-- -- -- / -- -- --


Nationale

Déperdition scolaire : A qui la faute ?

Déperdition scolaire :  A qui la faute ?

La déperdition scolaire prend de plus en plus d’ampleur en Algérie. Une situation qui inquiète et interpelle. Le nombre annuel d’exclus de l’école est effarant, selon les associations de parents d’élèves, ce qui reflète une défaillance du système éducatif et de toutes les composantes de la vie scolaire. Les organisations syndicales tirent la sonnette d’alarme et appellent à une refonte du système éducatif.

Peu d’études et d’analyses ou de chiffres parlent de ce phénomène ou le décortiquent, mais ce qui est évident, c’est que le décrochage scolaire volontaire ou involontaire est un mal qui influe négativement sur l’ensemble de la société. A qui incombe cet échec ? A l’élève, à l’enseignant, à l’école, au système éducatif ou à l’ensemble de ces intervenants ? Quelles en sont les raisons et comment y remédier ?  Autant de questions auxquelles il est important de trouver des réponses.

Contacté par le Jeune Indépendant, le pédagogue et ancien enseignant de mathématiques Bachir Hakem a énuméré les maux du secteur liés notamment au « dilemme des cours particuliers » ainsi qu’aux différentes « raisons qui mènent à l’abandon scolaire ». Ce dernier problème doit être, selon lui, une préoccupation majeure impliquant l’ensemble de la population et les pouvoirs publics pour minimiser les causes.

Hakem a indiqué que les organisations syndicales et les associations de parents d’élèves ont tiré la sonnette d’alarme depuis plusieurs années sur le problème du décrochage scolaire, « mais malheureusement, pour le moment, rien n’a été fait », a-t-il regretté, estimant que le succès d’un système éducatif ne se calcule pas en fonction des chiffres des taux de succès des candidats aux examens mais à celui des échecs et du taux de déperdition.

Le pédagogue tient à souligner que la déperdition scolaire ne concerne pas uniquement les élèves exclus de l’école mais aussi ceux qui ont « réussi sans mérite » et qui viennent grossir les rangs des lycées et de l’université pour, finalement, abandonner.

« Nous nous sommes souvent contentés des taux de réussite affichés chaque année sans tenir compte du fait que parmi ces bacheliers, plus de 50 % échoueront en première année universitaire pour différentes raisons. Un grand nombre d’entre eux bloqueront leur année pour refaire leur bac, car leur choix ne leur convient pas », a-t-il fait savoir.

Les raisons de l’échec 

Plusieurs raisons sont à l’origine du décrochage scolaire, a expliqué le pédagogue, qui cite, entre autres, les cours particuliers qui sont, selon lui, l’une des causes de l’échec scolaire car, a-t-il dit, ils ont fait en sorte que l’élève se désintéresse de l’école, de plus, l’enseignant fournit plus d’efforts lors des cours particuliers qu’à l’école. « Les élèves suivent des cours particuliers chez leur enseignant de l’école et cela veut tout dire, d’où l’échec scolaire », a-t-il conclu.

 D’après M. Hakem, plus de 90 % des parents font appel aux cours particuliers, pensant, a-t-il dit, sauver leur progéniture ou arriver à avoir la conscience tranquille vis-à-vis d’eux. « Mais, malheureusement, parmi eux, plus de 50 % échouent au baccalauréat. Ces parents ont oublié que ces cours ne sont qu’un outil complémentaire à l’apprentissage scolaire des enfants et que la base de la formation se fait à l’école », a-t-il souligné, ajoutant que, l’élève, avec la complicité de ses parents, préfèrent se baser sur les cours particuliers au détriment de ceux qui se font à l’école.

Une situation qui a fait, selon lui, que l’élève n’a, aujourd’hui, plus de considération pour l’enseignant et pour l’école. « Les cours particuliers se sont éloignés de leurs objectifs chez les parents et les élèves, c’est devenu un moyen de corruption pour faire réussir l’élève. Pendant tout le parcours scolaire, l’élève cherchera à prendre des cours particuliers chez son propre enseignant et ce n’est qu’en terminale que, souvent, il changera de professeur », a-t-il fait savoir.

Programme scolaire mal adapté 

L’autre problème soulevé par M. Hakem est celui du programme scolaire qui est, selon lui, mal adapté au niveau de plus de 50 % des élèves, et ce pour tous les cycles. « Chaque année, et surtout dans les classes d’examen, les inspecteurs, les enseignants et le ministère cherchent à terminer les programmes dans les temps, quels que soient les moyens. L’enseignant s’engage dans une course contre la montre du fait qu’il doit terminer le programme aux dépens des élèves », a-t-il fait savoir.

Il a déploré le fait que même si beaucoup de moyens sont mis à disposition et qu’il y a une mobilisation générale de tout le pays lors des 5 jours d’examen du baccalauréat, les résultats demeurent très faibles et en deçà des attentes, aussi bien des parents d’élèves que du ministère. « Là aussi, tout un chantier reste à faire en faisant appel aux hommes du terrain », a-t-il déclaré.

Le parcours scolaire de l’élève et le gonflement scolaire, selon le syndicaliste, ont aussi une part de responsabilité dans cet échec. « Le cursus scolaire d’un élève ne reflète pas son niveau et, souvent, ses résultats sont grandement gonflés par certains enseignants. Cela peut être vérifié par les résultats en quatrième année moyenne, qui permettent à la plupart d’être admis en classe de seconde sans avoir obtenu le BEM. Une façon de rattraper leur très faible note à cet examen », a-t-il expliqué.

Hakem regrette le fait que le gonflement des notes soit devenu un phénomène naturel avec la complicité des parents d’élèves qui, selon lui, cherchent à inscrire leurs enfants chez leurs enseignants pour suivre des cours particuliers et dans toutes les matières, et ce afin de garantir la réussite de leur progéniture car, a-t-il dit, ils savent que même si leur enfant n’a pas le niveau, son professeur s’arrangera pour qu’il soit admis.

Pour l’ancien prof de maths, l’orientation scolaire est l’une des raisons de l’échec scolaire de l’enfant car celle-ci ne se fait pas forcément selon les capacités ou le profil de l’élève puisque plusieurs facteurs peuvent intervenir dans les décisions, particulièrement l’intervention non pédagogique externe.

Par ailleurs, Bachir Hakem a parlé de la discipline à l’école qui, selon lui, est le facteur essentiel de la réussite de l’élève. « C’est le principal critère auquel doivent obéir tous les acteurs de chaque établissement scolaire, qu’il soit administrateur, enseignant, parent d’élève ou élève », a-t-il soutenu.

Abondant dans le même sens, il a fait remarquer que les parents d’élèves et les élèves eux-mêmes n’ont plus de considération vis-à-vis de leurs enseignants ni de leur école comme avant. « A partir de là commencent l’indiscipline, la violence et la tricherie en toute impunité », a-t-il regretté.

Pour une refondation du système scolaire

Avant de proposer des réformes, M. Hakem a appelé à l’impératif de trouver les solutions radicales à la discipline dès le primaire et de créer des établissements scolaires pour les enfants indisciplinés et difficiles à gérer, ainsi que l’obligation de redonner l’autorité pédagogique à l’enseignant. « La discipline et le civisme sont les seuls moyens de combattre la violence à l’école. Une école sans discipline ne produira que des citoyens violents et irrespectueux des lois. La violence dans la rue, dans les stades ou dans les transports, la corruption, les racketteurs ne sont que le produit de l’école où l’impunité s’est développée », a-t-il déploré.

Parmi les solutions proposées, M. Hakem a cité la refondation de tout le système scolaire et a appelé à redonner l’autorité pédagogique à l’enseignant. « Nous devons élaborer une réforme suivant notre situation et non pas suivant des théories importées », a-t-il recommandé. Il a également insisté sur l’importance de revoir le statut de l’enseignant, son salaire, redonner à l’école publique son dynamisme et surtout trouver des solutions aux cours particuliers qui, aujourd’hui, sont devenus un frein au développement de l’école. « Il faut trouver les moyens pour motiver les enseignants dans l’école et « re-discipliner » l’élève à l’école en le motivant », a-t-il estimé.

 

 



Allez à la page entière pour voir et envoyer le formulaire.

Email
Mot de passe
Prénom
Nom
Email
Mot de passe
Réinitialisez
Email