De l’usage des contrevérités comme soft power : Quand Israël remercie le Maroc

Voilà comment des contrevérités démenties par des réalités historiques sont assénées par la propagande et amplifiées démesurément.
Isaac Herzog est devenu le premier chef d’Etat israélien à saluer, au nom de l’entité sioniste, la mémoire du roi du Maroc, Mohammed V, pour ses actions durant de la Shoah. Cette dernière dénommée également holocauste est l’entreprise d’extermination systématique, menée par l’Allemagne nazie contre les juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, pour différentes raisons, notamment dans les régions germaniques et en France.
Le président Herzog a saisi l’occasion du deuxième anniversaire des accords d’Abraham, signés entre Tel Aviv et Rabat en décembre 2020, pour envoyer une lettre au roi Mohamed VI, le félicitant de cet accord. Il en a profité pour remercier Mohamed VI au nom d’Israël pour sa promotion des relations bilatérales, son travail de longue date pour préserver le bien-être de la communauté juive du Maroc.
Dans un long message fort significatif, le président de l’entité sioniste a indiqué que « lorsque des millions de Juifs ont été confrontés aux horreurs de la Shoah au XXe siècle, le roi Mohammed V a offert un refuge sûr à ses sujets juifs ».
« A l’occasion du deuxième anniversaire de l’adhésion du Maroc aux accords d’Abraham, l’Etat d’Israël et le peuple juif tiennent à exprimer leur gratitude et leur appréciation à Votre Majesté et au peuple marocain qui, depuis des générations, agissent pour protéger la sécurité, le bien-être et le patrimoine culturel de la communauté juive du royaume », a écrit le dirigeant israélien.
Ce dernier n’a pas manqué de souligner que c’est sous le règne de Mohamed VI que « le caractère hébraïque du Maroc a été reconnu dans la Constitution du royaume ; que les institutions communales juives de tout le pays – des synagogues aux cimetières – ont été rénovées ; et que la négation de la Shoah a été dénoncée par vos propres déclarations désignant la « solution finale » comme ‘l’un des chapitres les plus tragiques de l’histoire moderne’. Et c’est sous votre règne que la normalisation des relations entre nos deux pays a déclenché une floraison de partenariats entre nos gouvernements et nos peuples », a-t-il poursuivi.
Dans sa lettre, le président Herzog a par ailleurs souligné les efforts du père du roi Mohammed VI, le roi Hassan II, qui a noué des liens avec Israël, et de son grand-père, le roi Mohammed V, dont la communauté juive marocaine se souvient pour avoir protégé et sauvé les juifs des nazis durant la Seconde Guerre mondiale.
« Où qu’ils soient, les Juifs marocains se souviennent avec fierté et affection de la mémoire de votre grand-père, Sa Majesté le Roi Mohammed V, dont on se souvient comme le protecteur et le gardien des Juifs dans son royaume. Nous rappelons également la contribution vitale de votre défunt père, Sa Majesté le Roi Hassan II, qui a joué un rôle essentiel dans la construction des fondations de la paix sur lesquelles repose désormais notre avenir », a encore écrit le président israélien.
Il faut rappeler que durant l’occupation du territoire français par l’armée allemande, le gouvernement de Vichy a lancé une politique d’arrestation massive des juifs. Des milliers ont été déportés dans des camps d’internement.
Mohamed V n’a jamais sauvé les juifs
Le Maroc était sous protectorat français, mais en réalité, selon nombre d’historiens, le régime de Vichy affaibli et divisé dans ses colonies n’a lancé aucune menace contre la communauté juive qui vivait dans le royaume. D’ailleurs, c’est en Algérie que les juifs étaient plus nombreux. Durant la même période, il faut souligner que le recteur de la Mosquée de Paris, l’Algérien Benghabrit avait sauvé plusieurs centaines de juifs résidents en France de la déportation vers les camps de travail en Europe de l’Est.
Selon l’historien français Georges Bensoussan, auteur de plusieurs écrits sur l’histoire des juifs en pays arabes, le sultan Mohamed V « ne fait preuve d’aucune détermination à défendre les juifs : il ne rencontre les dirigeants de la communauté juive qu’une seule fois et en privé, au printemps 1942, pour leur dire qu’à titre personnel, il désapprouve les mesures de Vichy. En revanche, à titre officiel et publiquement, il ne prend aucune mesure en faveur des Juifs. Pire, il traduit les statuts des juifs en dahir chérifien ! ». C’est lui d’ailleurs qui a signé trois décrets royaux antijuifs, qui leur interdit explicitement l’accès à la fonction publique, y compris l’enseignement, l’interdiction d’exercer un grand nombre de professions dans la finance, les arts, le cinéma, la presse, ainsi que les fonctions de médecin et d’avocat. Le troisième décret, signé le 19 aout 1941, est incontestablement le plus ségrégationniste puisqu’il ordonne aux juifs marocains de quitter leurs domiciles en « ville nouvelle » (secteur européen) pour réintégrer les mellahs des médinas, populaires et exigus.
Pourquoi Tel Aviv encense une histoire qui n’existe pas ? Il faut dire que depuis l’établissement, en décembre 2020, des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, le rôle du roi Mohamed V durant la seconde guerre mondiale est devenu une arme du soft power que le royaume déploie pour légitimer et assoir la « normalisation » des rapports entre les deux pays, qualifiés d’« historiquement à part ». C’est aussi un argument officiel du Makhzen pour faire passer la pilule de la normalisation. Comme le mensonge est érigé en doctrine établie par le Maroc, en imaginant toute une fresque romancée, on présente maintenant le royaume du sultan Mohamed V comme le seul pays à avoir véritablement épargné à « ses » juifs la lâcheté vichyste.
Il faut dire aussi que la propagande officielle, qui tend à présenter le grand-père de l’actuel roi comme le « sauveur des juifs » marocains, est épaulée par une poignée d’intellectuels, responsables politiques et journalistes proches du palais. Des écrivains rendus célèbres par le système éditorial franco-juif, comme la marocaine Leila Slimani ont milité dans cette mythomanie.
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