Crise économique et chômage : Le pain rassis, une mine d’or…

Ils sont de plus en plus nombreux à rejoindre les groupes d’enfants «spécialisés» dans la collecte du pain rassis. Une activité qui semble faire du chemin à Annaba-ville, en ces temps de crise économique.
Si durant l’année dernière c’étaient beaucoup plus les vieux, ou du moins des personnes adultes, qui s’adonnaient à ce «travail» pour subvenir, pour une bonne partie d’entre eux, aux besoins de leurs familles, particulièrement durant la période d’été, aujourd’hui, ce sont les plus petits qui accomplissent leur besogne, à longueur d’année, avec un savoir-faire étonnant.
Faisant du porte-à-porte, ils répètent à longueur de journée la même phrase « Du pain rassis s’il vous plaît, du pain rassis s’il vous plaît ». Ils sont généralement bien accueillis par les ménagères, soulagées de pouvoir donner cette denrée alimentaire de large consommation à ceux qui en feront bon usage au lieu de s’en débarrasser en la jetant dans les poubelles.
Ammi Mohamed, un vieillard versé depuis de longues années dans ce commerce, s’installe quotidiennement juste devant la station d’essence jouxtant le marché de fruits et légumes d’El-Hattab. Il indique que le chômage et le dénuement l’ont poussé à opter pour cette activité. «Très tôt le matin, je sillonnais quartiers et cités de la ville, réveillant parfois brutalement par mes cris ceux qui ne semblaient pas comprendre ce qu’il leur proposait. Cela fait pratiquement vingt ans que j’exerce ce métier», dit-il avant de signaler qu’aujourd’hui, ses enfants et même ses petits-enfants l’assistent dans sa tâche, qui permet de nourrir tout le monde. D’un côté, la ménagère est contente parce qu’elle se débarrasse du pain rassis que ses enfants et même son mari refusent de manger, et de l’autre, «ce pain nous permet à nous, de répondre à nos besoins.
Outre le porte-à porte à travers les quartiers et cités de la ville, nos petits vendeurs ciblent également, dit-il, les boulangeries, les restaurants et même les salles des fêtes. Certes, dans ce cas, le pain rassis n’est pas «offert» mais vendu à un prix dérisoire, selon un accord verbal dûment rempli par les deux parties. Ils se présentent régulièrement à des heures préalablement fixées par les «vendeurs» de quantités impressionnantes de pain rassis, avant de repartir avec des sacs attachés par des sachets ou des fils, laissant quand même apparaître les morceaux de baguettes.
Rachid, un petit de douze ans, maigrichon et au parler direct et sans ambages a avoué que, depuis que son père est atteint, il y a près de trois ans, d’une maladie incurable et que sa mère est devenue handicapée après un accident de la circulation, il s’est vu obligé de prendre en charge sa famille composée d’une dizaine de bouches à nourrir, ou du moins à essayer de les contenter. «Ce fut dur, avoue-t-il, surtout durant les premières semaines. Mais c’est grâce à ce commerce que ma famille arrive à subvenir à ses besoins les plus essentiels.
Qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il y ait un soleil torride et insupportable, je prends quand même mon sac, tôt le matin, déambulant et frappant à toutes les portes dont plusieurs m’ouvrent le chemin de l’espoir». Ce petit entend même, affirme-t-il, agrandir son commerce en inculquant les ficelles de ce métier à ses frères. «De grandes quantités de pain rassis sont quotidiennement jetées par les ménagères qui semblent presque soulagées de nous voir venir les débarrasser de ce pain pourtant tant chéri. Tant qu’il y aura du pain rassis, produit alimentaire très prisé par les Algériens, qui sont de gros consommateurs de pain, cela est susceptible de permettre de nourrir des tonnes de familles nécessiteuses.
Cette activité continuera, faut-il en convenir, à sévir avec tous les risques et dangers guettant ces petits enfants, qui vont à l’aventure en quête de pain rassis. Enfin, il convient de noter que le pain rassis est par la suite vendu aux différents éleveurs de poulets et de bétail qui s’en serviront comme aliment pour ces derniers.
Allez à la page entière pour voir et envoyer le formulaire.