Dr Belghazi, au Jeune Indépendant : « Les insomnies, l’autre problème du post-Covid »

Si la santé mentale des personnes confinées à cause de l’épidémie de Covid-19 peut être mise à l’épreuve, c’est aussi le cas des malades.
Tel est le constat dressé par les scientifiques et les chercheurs en la matière, qui alertent sur le fait que les personnes infectées par le coronavirus peuvent rencontrer d’autres problèmes de santé. Les troubles du sommeil sont parmi les conséquences physiques et psychologiques fréquemment retrouvées en post-Covid. La prise en charge de ces troubles du sommeil est primordiale. Le Dr Mourad Belghazi, pneumologue, spécialiste en maladies respiratoires et membre de l’AAPSV (Académie algérienne de pathologie du sommeil et de la vigilance), parle, dans cet entretien accordé au jeune Indépendant, de ce problème ainsi que des bons réflexes à adopter pour réguler son hygiène de sommeil.
Le Jeune Indépendant : L’annonce du premier confinement a été vécue comme un choc pour nombre d’entre nous. Privation de liberté, manque d’activités physiques, vie sociale quasi inexistante, déséquilibre financier, craintes pour l’avenir… Le stress de la vie avec la pandémie a sensiblement perturbé nos nuits. Quelles sont les répercussions de ces inquiétudes sur le sommeil ?
Mourad Belghazi : La Covid-19 a effectivement chamboulé la vie sociale et professionnelle de tous. La crainte de mourir nous persécutait tous les jours. Même pour les gens lucides et responsables, un syndrome de stress post-traumatique s’installait progressivement. Les gens se surveillaient et avaient peur de dormir. Le premier confinement a amené les gens à se lever plus tard, donc à se coucher beaucoup plus tard aussi. Conséquence : le rythme s’est décalé et de plus en plus de gens ont aujourd’hui du mal à dormir le soir. D’autant plus qu’ils regardaient beaucoup les écrans, lesquels retardent l’endormissement.
Covid et insomnie sont en effet liés, et certains experts parlent même de « corona-somnie ». Est-ce que vous pouvez nous confirmer l’information ?
Oui, c’est une pathologie ou une association qui peut avoir un rapport avec l’atteinte cérébrale, comme l’atteinte pulmonaire et la Covid-19 ainsi que l’atteinte cardiaque due à la Covid-19 et l’atteinte de tous les systèmes vasculaires. Donc, la Covid-19 peut toucher tous les organes, y compris le cerveau, et engendrer soit des lésions focales comme des AVC, des troubles cognitifs à type de difficultés de concentration et d’attention, des troubles compulsifs oubliés et enfin des somnolences diurnes et des insomnies.
Quelle est la catégorie la plus touchée par ces troubles du sommeil ?
Beaucoup de malades, surtout ceux qui estiment avoir été la cause du décès d’un parent ou d’un proche, continuent d’avoir des remords parce qu’ils étaient des porteurs sains et transmettaient ainsi le virus partout. Les sujets déjà malades sont plus vulnérables.
Justement, la question de la perturbation du sommeil a été au centre du dernier congrès organisé par l’AAPSV dont vous êtes membre. Peut-on avoir une idée sur ce qui a été débattu et quelles sont les conclusions finales de cette rencontre scientifique ?
Le congrès avait comme thème principal le sommeil et les répercussions de la Covid-19 sur ce dernier. Comme je l’ai déjà précisé auparavant, beaucoup de malades ont gardé des séquelles post-Covid type insomnie psychophysiologique, syndrome de stress post-traumatique, anxiété et parfois même dépression. Les statistiques n’ont pas encore tout répertorié en Algérie. Des études à l’avenir pourront nous en dire plus.
Est-il vrai que notre système immunitaire est plus performant lorsque nous dormons bien ?
Notre système immunitaire et notre mémoire sont consolidés pendant le sommeil.
Alors comment retrouver le sommeil pendant cette période compliquée
Nos habitudes ont beaucoup changé pendant la période de la Covid-19 et post-Covid. Les gens sont devenus sédentaires, avec une prise de poids qui a aggravé les choses vu le manque de marche et d’activités sportives. Certains malades demandent de l’aide. Parfois, une simple hygiène de sommeil règle le problème. Par contre, dans d’autres cas, nous sollicitons l’aide d’un psychiatre. Une hygiène du sommeil cohérente repose sur la durée, la régularité et la qualité. Il faut éviter les facteurs qui la perturbent.
En consultation, je conseille à mes patients de reprendre les anciennes habitudes avec une hygiène de sommeil qui consiste à dormir à des heures fixes, de 22 h à 6 h, ne pas s’exposer à des lumières ou les LED (TV, portables, micro…), éteindre toutes les lumières de la maison et dormir dans l’obscurité totale, ne pas prendre de douche le soir avec de l’eau chaude pour ne pas effacer la fatigue cumulée pendant la journée et laquelle nous aide à nous endormir, éviter certains médicaments et excitants le soir (vit C, café, thé, repas copieux…) et pratiquer une activité sportive ou de la marche pendant 40 à 45 mn à raison de 3 fois par semaine. La Covid-19 ayant pratiquement disparu depuis ces derniers mois, les gens commencent à reprendre une vie normale progressivement, sans oublier la pratique du sport en fin d’après-midi.
Ailleurs, en Europe par exemple, on consacre des spécialités qui prennent spécialement en charge les problèmes du sommeil alors qu’en Algérie, on en est encore loin. Selon vous, n’est-ce pas le moment pour les développer, sachant que beaucoup d’Algériens souffrent de problèmes respiratoires pendant la nuit ?
C’est le travail des spécialistes, surtout ceux qui prennent en charge les malades qui souffrent de troubles respiratoires pendant le sommeil, en l’occurrence les apnées du sommeil. De plus en plus, le dépistage et la prise en charge en Algérie se fait par les médecins spécialistes du sommeil.
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