Dernière chance pour la paix en Libye ?
Des parties en conflit en Libye se sont rencontrées hier à Genève sous l’égide de l’ONU pour tenter de trouver une solution à la grave crise politique et aux violences qui menacent de faire basculer le pays dans une guerre ouverte.
« Il s’agit d’une occasion que les Libyens ne peuvent pas se permettre de manquer », a déclaré mardi la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. « C’est la dernière chance de succès » et « il n’y a pas d’alternative au dialogue », a-t-elle averti.
L’objectif de cette réunion est de tenter de sortir la Libye du chaos dans lequel elle s’est enfoncée depuis le renversement de Mouammar Kadhafi en octobre 2011 par l’Otan. Le pays est passé sous la coupe de milices d’ex-rebelles qui se disputent les territoires de ce vaste territoire désertique et la manne pétrolière.
La situation s’est aggravée ces derniers mois avec deux gouvernements et deux Parlements parallèles, et les deux plus grandes villes du pays, Tripoli et Benghazi (est), sont tombées entièrement ou partiellement aux mains de milices.
Bernardino Leon, le Représentant Spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la Libye et chef de la mission de l’ONU (Misnul), a précisé que « toutes les parties qui sont engagées dans une Libye stable et démocratique à travers des moyens pacifiques » avaient été invitées à Genève.
La Misnul a fait état de la participation de membres du Parlement reconnu par la communauté internationale, dont certains qui le boycottent, de personnalités de la société civile, dont des femmes, et de membres des gouvernements provisoires précédents.
Des membres du Parlement sortant, le Congrès général national (CGN), basé à Tripoli ont été invités mais étaient toujours attendus à Genève.
L’analyste politique Mohamed al Ferjani estime toutefois que ce dialogue risque d’« échouer car l’ONU n’a pas choisi les bons acteurs ». « Les participants sont des politiciens et n’ont aucune influence ou présence sur le terrain », a-t-il précisé, en soulignant que ni le général Khalifa Haftar ni « Fajr Libya » n’ont été invités.
« Fajr Libya » est la coalition formée de milices, notamment islamistes, qui contrôle la capitale depuis août. Elle a accusé dans un communiqué l’ONU de vouloir « internationaliser » le conflit.
Le général à la retraite Haftar, personnalité controversée, a lancé ces derniers mois une opération pour reprendre Benghazi aux mains des groupes armés islamistes qui contrôlent la ville.
La Misnul a précisé que les pourparlers étaient basés sur « le respect de la légitimité des institutions de l’Etat et le rejet du terrorisme ». Ils visent « à sécuriser un retrait progressif de tous les groupes armés de toutes les grandes villes, dont Tripoli ».
« Afin de créer un environnement propice au dialogue », Bernardino Leon a proposé un « gel des opérations militaires pour quelques jours ».
La Misnul souhaite que soit ensuite formé « un gouvernement d’unité qui puisse jouir d’un large soutien ».
La tâche s’annonce particulièrement ardue pour rapprocher les deux gouvernements actuels, celui lié aux miliciens de « Fajr Libya », et l’autre reconnu par la communauté internationale, qui siège à Al-Baïda (1.200 km à l’est de Tripoli). Le pays est également doté de deux Parlements, l’un dans la capitale et l’autre à Tobrouk, à la frontière égyptienne.
La stabilisation du pouvoir est considérée par la communauté internationale comme une étape essentielle pour lutter contre la montée en puissance des groupes islamistes et djihadistes dans le pays.
En l’absence d’une armée et d’une police régulière bien entraînées, des forces loyales au général Haftar et à Abdallah al-Theni, le Premier ministre reconnu par la communauté internationale, mènent des offensives dans plusieurs zones tombées aux mains des islamistes, avec des résultats contrastées.
Abdallah al-Theni a exhorté cette semaine la communauté internationale à accroître son soutien, notamment militaire, à son gouvernement.
« La communauté internationale mène une offensive contre les djihadistes en Syrie et en Irak, mais en Libye, seul l’Etat avec l’armée combat les groupes terroristes et il ne reçoit aucune aide », a regretté Abdallah al-Theni, dont le gouvernement ne contrôle plus que certaines zones et de l’est et l’ouest du pays.