2003 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac. Doté du pouvoir de représentation des musulmans, le CFCM s’est illustré par des querelles entre ses différentes composantes, liée chacune à une chapelle étrangère (Algérie, Maroc, Turquie et Frères Musulmans). Sans compter les caprices de ses notables qui se comportent en concurrents plutôt qu’en alliés. « On ne compte plus les rois qui ont mobilisé leur énergie pour que le pouvoir religieux ne dépende pas de tutelles étrangères en France », a rappelé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Hormis le recensement des actes islamophobes et une entente sur le début du jeûne du ramadan, le bilan du CFCM est plutôt faible, ne donnant satisfaction ni aux autorités ni aux fidèles. Le terrorisme s’est amplifié et les actes islamophobes aussi.

Darmanin à la mosquée de Paris

Le FORIF, inspiré du modèle allemand, réduit l’influence de ces fédérations en défaut de légitimité au profit d’acteurs locaux jugés plus ancrés sur le terrain et plus en phase avec les notables coupés de la base et cooptés à Paris.

Son acte de naissance a été signé samedi par Gérald Darmanin qui a convié quelque 80 acteurs musulmans au palais d’Iena à Paris, siège du Conseil national économique, social et environnemental (CESE).
Paradoxe, ils ont été choisis par les préfets. C’est l’aboutissement d’une série de réunions en visioconférence menées par le Bureau central des cultes.

« Vous avez organisé vos associations localement pour répondre aux besoins des fidèles, aux attentes spirituelles des hommes et des femmes dans les moments de joie comme dans les moments de peine et de détresse. Vos lieux de culte se sont progressivement insérés dans la vie locale. Certains sont d’ailleurs des réussites architecturales remarquables comme la mosquée des Cèdres à Marseille ou celle de Puy-en-Velay dans une vieille ferme du Velay », a-t-il cajolé. « Mais, dans cette diversité, chacun comprend que la République française a besoin, comme pour les autres religions d’interlocuteurs » lors de cette réunion où Emmanuel Macron a été représenté par l’ancienne sénatrice socialiste et franco-algérienne Bariza Khiari. M. Darmanin a souhaité que « l’islamisme et le salafisme » soient déclarés « ennemi commun » et combattus grâce à des « actes forts ».

« La représentation du culte musulman doit désormais tenir compte d’une réalité qui a changé. Bien plus de la moitié des musulmans de notre pays sont des Français nés en France. Ils sont entrepreneurs, médecins, avocats, fonctionnaires, universitaires, scientifiques, chefs d’entreprise, ouvriers, juges. Certains fréquentent régulièrement les lieux de culte, d’autres épisodiquement. […] Notre conviction profonde est que l’islam de France ne doit concerner que la France et les musulmans français. Permettre le contraire, c’est accréditer l’idée que l’islam est une religion d’étrangers, pour des étrangers, financée par l’étranger. Permettre cela, c’est donner raison aux populistes», a plaidé Darmanin.

Le modèle allemand
« Nous avons appris des échecs du CFCM. Notre objectif est de conserver un dialogue souple et directement fondé sur l’investissement des acteurs de terrain, désireux de travailler au bénéfice de leurs coreligionnaires, à l’image de ce que nos amis allemands en œuvre depuis une décennie. Désormais, il n’y aura pour le gouvernement de représentant unique du culte musulman compétent sur tous les sujets mais des collectifs organisés par thématiques pour obtenir des résultats concrets qui se réunirons à échéance régulière », a-t-il détaillé.
Quel est donc ce modèle allemand qui inspire désormais la France? Outre Rhin, il existe une organisation nommée la Deutsche Islam Konferenz, la DIK, que l’on peut traduire par « Conférence allemande sur l’islam ».

Séance du Forum de l’Islam de France (FORIF)

« Créée en 2006, placée sous l’autorité du ministère de l’Intérieur fédéral, la DIK est actuellement une structure souple, rassemblant des acteurs politiques, des acteurs musulmans et des représentants du monde éducatif, en étant attentive aux jeunes générations. Sur la base de projets, d’ateliers, de conférences ou de forums, elle sollicite non seulement des représentants des grandes fédérations musulmanes mais aussi des acteurs d’initiatives locales, des responsables de mosquées, des personnalités du monde musulman ainsi que des représentants du gouvernement fédéral, des Länder et des communes, des universitaires et des +praticiens + de l’islam », expose Vincent Goulet, docteur en sociologie et membre associé au groupe Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe (SAGE) de l’Université de Strasbourg, au journal en ligne Saphir News, spécialisé dans les questions religieuses.

Pour lui, le bilan de DIK est aussi « mitigé ».
« Comme en France, l’islam n’est pas organisé sur une base ecclésiale centralisée et la concurrence a été vive entre les organisations musulmanes pour se faire reconnaitre au détriment des autres et ainsi avoir la main sur l’enseignement confessionnel musulman.

Limiter l’influence étrangère
Les gouvernements des différents Länder reconnaissent ainsi certaines fédérations ou associations islamiques et non d’autres, ou encore préfèrent créer un comité ad hoc (Beirat) censé représenter l’ensemble des musulmans vivant sur leur territoire, ce qui pose des d’ailleurs des problèmes constitutionnels », explique le sociologue.

Limiter l’influence étrangère a un coût que l’Etat français devrait pouvoir payer afin de combler les financements appelés à se tarir. « Vouloir limiter les +influences étrangères+ et favoriser un islam national signifie que les pouvoirs publics devront s’investir plus amplement dans le soutien aux organisations islamiques locales, que cela soit au niveau des bâtiments du culte et de leur fonctionnement, de la formation des ministres du culte, de la construction d’un cadre intellectuel propice au développement d’une théologie musulmane qui réponde aux besoins et aux interrogations des croyants d’aujourd’hui.

Pour ce faire, il faudra mobiliser des moyens financiers publics et renouveler en profondeur la façon dont est appliquée notre laïcité, sans en revenir sur les principes fondateurs : liberté de conscience, liberté d’expression religieuse, neutralité de l’État, égalité de traitement des différentes religions et convictions », prévient le sociologue.

La mission s’annonce donc ardue pour le Forif même si une question est déjà en voie de règlement. A fin 2023, la France n’admettra plus d’imams venus de l’étranger et rémunérés par leur pays. La fédération de la Grande Mosquée de Paris en compte 120 envoyés par le ministère algérien des Affaires religieuses. Il reste la question du halal, importante source de financement comme l’est d’ailleurs aussi la délivrance du visa saoudien pour le pèlerinage de La Mecque. Le quota français est de 25.000 visas.

Quel enterrement organiser pour le CFCM? Président de l’Observatoire de l’islamophobie qui en est une structure, Abdallah Zekri dénie aux autorités le pouvoir de le dissoudre parce que « ce n’est pas une organisation terroriste » mais une instance « qui a fait le job » demandé même s’il y a des difficultés.

« Il n’y a pas eu d’acte de décès (du CFCM) signé par le président de la République ou le ministre de l’Intérieur. Là, nous assistons à une opération médiatique. M. Macron veut marquer son empreinte comme d’autres. Le PR ne peut pas écarter, ni modifier le CFCM. le Forif est une instance de dialogue et non de décision. Ce n’est pas une instance qui va organiser le culte, lequel doit être organisé par des responsables du culte.

Ce qu’on nous reproche, et là je suis d’accord, ce sont les mésententes, le clientélisme et la désignation des dirigeants par le haut. Mais nous avons demandé avant le Président de la République ce qu’il veut faire. Nous souhaitons une élection de la base au sommet et le renouvellement de toutes les instances, l’éviction de ceux qui ont été cooptés et des présidents de fédérations qui sont devenus des caïds de l’islam », s’emporte M. Zekri.
Une désignation par la base est aussi le souhait du recteur de la mosquée de Lyon, Kamal Kabtane.
A deux mois de la présidentielle, l’ouverture de ce dossier dégage des relents électoraux qu’il est impossible d’évacuer.

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