Crise au Niger: Trois scénarios et des incertitudes

Prévue ce samedi à Accra (Ghana), une réunion des chefs d’état-major des pays membres de la Cédéao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) a été reportée. Cette réunion avait comme principal objectif la mise en place de « plans et d’options » pour le déploiement d’une force d’intervention pour rétablir le président nigérien Mohamed Bazoum renversé par un coup d’Etat le 26 juillet.
Selon plusieurs sources médiatiques, cette réunion devait se tenir deux jours après un sommet de la Cedeao à Abuja qui a autorisé une possible intervention militaire pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger.
Selon de nombreux observateurs, aucune raison n’a été évoquée sur ce report inattendu. Les experts militaires demeurent sceptiques sur cette option de l’intervention au Niger, alors que les préparatifs d’un tel déploiement n’ont pas commencé. Selon leurs analyses, une telle intervention exige du temps, le choix d’un mode opératoire et un ciblage précis ou des objectifs tactiques et stratégiques à atteindre.
De plus, une telle intervention dans un pays dont la superficie est grande, exige aussi une mobilisation de plusieurs unités de l’armée de terre, des blindés, des forces mécanisées et de l’artillerie lourde et légère, ainsi que des escadrilles d’avions de chasse, de bombardiers, des hélicoptères d’attaque, des avions de reconnaissance.
Selon un expert militaire africain, la Cédéao devrait mobiliser au moins 15000 hommes dans cette opération qui pourrait durer dans le temps. De plus, ce déploiement exige également une logistique appropriée et un plan concis et détaillé. Les chefs militaires de la Cédéao n’ont pas encore dévoilé le moindre détail sur la stratégie préconisée dans cette intervention. Ils n’ont pas également mis à jour un calendrier de cette intervention et ses modalités.
Mais selon le président ivoirien Alassane Ouattara, dont le pays contribuera à cette force, elle devrait pouvoir se produire « dans les plus brefs délais ».
La Cédéao a toutefois réaffirmé son espoir d’une résolution par la voie diplomatique : le président du Nigeria, Bola Tinubu, qui assure la présidence tournante de l’organisation, a dit espérer « parvenir à une résolution pacifique », un recours à la force n’étant envisagé qu’en « dernier ressort ».
Or, la voie diplomatique semble être dans une vraie impasse. Aux résolutions fermes des chefs d’Etat de la Cédéao, les putschistes montrent une détermination à ne pas lâcher le pouvoir. Signe de cet entêtement, la junte a annoncé le jour du sommet de la Cédéao la nomination d’un nouveau gouvernement. Ce cabinet est composé de 21 ministres et est dirigé par le Premier ministre intérimaire Lamine Zeine Ali Mahamane, qui sera également ministre de l’économie et des finances.
Quels scénarios pour l’avenir
Pour les observateurs, c’est encore l’expectative, car des décisions cruciales sont à prendre de part et d’autres. Des sanctions contre les putschistes ont déjà été imposées et la fourniture en électricité à partir du Nigeria a été coupée, ainsi que les frontières, ce qui signifie que les marchandises n’arrivent plus et que le pays enclavé a perdu l’accès aux ports.
Que va-t-il se passer si les tensions s’exacerbent sur les plans politiques, diplomatiques, militaires et socio-économiques ?
Des sources avancent l’option d’un établissement d’un nouveau délai octroyé par la Cédéao aux putschistes de Niamey. Mais cela comporte déjà un risque. Les dirigeants de la Cédéao craignent que cela puisse être perçu comme une faiblesse et une reculade. Or, les efforts de médiation de l’Union africaine, de la Cédéao et même de l’ONU ont échoué.
Peu de résultats ont été obtenus par des émissaires envoyés négocier avec les putschistes. Un vrai problème, d’autant que le nouveau pouvoir au Niger a développé un discours anti-occidental et surtout anti-français. Même les Etats de la Cédéao n’ont pas échappé à leurs critiques. Dernièrement, l’UA, l’UE et d’autres pays s’inquiètent du sort du président renversé Mohamed Bazoum et exigent encore sa libération.
D’autres milieux diplomatiques estiment qu’il faudra négocier en toute urgence sur l’option de la mise en place d’un calendrier de transition. Il s’agirait de jouer sur le calme et la stabilité en trouvant un terrain d’entente. Négocier un retour à un régime démocratique serait une sortie de la crise.
On préconise que c’est le rôle de l’UA de faire les pressions nécessaires pour ces pourparlers. Les modalités de ce calendrier comportent quelques conditions, comme la libération du président Bazoum et d’autres détenus politiques. Sur ce point, il faut rappeler que le bloc ouest-africain a déjà approuvé des transitions démocratiques comme au Mali et au Burkina Faso, qui ont connus des coups de force dernièrement. Cette option est dure et n’est pas garantie par des élections libres et transparentes, mais elle demeure la plus pacifique.
Enfin, il reste l’option militaire, que la Cédéao a laissée ouverte comme une possibilité, si Bazoum n’est pas réintégré dans ses fonctions et que l’ordre constitutionnel n’est pas rétabli.
Cependant, une telle option est très risquée pour plusieurs raisons, selon l’avis de militaires. D’abord, le Niger est géographiquement le plus grand pays d’Afrique de l’Ouest, donc y envoyer des troupes serait une perspective difficile. Ensuite, le Nigéria fait face à une multitude de problèmes sécuritaires, notamment dans le nord avec les groupes terroristes. Engager des troupes dans des opérations d’envergure au Niger serait un véritable pari pour l’état-major.
Enfin, il existe la menace de voir le Mali et le Burkina Faso se solidariser avec les militaires de Niamey. Dernièrement, ils ont déclaré qu’une intervention militaire au Niger serait considérée comme une « déclaration de guerre ».
Le risque d’une guerre régionale généralisée est établi par les observateurs, si la population locale est contre toute intervention. Or, les nombreux liens historiques et ethniques, avec des populations de ces régions parlant la même langue, pourrait chambouler les calculs des états-majors de la Cédéao.
Selon l’indice Global Fire Power, le Nigéria compte à lui seul environ 135 000 soldats actifs, tandis que le Niger en compte environ 10 000, mais cela ne signifie certainement pas qu’une invasion serait facile.
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