Dr Fethi Benachenhou au Jeune Indépendant : «Il est nécessaire d’instaurer une discipline alimentaire»
Le ramadhan doit être un mois de spiritualité et surtout pas un mois d’orgies alimentaires. C’est ce qu’a déclaré au Jeune Indépendant le Dr Fethi Benachenhou, médecin de santé publique, insistant sur l’impératif d’instaurer une discipline alimentaire.
A l’arrivée du mois sacré de ramadhan, et souvent même bien avant, on a tendance à se focaliser beaucoup plus sur l’alimentation, les soirées entre amis dans les cafés le soir, les sorties familiales. C’est la raison pour laquelle le Dr Fethi Benachenhou, médecin de santé publique, a insisté, dans sa déclaration au Jeune Indépendant, sur les dangers de la déviation du sens initial du mois sacré de ramadhan.
« On associe ce mois à des problèmes alimentaires et ceci est très grave. Ce que l’on observe aujourd’hui, c’est qu’il y a une déviation du sens du ramadhan alors que ce dernier est un mois de spiritualité au sens propre du terme, car il nous permet de nous interroger », a-t-il souligné.
Il a ajouté : « Depuis quelques années, nos sociologues ont fait du ramadhan un branle-bas de combat, comme si l’on se préparait à une guerre, appelant à faire des stocks de viande et de poulet. J’ignore pourquoi on se focalise sur la semoule, l’huile, comme s’il allait y avoir un changement, voire un doublement de la population. C’est justement cette tangente perverse qui fait qu’aujourd’hui, on met le paquet sur le côté corporel ».
Le Dr Benachenhou a par ailleurs évoqué la nécessité de prendre en charge certaines maladies chroniques, en particulier le diabète. « La prise en charge de ces maladies est liée à l’éducation sanitaire permanente, à savoir expliquer ce qu’est un médicament (pourquoi le prendre, la durée d’action), surtout pour les malades qui souffrent d’hypertension artérielle, vu qu’il y a un traitement spécifique pour une durée d’action variable pour chaque traitement, et ce dans le but de ne pas laisser le corps libre, sans traitement pendant la durée du jeûne ».
D’autre part, le Dr Benachenhou a apporté quelques rectificatifs « essentiels », notamment par rapport à l’appellation du mois de « carême », précisant que le mot « carême » désigne une tradition chrétienne, car le mot exact est le mois du « jeûne ».
Dans le même sillage, le médecin de santé publique a précisé que « toutes les émissions culinaires diffusées, avec des décors faramineux, nous font penser que le mois de ramadhan se résume uniquement à parler de la chorba de Constantine, de Blida, d’Oran, de lahrira… Ceci est une tangente perverse qui va nous dépouiller et nous dénuder de la raison d’être du mois de ramadhan si l’on reste dans cet esprit. Je suis profondément perturbé par l’allure que prend ce mois béni ».
S’agissant des malades chroniques, le Dr Benachenhou a fait savoir que ces derniers doivent se préparer un à deux mois avant le mois de ramadhan. « On ne dit pas à un malade chronique d’aller voir un médecin, il faut préciser un médecin traitant. C’est très important médicalement parlant. Cela veut dire que ce malade gère sa maladie. Il est discipliné concernant sa pathologie. Il n’y a pas de déni de celle-ci. On parle de médecin traitant parce que ce dernier le suit d’une façon régulière, et ce tout au long de l’année. Maladie chronique est synonyme de suivi. La prise en charge et l’orientation doivent se faire, ramadhan ou pas, et l’éducation thérapeutique ne doit pas être uniquement prodiguée durant ce mois ».
Selon le Dr Benachenhou, il y a une excitation sur les plats à préparer et il est temps de remettre les pendules à l’heure en arrêtant de parler d’importation de tonnes de viande, de poulet … Cela excite les consommateurs et les pousse à la consommation, s’éloignant ainsi du de la véritable valeur du mois sacré.
« Il est vrai que le ramadhan a un rythme particulier. Sur 11 mois de débauche et d’anarchie alimentaire, caractérisée par la consommation de pizzas, de sandwichs, de cafés, le ramadhan est un mois où, grâce à une discipline spirituelle, ensuite physique, on règle les montres de l’alimentation », a-t-il indiqué.
« Le ramadhan, c’est se préparer à se couper d’un mode alimentaire qui nous domine pendant 11 mois. Mais aujourd’hui, nous observons le résultat inverse : c’est l’excitation non seulement à consommer davantage mais surtout à se goinfrer », a-t-il enchaîné.
En guise de conclusion, le Dr Benachenhou a appelé les autorités publiques et religieuses, les écoles ainsi que les médias à insister sur l’importance d’instaurer une discipline alimentaire.