Dernier Opus de Mahdi Boukhalfa: Le Maroc et Nous (Un si difficile voisinage) – Le Jeune Indépendant
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Culture

Dernier Opus de Mahdi Boukhalfa: Le Maroc et Nous (Un si difficile voisinage)

Dernier Opus de Mahdi Boukhalfa:  Le Maroc et Nous (Un si difficile voisinage)

La maison d’édition El Qobia vient de publier, un nouvel ouvrage signé par l’auteur et journaliste algérien Mahdi Boukhalfa : Le Maroc et Nous (Un si difficile voisinage). Ce nouvel opus s’inscrit dans la continuité de Makhzen (Maroc, retour aux années de plomb), publié en novembre 2022, qui explorait déjà les tensions historiques entre Alger et Rabat.

Ancien correspondant de l’APS à Rabat, Mahdi Boukhalfa offre, dans cette série d’ouvrages, un témoignage clair et percutant sur les relations politiques et diplomatiques entre Alger et Rabat, tout en dévoilant les multiples agressions perpétrées par le Makhzen à l’encontre de son voisin.

Ce second volume sur le Maroc aborde tous les « coups de Jarnac » du Makhzen envers l’Algérie. Depuis la nationalisation, jamais indemnisés, des biens des Algériens lors de la crise de 1975, jusqu’à l’agression militaire de 1963. L’auteur revient aussi sur l’affaire de l’avion d’Air Atlas qui devait emmener le 22 octobre 1956 des dirigeants du FLN de Rabat à Tunis, l’introduction du Mossad dans la région du Maghreb et l’assassinat de Mehdi Ben Barka. Boukhalfa ne pouvait pas non plus faire l’impasse sur la traîtrise du roi Hassan II envers les pays arabes et la cause palestinienne lors de la conférence de Casablanca en 1965. Le roi du Maroc avait transmis aux services de renseignements sionistes les enregistrements de l’huis-clos dont l’ordre du jour était la préparation d’une guerre contre l’entité sioniste.

Composé de 17 chapitres, cet ouvrage dépeint avec minutie les nombreuses trahisons et les coups bas orchestrés par Rabat. Il revient sur des moments politiques, militaires et diplomatiques intenses dans la région maghrébine où Rabat a joué le peu recommandable rôle d’agresseur et de traitre aux frères qui avaient combattu ensemble pour la fin de la colonisation française au Maghreb.

À travers des titres évocateurs tels que Tintin et le DC-3 d’Air Atlas, La crise de 1963 : les sables mouvants de Hassan II, ou encore Les biens des Algériens nationalisés, et, 1975, les dessous d’une invasion, Boumediene, Hassan II et Kissinger, Mahdi Boukhalfa retrace les principaux moments de tension entre les deux nations, où le voisin de l’Ouest a toujours joué les trouble-fête et le rôle de serviteur zélé des intérêts de l’impérialisme et du sionisme.

Cet ouvrage de Mahdi Boukhalfa, sans concessions mais avec beaucoup de pondération et de concision, revient en détail sur les dossiers en suspens de la coopération bilatérale entre Alger et Rabat, qui n’ont pas été assainis à fin août 2021, lorsque l’Algérie a décidé de mettre un terme à une relation de voisinage très difficile.

En revenant sur les rêves de construction d’un grand Maghreb unifié, imaginé par les dirigeants algériens, marocains et tunisiens à la fin des années 1950, l’auteur montre comment ce rêve a été trahi par les ambitions personnelles et territoriales de certains dirigeants, notamment le roi Hassan II. Ce dernier, dès son accession au trône en 1961, a systématiquement cherché à étendre son influence, quitte à déstabiliser toute la région.

Espoirs de rapprochements sabotés par Hassan II

L’auteur analyse en profondeur la genèse de ce grand projet, qui aurait dû permettre aux pays de la région de s’unir pour faire face aux défis postcoloniaux. Mais ce rêve d’unité a rapidement été compromis par les revendications marocaines sur des territoires algériens, entraînant des conflits frontaliers qui ont culminé avec la guerre des sables en 1963. À travers des accords non respectés et des ambitions démesurées, Hassan II a lentement mais sûrement saboté tout espoir de rapprochement durable entre les deux nations, condamnant ainsi la région à des décennies de tensions et de méfiance.

C’était à la fin des années 1950, entre deux moments importants de l’histoire au long cours du Maghreb : d’un côté, il y avait l’intensification (armée, idéologique et politique) de la guerre de libération en Algérie ; et, de l’autre côté, les indépendances en 1956 du Maroc et de la Tunisie après la fin du Protectorat français.

Paris avait préféré donner une indépendance politique, de fait, aux deux pays maghrébins, pour garder le territoire algérien, qui, contrairement au Maroc et à la Tunisie, était un département français.

La Libye, dirigée alors par le roi Idriss 1er, avait recouvré son indépendante en 1951. Les dirigeants marocains, et tunisiens, au plus fort, donc, de la lutte du peuple algérien pour son indépendance, pensent déjà à établir les fondements d’un grand Maghreb uni, autant débarrassé des scories de la colonisation, que riche de la diversité culturelle et économique de ses territoires.

« Mais, la réalisation du grand Maghreb arabe unifiée, voulue par les dirigeants de la région à la conférence de Tanger (27-30 avril 1958) s’éloigne à la suite de divers conflits politiques et militaires », dixit Benjamin Stora.

Alors qu’Alger et Rabat étaient en parfaite synergie pour devenir deux grands Etats voisins, forts économiquement, politiquement indépendants et ouverts au monde, les appétits territoriaux du Maroc iront à contre sens du rêve des dirigeants maghrébins, peut-être trop naïfs.

En effet, ce rêve d’unité a rapidement été compromis par les revendications marocaines sur des territoires algériens, entraînant des conflits frontaliers qui ont culminé avec la guerre des sables en 1963. À travers des accords non respectés et des ambitions démesurées, Hassan II a lentement mais sûrement saboté tout espoir de rapprochement durable entre les deux nations, condamnant ainsi la région à des décennies de tensions et de méfiance. L’auteur rappelle aussi que tant que l’Algérie n’était pas encore libre et débarrassée du colonialisme, le Maroc ne pouvait avancer ses pions pour déstabiliser la région : d’abord pour revendiquer arme à la main dès les années 1960 des territoires algériens, ensuite pour envahir en 1975 un territoire, selon l’ONU non autonome, le Sahara Occidental.

Le Maghreb peine à construire son avenir

Le Maghreb, une région qui peine à construire son avenir, les pays qui le composent sont-ils alors condamnés à se tourner éternellement le dos, dans une pathétique posture de pays empêchés de se réconcilier et de penser ensemble leur futur ?

C’est, en tout cas le scénario dramatique, politiquement suicidaire, économiquement désastreux, la copie qu’avait proposée le Makhzen, aussitôt Hassan II monté sur le trône alaouite, le 26 février 1961, aux pays maghrébins, l’Algérie en tête.

Ce Maghreb-là, cette entité politique a été, en réalité, dès le départ minée, sabordée par les visées et les objectifs expansionnistes du Maroc dans une région du continent africain qui se relevait doucement et difficilement, financièrement surtout, des séquelles multiformes d’une très longue et dévastatrice période coloniale.

Le Maroc n’a jamais pensé à s’intégrer et se ranger dans un ensemble régional qui aurait, pourtant, dû se construire juste après la fin de la présence coloniale française au Maroc, en Tunisie et en particulier en Algérie.

Rabat a tout faussé, et a eu tout faux d’ailleurs. Les lubies expansionnistes et les chimères du Makhzen, avec un Hassan II aux commandes, ont, depuis son accession au trône, tracé avec le sang des victimes de ses folies politiques les lignes de démarcation d’un Maghreb dont l’avenir plongeait alors dans une période de tensions et de bruits de botte.

Dans une profonde impasse politique qui a désespéré l’intelligentsia maghrébine et africaine de voir un jour les choses revenir à l’endroit, et la région entrer enfin de plain-pied dans une ère de prospérité partagée.

Ainsi, Le Maroc et Nous (Un si difficile voisinage) s’impose comme une lecture incontournable pour qui veut comprendre les ressorts historiques et contemporains de cette relation difficile entre Alger et Rabat, et, surtout, de mettre au jour certains secrets bien gardés par le Makhzen et ses protecteurs, le Mossad et les services de renseignements impérialistes, la CIA en particulier.

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