Deux grandes figures du cinéma algérien, honorées

L’espace du Théâtre régional Kateb-Yacine de Tizi Ouzou était, avant-hier après-midi, en fête. Un hommage a en effet été rendu par l’institution que dirige Ould-Ali El-Hadi et sa fidèle équipe de collaborateurs à deux grandes figures algériennes du théâtre et du cinéma, en l’occurrence Mustapha Preure et Ouahiba Zekkal.
Cette grande dame de la culture n’est autre que la veuve d’un autre géant de cinéma, feu Laârbi Zekkal. Nombre d’artistes évoluant dans les 4e et 7e arts étaient présents à cette manifestation, à l’instar de l’homme au verbe poétique, Abdelhamid Rabia, des Mustapha Ayad, Amar Tayène et son fils Yacine, Abdelkrim Lahbib, Saïd Zannoun et ses deux fils, Hamid et Messaoud, Abdelaziz Farda, Hafidha Bendiaf, Mustapha Ayad, Sabrina Othmane, Ahmed Kadri, Sid-Ali Bensalem, Ouahiba Hadji, Nadjia Laâraf, Messoud Zouaoui, Mustapha Rédha.
Comme de coutume, le programme portant sur la reconnaissance de ces deux vedettes a été d’une richesse indiscutable. Mustapha Preure , du haut de ses 79 ans, affichait une physionomie semblable à celle de Marlon Brando dans le Parrain.
Les témoignages des présents sur les qualités de ces deux artistes, tant sur le plan professionnel que sur le plan individuel, ont démontré qu’ils n’ont pas volé leur statut de star, comme il n’ont pas volé leur grande réputation en tant que citoyens ayant servi leur patrie et la société. En matière justement d’obligation envers la patrie, Mustapha Preure a embrassé le FLN dès le déclenchement de la guerre.
Dès 1955, il a laissé son luxe parisien pour rentrer à Alger, estimant que son utilité pour le FLN était plus grande ici, en Algérie. Son engagement dans le combat libérateur lui a aussi valu l’emprisonnement. Après l’indépendance, Mustapha Preure et Ouahiba Zekkal, plus libres dans leurs mouvements et leurs réflexions se sont engagés corps et âme dans le créneau qu’ils ont toujours aimé : la culture. L’éloge que leur a fait Ould-Ali El-Hadi, lors de son intervention, a été des plus émouvants. Le premier responsable du
Théâtre régional Kateb-Yacine de Tizi Ouzou a saisi cette occasion pour rappeler la noblesse de la culture et des arts. « C’est un devoir pour nous de rendre un hommage à nos artistes et, en même temps, nous rappeler que beaucoup d’entre eux sont morts pour ce pays », a-t-il ajouté. Ould-Ali El-Hadi a également mis l’accent sur les moyens inconditionnels que ses collaborateurs et lui-même ont mis à la disposition de toutes celles et tous ceux qui sont motivés par le développement de la culture et des arts.
Enfin, l’intervenant n’a pas manqué de souligner l’importance de la Journée de l’artiste, fêtée chaque année le 8 juin, date à laquelle (8 juin 1958) l’artiste martyr Ali Meaïche a été pendu par les forces coloniales. Notons enfin qu’Ould-Ali El-Hadi a fait son intervention, laquelle a été fortement saluée, en trois langues : kabyle, arabe et français. Abdelhamid Rabia, l’homme au verbe poétique, a longuement parlé, de Mustapha Preure et Ouahiba Zekkal, mais aussi de la dimension de la culture. Il a parlé également du martyr Ali Meaïche et de sa symbolique.
Beaucoup d’autres personnalités ont pris la parole pour évouquer les deux artistes. Par ailleurs, une pièce de théâtre intitulée Tifi, un produit qui a été préparé dans les ateliers du Théâtre régional Kateb-Yacine de Tizi Ouzou et a été primé par le jury du Festival du théâtre professionnel, a été jouée en l’honneur de Mustapha Preure et de Ouahiba Zekkal.
Cette pièce, écrite et mise en scène par Lyès Mokrab, a été non seulement applaudie par le public, mais aussi grandement saluée par nos stars de cinéma et de théâtre. Notons enfin que fidèles à la coutume, artistes et journalistes se sont retrouvés, après le tomber de rideau de la scène, au salon de l’institution pour une collation et le jeu de questions-réponses.
Dans cet espace intime, nos artistes ont lâché ce qu’ils avaient sur le cœur. Ils ont, à l’unanimité, déclaré que la culture dans notre pays est en danger. Ce qui a fait sortir nos artistes de leur réserve est notre question concernant l’état de santé du cinéma, particulièrement algérien.
C’est Abdelhamid Rabia qui, le premier, a plaidé pour une révision totale de la politique culturelle nationale. L’homme a expliqué en détail les raisons du décalage flagrant entre le cinéma algérien d’autrefois, lequel était bien noté à l’échelle internationale, et celui d’aujourd’hui, réduit à sa simple signification.
A peine notre interlocuteur a terminé d’exprimer sa désolation face « au désastre culturel », Nadjia Laâraf et Messaoud Zouaoui ont pris le relais avec le même air de reproche à l’endroit des autorités en charge de la politique culturelle. Messaoud Zouaoui a déclaré que le Festival du cinéma algérien « n’a de festival que le nom !
Comment parler de festival alors que la production filmique nationale n’est que d’un film par an ? Et pour dire vrai, depuis dix ans, il n’y a pas de production de films ». Et de conclure : « Le Festival du cinéma algérien est destiné en réalité aux cinéastes occidentaux. » Pour sa part, Nadjia Laâraf a jeté la pierre sur l’édition 2015 du Festival cinématographique d’Oran, qui « est beaucoup plus un festival de chant que de cinéma ».
« On y a mis en vedette des chanteurs et non des gens de cinéma », s’est écriée cette grande dame du cinéma. Reprenant la parole, Messaoud Zouaoui est allé dans le même sens que Nadia Laâraf. « Ce Festival d’Oran dit de ״cinéma״ est pour moi un festival de chant, pas plus », a-t-il conclu. Pour sa part, Mustapha Preure, a révélé avec beaucoup d’amertume le « hold-up cinématographique » opéré par les boîtes de production privées, lesquelles sont motivées par l’argent et non par un travail de qualité.
A la question de savoir s’il compte poursuivre sa carrière artistique, il a répondu : « En toute vérité, ces jeunes réalisateurs qui viennent de prendre à présent les commandes, font rarement appel à moi et, bien souvent, je décline leur offre, et ce pour la simple raison que je n’ai jamais trouvé intérêt dans ce qu’ils m’ont proposé. » Mustapha Preure n’a pas caché que « ces réalisateurs » font souvent appel aux personnes de leurs connaissances, souvent des amateurs.
« Cela dit, conclut notre interlocuteur, si un réalisateur, un vrai, venait à me faire une proposition, naturellement, je l’accepterais ». Notons enfin que Mustapha Preure a également désigné du doigt les boîtes privées de l’audiovisuel qui ont négativement bouleversé la politique de diffusion de l’ENTV, leurs motivations premières n’étant autre que l’argent.
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