Diabète : L’épidémie qui explose

Les Algériens semblent être atteints de plein fouet par les maladies du siècle, notamment le diabète, qui n’épargne aucune tranche d’âge de la population. Une crise silencieuse mais massive, nécessitant une mobilisation nationale immédiate. Samia Zekri, professeure en médecine interne, experte en diabétologie auprès du ministère de la Santé et formatrice en éducation thérapeutique du patient, rappelle que si les autorités ont posé les bases institutionnelles, le succès dépendra de l’engagement de tous : pouvoirs publics, industriels, éducateurs… mais surtout les familles.
Le Pr Zekri a tiré la sonnette d’alarme lors de son intervention, hier, sur les ondes de la Radio nationale, rappelant l’ampleur de la crise. « Effectivement, il y a une ascension, il y a une explosion mondiale du nombre de patients vivant avec un diabète, et l’Algérie n’est pas épargnée », a-t-elle indiqué.
Les chiffres mondiaux sont alarmants, rappelle le Pr Zekri, précisant que dans le monde, 537 millions de personnes vivent actuellement avec le diabète, avec des projections atteignant 783 millions de malades d’ici à 2045. Pour l’Algérie, la situation est particulièrement préoccupante. Elle a révélé qu’une étude menée entre 2016 et 2017 indiquait une prévalence de 14,4 % chez les personnes âgées de 18 à 69 ans, mais la Fédération internationale du diabète (FID) a révélé en 2018 une progression inquiétante, portant cette prévalence à 17,5 %, soit environ 4,7 millions d’Algériens touchés.
Face à cette recrudescence, le ministère de la Santé a réagi en créant un comité multisectoriel, par décret présidentiel, chargé de réduire la quantité de sucre dans les aliments transformés. Une initiative importante, alors que le pays fait face à une maladie silencieuse qui menace la santé et le bien-être de millions de citoyens.
Historiquement, a rappelé le Pr Zekri, l’Algérie avait fixé des taux de sucre élevés (jusqu’à 160 grammes par kilo ou par litre) pour combattre la malnutrition. Les réglementations récentes ont abaissé ce seuil à 110 grammes.
Cependant, elle met en garde contre une pratique insidieuse de l’industrie. « Les industriels, craignant une baisse de ventes, ont souvent compensé cette réduction en ajoutant des édulcorants. Or, les édulcorants sont cancérigènes », avertit-elle. Plus grave encore, ces substituts maintiennent la dépendance au goût sucré, sapant l’objectif de transition vers des sucres lents et une alimentation plus saine.
Pour la spécialiste, la chasse ne doit pas être isolée au sucre, mais doit cibler la triade toxique des « trois blancs » consommés en excès, à savoir le sucre, le sel et la graisse, facteurs clés du surpoids. « Cette triade, lorsqu’elle est consommée en excès, favorise le surpoids et donc les complications métaboliques », a-t-elle averti, soulignant que l’éducation des familles sur l’équilibre alimentaire est donc essentielle pour briser ce cycle.
Les conséquences du diabète sont dramatiques. « C’est la première cause de cécité dans le monde, la première cause des amputations non traumatiques et la première cause de la dialyse », énumère le Pr Zekri. Ces complications, souvent évitables par un dépistage précoce et une gestion rigoureuse, soulignent l’échec de la prise en charge curative et la nécessité de miser sur la prévention.
Pour conclure, l’intervenante a insisté sur le fait que la lutte contre le diabète en Algérie doit être globale et collective. Elle implique les médecins, les autorités, les industriels, les éducateurs, mais aussi chaque citoyen. « Nous devons nous unir, vous et nous, le monde médical, les psychologues, les paramédicaux, tout le monde doit s’unir. »