Assassinat de Nahel: Alger met Paris devant ses responsabilités face à la montée du racisme – Le Jeune Indépendant
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Nationale

Assassinat de Nahel: Alger met Paris devant ses responsabilités face à la montée du racisme

Assassinat de Nahel: Alger met Paris devant ses responsabilités face à la montée du racisme

Que se passe-t-il en France ? Dans ce climat de guerre civile, de surenchère politicienne contre les Français d’origine étrangère, et algérienne tout particulièrement, c’est l’image de la fracture sociale entre une France blanche, culturellement judéo-chrétienne, prospère économiquement, et une autre France, Beur et Black, de culture arabo-africaine, plutôt banlieusarde et touchée de plein fouet par le chômage et la misère qui est envoyée à la face du monde.

Le détonateur ? L’assassinat par un policier, du jeune français d’origine algérienne, Nahel, 17 ans, qui a mis le feu aux poudres. Emeutes, violences, saccages, depuis cinq jours, la France devient une sorte de grande banlieue du monde. L’Algérie, par la voie de son ministère des Affaires étrangères suit « avec grande attention les développements de l’affaire ».

Le communiqué du département d’Ahmed Attaf est très clair : « le ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger a appris avec choc et consternation la disparition brutale et tragique du jeune Nahel et les circonstances particulièrement troublantes et préoccupantes dans lesquelles elle est intervenue ». Les mots ne souffrent d’aucune ambigüité : « choc et consternation » renvoient à la réaction officielle de l’Algérie. « Brutale et tragique » qualifient la disparition tragique du jeune Nahel, adolescent de 17 ans, tué dans des « circonstances particulièrement troublantes et préoccupantes ».

Ces derniers qualificatifs renseignent sur la perception algérienne d’une bavure gratuite et néanmoins pas fortuite dont a été victime le jeune Nahel.

Etant d’origine algérienne, la famille du défunt est entourée par la compassion de toute une nation. Le ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger « exprime ses très sincères condoléances à la famille du défunt et l’assure que son deuil et sa peine sont largement partagés en Algérie ».

Et dans une première dans les annales des relations algéro-françaises, la diplomatie algérienne enjoint très diplomatiquement, « en faisant confiance », « au gouvernement français à assumer pleinement son devoir de protection, soucieux de la quiétude et de la sécurité dont doivent bénéficier nos ressortissants sur leur terre d’accueil ».

La responsabilité du pays d’accueil, la France en l’occurrence, est ainsi engagé pour protéger les ressortissants algériens. En d’autres circonstances et d’autres temps, c’était l’inverse qui primait. Autres temps, autres mœurs, ce qui explique le fait que l’agence de presse française (AFP) n’ai pas répercuter le communiqué des affaires étrangères algériennes.

Le communiqué résume également l’état d’esprit dans lequel se trouve la relation entre Alger et Paris. Les mots « adversité et épreuve » en disent long sur le délitement des rapports bilatéraux suite notamment à la levée de bouclier de la classe politique française pour demander l’abrogation de l’accord de 1968, relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles. Ainsi, conclu le communiqué, « le gouvernement algérien continue à suivre avec une très grande attention les développements de cette affaire tragique, avec le souci constant d’être aux côtés des membres de sa communauté nationale au moment de l’adversité et de l’épreuve ».µ

Samedi, Nahel a été inhumé dans le carré musulman du cimetière de Nanterre dans la plus stricte intimité familiale.

Depuis Nanterre, la contestation gagne toute la France
Nahel, 17 ans, a été tué par un tir au thorax lors d’un contrôle routier mené par deux motards de la police à Nanterre. Selon une vidéo authentifiée par des médias français, un des deux policiers le tenait en joue, puis a tiré à bout portant. Le témoignage du troisième occupant du véhicule sur les circonstances de l’assassinat de Nahel atteste la piste d’un acte froid et calculé du policier.

Ce qui s’apparentait, jusqu’à ce témoignage clé, à une bavure a provoqué l’embrasement des banlieues françaises. L’assassinat de Nahel mardi soir a entraîné quatre nuits de violences en France notamment en région parisienne, montées d’un cran dans celle de mercredi à jeudi, encore davantage durant la nuit de jeudi à vendredi et plus durant la nuit de vendredi à samedi.

Selon une note des renseignements citée par une source policière, les violences pourraient se « généraliser » au cours des « prochaines nuits », marquées par « des actions ciblées sur les forces de l’ordre et les symboles de l’Etat ou de la puissance publique ». D’ailleurs, 40.000 forces de l’ordre avaient été mobilisées au total, par les autorités françaises sur tout le territoire, dont 5.000 à Paris. Aucun policier ou gendarme n’a été gravement blessé néanmoins. Tandis que 1.311 personnes ont été interpellés. 1.350 véhicules ont été brulés et 234 bâtiments incendiés ou dégradés selon le ministère de l’Intérieur français.

La France connait une recrudescence d’actes de violences d’origine raciste et xénophobe. Selon le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), les crimes ou délits commis en raison de l’ethnie, de la nation, d’une prétendue race ou de la religion ont augmenté de 5 % en 2022, par rapport à l’année précédente, sur l’ensemble du territoire français, a relevé il y a quelques mois le quotidien Le Monde. Des chiffres dans la continuité de 2021, année pour laquelle le ministère de l’intérieur avait déjà relevé une hausse de 13 % des crimes et délits à caractère raciste, xénophobe et antireligieux par rapport à 2019.

Les émeutes qui ont débuté le 27 juin sont les plus importante depuis 18 ans. En 2005, le 27 octobre, une bavure policière ayant provoqué la mort par électrocution de deux adolescents à Clichy-sous-Bois a embrasé toute la France. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy avait décrété l’état d’urgence dans 25 départements.

Les raisons sociologiques d’une radicalisation à la française
Pour la sociologue franco-algérienne Rachida Brahim, plus de 700 crimes et attentats racistes ont été commis en France entre 1970 et 1997. Le point d’orgue a été le meurtre et la défenestration d’un ressortissant algérien de 26 ans, Habib Grimzi, le 14 novembre 1983 à bord du train Bordeaux-Vintimille. Les meurtriers, trois jeunes candidats à la Légion étrangère.

Depuis, ce genre de crime a été quasiment institutionnalisé du fait de sa multiplication et surtout de l’origine policière de ses commanditaires. Rachida Brahim a tenté une explication : « Une catégorie de la population, repérée par des critères dits ethniques (couleur de la peau, traits physiques et culturels), est associée par la police à des corps déviants qui doivent être disciplinés », précise-t-elle. Et la propension à la xénophobie des auteurs de ces actes, notamment les forces de l’ordre, a décuplé à la mesure de la banalisation du racisme et de l’idéologie du Rassemblement National (ex-Front National) islamophobe, algérophobe, nostalgique de l’Algérie française et anti-africaine.

« Pour les quartiers populaires, il y a une cible : des jeunes considérés comme assistés, inadaptés, potentiellement délinquants. Cette construction d’un groupe engendre une relation particulière entre les policiers et les jeunes de banlieue, qui sont fréquemment les cibles de ces violences depuis cinquante ans, sans que ces derniers participent à une quelconque manifestation ou soient en train de commettre une infraction », explique encore la sociologue et auteur du livre « La race tue deux fois. Une histoire des crimes racistes en France (1970-2000) ».

Macron accuse les parents et les réseaux sociaux
A l’issue de la deuxième réunion de crise organisé pour l’occasion, le président français Emmanuel Macron a condamné « avec la plus grande fermeté toutes celles et ceux qui utilisent cette situation et ce moment pour essayer de créer le désordre et d’attaquer nos institutions ».

Pointant du doigt les parents des émeutiers, Macron les responsabilise. « C’est la responsabilité des parents de les garder au domicile, et donc il est important pour la quiétude de tous que la responsabilité parentale puisse pleinement s’exercer. J’en appelle au sens de la responsabilité des maires et des pères de famille. La République n’a pas vocation à se substituer à eux ».

Pour le président français, les plates-formes et les réseaux sociaux « jouent un rôle considérable dans les mouvements des derniers jours ». « Nous avons vu sur plusieurs d’entre elles, Snapchat, TikTok, et plusieurs autres à la fois, l’organisation de rassemblements violents se faire, mais une forme de mimétisme de la violence, ce qui, chez les plus jeunes, conduit à une forme de sortie du réel. Et on a le sentiment parfois que certains d’entre eux vivent dans la rue les jeux vidéo qui les ont intoxiqués ».

Un brin liberticide, Macron a déclaré que les services de l’Etat allaient demander aux plates-formes mentionnées de retirer « les contenus les plus sensibles » et en a appelé à leur « responsabilité », ainsi qu’à leur collaboration pour faire remonter l’identité de ceux « qui utilisent ces réseaux sociaux pour appeler au désordre ou pour exacerber la violence ».

A Paris, le gouvernement n’exclu pas l’instauration de l’état d’urgence pour contenir la contestation.
Entre temps, les transports en commun (bus et tramway) s’arrêtent dans tout le pays à 21h heure locale, et les événements de grande ampleur sont annulés. Une contre-performance pour une France qui doit accueillir les jeux olympiques dans une année. Le Royaume-Uni, quant à lui, met en garde ses ressortissants contre les émeutes en France.

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