Dialogue social et guerre contre la spéculation

La 20 tripartite (gouvernement, patronat et syndicat) aura lieu à Annaba le 6 mars. Reportée déjà, son ordre du jour officieux
vient d’être recadré par le chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika.
Alors que les acteurs de la tripartite réfléchissaient sur les moyens d’améliorer et de dynamiser l’économie nationale en « boostant » la mise en œuvre du nouveau modèle économique 2017-2020
dans un contexte de crise des recettes émanant des exportations des hydrocarbures, voilà que la dernière lettre du président
Bouteflika chamboule les calculs des uns et des autres.
Une lettre dans laquelle il instruit aussi bien le gouvernement d’Abdelmalek Sellal que la société entière à faire face à la spéculation et aux politiques commerciales portant atteinte aux pouvoirs d’achat de larges pans de la population. De même qu’il met en exergue, en filigrane, les vertus d’une concertation sociale et du dialogue national.
En fait, les observateurs s’attendaient lors de cette tripartite à un débat-bilan après 8 mois de la dernière rencontre de juin dernier, axé sur la recherche des actions de réhabilitation de la bonne gouvernance, les facilitations pour la création des entreprises dans des secteurs créateurs de richesse, ainsi que l’établissement de règles claires sur un nouveau partenariat PPP (public-privé) d’abord à l’échelle nationale, ensuite internationale.
Il est évident que le modèle économique que le gouvernement veut mettre en œuvre rapidement exige non seulement une législation saine et des dispositifs, mais aussi un management moderne et surtout du pragmatisme à toute épreuve.
Pour le gouvernement, la meilleure des assises pour atteindre l’objectif de la diversification et le maintien de la croissance est d’asseoir le dialogue avec tous les partenaires sociaux. C’est à travers ce dialogue social que le gouvernement pourrait rassembler les forces et créer des convergences dans un contexte marqué par la fragilisation sociale et économique ainsi que par de vraies menaces sécuritaires.
Pour beaucoup, le mode de représentativité est à revoir dans la tradition de ces tripartites, afin de contourner le manque de concertation.
Autrement dit, les décisions sociales et économiques majeures sont prises par le dialogue et par la négociation pour arracher le consensus. C’est-à-dire qu’il est temps d’inviter d’autres organisations syndicales autonomes. Une revendication qui semble prendre de l’ampleur depuis des années, depuis que ces organisations syndicales ont commencé à secouer la vie sociale et politique du pays à travers des sit-in, des grèves et des prises de positions fermes.
Le cas du dossier de la retraite est assez significatif, comme celui de l’éducation ou de la santé. Or, cela concerne également le patronat, même si le Forum des chefs d’entreprise (FCE) se targue d’être le plus représentatif parmi les différentes organisations patronales.
Cependant, au-delà des questions liées à ce modèle économique et comment l’affermir par des actions concrètes, il semble bien que le gouvernement a mesuré l’ampleur de l’économie informelle, un frein à toute politique de relance industrielle, économique et sociale.
Toutes les réformes financières, administratives, politiques et autres ne peuvent se réaliser si ce pouvoir informel demeure tentaculaire, puissant et menaçant même les valeurs de justice sociale et de solidarité nationale. Selon des chiffres officiels, cette sphère informelle accapare plus de la moitié de la superficie économique nationale constituée de capitaux marchands, commerciaux et des services.
Ni l’emprunt obligataire, ni les autres incitations qui frisent l’amnistie fiscale, ni la bancarisation rampante, ni les balbutiements du paiement électronique n’ont eu raison de cette pieuvre.
Pire, ces sphères se nourrissent de la spéculation dans les produits de large consommation et s’attaquent au pouvoir d’achat des citoyens, comme cette flambée inexpliquée et irrationnelle des fruits et légumes.
Cela constitue une menace réelle à la cohésion sociale, beaucoup plus que les autres périls et dangers. C’est cette inquiétude qui est perceptible dans le dernier message de Bouteflika à l’occasion de l’anniversaire de la création de l’UGTA.
Il instruit directement le gouvernement à protéger la population contre « la spéculation », « l’érosion de leurs revenus » et la « dégradation de leur niveau de vie ». Ainsi, il préconise que l’Etat (le gouvernement) se doit d’apporter davantage d’harmonie entre son attachement à préserver le pouvoir d’achat des travailleurs et la régulation du marché et la protection du consommateur.
C’est ce qui explique la sortie récente du ministre du Commerce par intérim, qui dénonça les pratiques de la spéculation qui touchent même les produits subventionnés.
C’est également cela qui poussa le Premier ministre Sellal à convoquer avant-hier un conseil du gouvernement consacré exclusivement aux préparatifs du mois de Ramadhan et donc à la lutte contre la spéculation et la hausse excessive des prix.
Des mises en garde et des avertissements qui devront, aux yeux des observateurs, être sur la table des débats lors de cette tripartite de Annaba. Car la bataille contre la spéculation est devenue une priorité, une urgence, surtout que les citoyens sentent déjà les durs effets des deux dernières lois de finances.
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