Drogue dans le milieu scolaire : Plaidoyer pour plus d’implication de l’Etat
La lutte contre la consommation de drogues dans le milieu scolaire est «une affaire de l’Etat». C’est ce qu’a déclaré au Jeune Indépendant Boualem Amoura, secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (Satef), appelant à redoubler d’efforts pour endiguer ce fléau qui prend des proportions alarmantes.
Aujourd’hui, les établissements scolaires sont envahis par la drogue. Les enfants sont en danger. Et les parents ne cachent pas leur inquiétude. A ce titre, le ministère de l’Education nationale a décidé de réagir, d’intervenir et de prendre les choses en main. Il a annoncé la mise en place prochaine d’un programme de prévention et de sensibilisation.
Cependant, le secrétaire général du Satef a exprimé son scepticisme par rapport à cette initiative qui est, selon lui, « vouée à l’échec », expliquant que « ce n’est pas la première initiative ni la dernière. Il ne suffit pas de mettre en place des programmes, mais encore faut-il pouvoir en assurer le suivi et mettre les moyens pour leur réussite ».
Boualem Amoura a fait savoir que le Satef a discuté, débattu et même fait des résolutions en 2015-2016 sur la question de la violence dans le milieu scolaire, liée à la consommation de drogues, avec la participation de l’ex-ministre de l’Education, les partenaires sociaux, les parents d’élèves, les syndicats et experts. Malheureusement, les solutions proposées n’ont pas été prises en considération et la violence continue aujourd’hui de sévir et de s’aggraver de plus en plus.
Absence de suivi
« Le problème n’est pas dans les initiatives, mais dans l’application et le suivi de celles-ci », a souligné le responsable syndical. Le SG du Satef a expliqué que le phénomène de la drogue dans le milieu scolaire est avant tout une « affaire de l’Etat », et d’enchaîner : « Depuis huit ans, nous avons alerté contre ce fléau et à l’époque nous avons dit que la responsabilité était partagée au niveau du ministère de l’Intérieur, notamment les services de la sûreté nationale, ainsi que la gendarmerie nationale ».
Dans le détail, il a précisé que « le ministère de l’Education ne peut pas faire face à la drogue dans les établissements scolaires, parce qu’il n’a ni les moyens de répression nécessaires, ni les moyens juridiques. C’est pour ça que cette initiative est vouée à l’échec. C’est des effets d’annonces uniquement comme les précédents ». Il a ajouté « que la drogue entre de l’extérieur de l’école, raison pour laquelle il faut faire barrage aux dealers qui rodent aux alentours des écoles ».
Le responsable a indiqué que son syndicat n’a pas été associé à l’élaboration du nouveau programme de prévention et de sensibilisation, estimant que « tous les services de l’Etat doivent mettre la main à la pâte et associer les parents d’élèves. Il a toutefois précisé que « les associations des parents d’élèves sont démissionnaires ».
Le responsable du Satef a donné des propositions, les mêmes que celles formulées l’année scolaire 2015/2016, à savoir la mise en place des caméras de surveillance à l’entrée des établissements scolaires, le renforcement des patrouilles des services de sécurité durant les horaires d’entrée et de sortie des élèves, ainsi que la multiplication des campagnes de sensibilisation.
Pour lui, il est impératif d’ouvrir des postes budgétaires pour recruter dans les établissements scolaires des encadreurs, des accompagnateurs et des psychologues pour une meilleure prise en charge des élèves en détresse ou ceux qui s’adonnent déjà à la drogue.
Le syndicaliste est revenu sur la cigarette, soulignant que « le Satef est le premier et le seul syndicat qui avait alerté sur ce phénomène mais personne ne nous a écouté » a-t-il déclaré.
En guise de conclusion, Boualem Amoura a précisé que c’est à « l’Etat qu’incombe la responsabilité de lutter contre la drogue dans le milieu scolaire ».
Pour rappel, ledit programme de prévention et de sensibilisation élaboré par le ministère de l’Education consiste à distribuer des affiches et dépliants sur les dangers des drogues en vue d’être utilisés dans les établissements scolaires lors des compositions et des examens de fin d’année, prévus du 5 au 7 juin pour le Brevet d’enseignement moyen (BEM) et du 11 au 15 juin pour le Baccalauréat. C’est ce qu’avait fait savoir récemment Said Sadou, inspecteur central de l’Education nationale.
D’aprés lui, le ministère s’emploie, à travers les directions de l’Education et tout au long de l’année, à associer les unités de dépistage et de suivi, afin de garantir la santé et l’intégrité physique et psychologique des élèves, indiquant que « le programme tracé prévoit des sorties médiatiques à l’échelle nationale et locale ».
Le ministère a mis en avant l’aspect pédagogique prévu dans le volet sensibilisation, lequel se manifestera par la consécration des valeurs morales chez les élèves notamment du cycle primaire, puis l’éducation sanitaire pour les apprenants du CEM, et enfin la formation des élèves du secondaire sur la manière de préserver les capacités mentales.
Les enfants en danger
Dans le même ordre d’idées, Nadjia Djilalai, présidente de l’Assemblée populaire de la wilaya d’Alger avait mis en garde contre le phénomène de la drogue dans les établissements scolaires, le qualifiant de « sujet très sensible et tabou ».
Elle a préconisé le diagnostic précoce permettant de sauver des enfants de plus en plus jeunes. Mettant en avant la communication avec l’enfant, la même responsable avait déclaré au Jeune Indépendant que « nos enfants ont une certaine maturité, alors dès que les parents ou l’enseignant détectent des signes d’addiction à la drogue chez les enfants, ils doivent leur parler et les sensibiliser sur les dangers de ce fléau. Ces enfants deviennent alors responsables et cherchent à trouver des solutions, soit auprès de leurs parents, soit auprès de leurs enseignants ou même auprès de spécialistes ».
Pour sa part, Zahra Fassi, spécialiste en éducation et psychologie, avait appelé tous les acteurs à faire un travail de terrain, s’adressant plus particulièrement aux autorités qui, selon elle, doivent élaborer un programme efficient qui vise à mettre définitivement fin à ce fléau.
Elle avait indiqué : « Les chiffres sont alarmants. La drogue est en train de détruire notre société avec son introduction dans les écoles. J’impute cette responsabilité aux forces du mal qui veulent nuire à l’Algérie à travers ses enfants. »
La spécialiste avait cité deux cas. Le premier, celui d’une jeune fille accro à la drogue, et le deuxième, la fugue de sept jeunes lycéennes avec des dealers à Biskra.
Fassi Zahra avait proposé quelques solutions qui pourraient, un tant soit peu, diminuer ce fléau : la révision des programmes scolaires en introduisant des cours intensifs sur les dangers de la drogue, la création d’unités médicales au niveau des établissements scolaires pour diagnostiquer les cas de toxicomanie sur place, l’encouragement du sport scolaire et l’accompagnement de l’Office national de lutte contre la drogue lors de sa visite dans les établissements scolaires.