Corruption au sein du Parlement européen : Les preuves s’accumulent contre le Maroc
L’enquête déclenchée par le parquet fédéral belge sur le scandale de corruption au sein du Parlement européen suit toujours son cours. Chaque jour, de nouvelles révélations sont diffusées par les médias occidentaux sur ce retentissant scandale, qui a mis à jour le système de corruption bâti par les services du Maroc dans les institutions européennes.
Les réseaux tissés depuis des années par ce système, au moyen de cadeaux, de voyages payés par le Maroc et de pots-de-vin, démontrent comment le palais de Mohamed VI a voulu noyer le dossier de son occupation militaire du territoire du Sahara occidental.
Pire, cette méthode de corruption visait également à mobiliser ce Parlement européen pour s’attaquer directement à un pays voisin, comme l’Algérie, à chaque fois que c’est nécessaire, notamment sur des dossiers liés aux questions des droits de l’homme.
Ce mardi 20 décembre, de nouvelles fuites de l’instruction belge clarifient encore mieux l’étendue, l’ampleur et la gravité de cette vaste opération de corruption par le Maroc. En effet, la liste des eurodéputés accusés d’avoir touchés de l’argent et reçus des cadeaux, en contrepartie de services rendus, vient de s’allonger. Parmi eux, l’ancien maire d’Hellemmes, en France, Gilles Pargneaux, qui vient d’être enfoncé par son ex-collègue portugaise au Parlement européen, Ana Gomes (2004-2019), laquelle le taxe de « lobbyiste effronté du Maroc ». Cette personne a déjà été citée par les enquêtes menées par des médias français, comme le Journal de Dimanche ou la chaîne d’information BFM TV.
Selon les conclusions de la chaîne BFM TV, l’ex-eurodéputé français, qui était durant ses deux mandats (2009-2019) à la tête du groupe d’amitié UE-Maroc, une structure informelle chargée de tisser des liens entre l’Union européenne et le royaume, recevait, « durant ses visites régulières au Maroc, des cadeaux », affirmant que « des photos des cadeaux existent sur son compte Facebook ».
Cet ancien député est connu pour son engagement entier en faveur des thèses marocaines. Il convient de souligner que la réception de cadeaux est une pratique encadrée au sein du Parlement européen, selon un « code de conduite » adopté en 2011, interdisant aux eurodéputés d’accepter, de la part des lobbies, des cadeaux matériels ou immatériels d’une valeur supérieure à 150 euros.
Sahara occidental, Maroc-UE, Union africaine, droits de l’homme, détenus sahraouis de Gdeim Izik, entre autres, « il n’y a pas un sujet pour lequel l’eurodéputé ne mouille la chemise pour défendre haut et fort les thèses de Rabat », a souligné le média français BFM TV, rapportant des écrits d’un site d’information marocain de mai 2017.
Allant dans le même sens, le sénateur socialiste français du Nord, Patrick Kanner, qui a longtemps côtoyé Pargneaux au sein de la fédération PS, a assuré que ce dernier « a toujours montré son affection pour le Maroc et les autorités marocaines », lui qui est marié à une Marocaine et a adopté des enfants marocains.
Il y a quelques années, dans une interview donnée à un site d’information marocain, Gilles Pargneaux a déclaré que le Maroc devait avoir « une présence accrue au Parlement européen ».
Après avoir quitté le Parlement européen en 2019, il a fondé une ONGONG Une organisation non gouvernementale (ONG) est une association à but non lucratif, d'intérêt public, qui ne relève ni de l'État, ni d'institutions internationales qu’il préside aujourd’hui. C’est « avec un homme qui lui avait remis une décoration dans le passé », au Maroc, qu’il a mis sur pied cette fondation, a précisé l’enquête du JDD. Si cette structure dit avoir « pour vocation de renforcer et promouvoir un espace Europe-Méditerranée-Afrique cohérent », des accusations sont portées contre elle sur sa véritable fonction, note le média.
Il rappelle, à ce titre, que l’ONG Western Sahara Resource Watch (WSRW), qui active à Bruxelles, parle notamment de « lobbying » pour qualifier les activités de l’ONG incriminée.
Maintenant, avec l’arrestation des eurodéputés et leurs dépositions actuelles, ainsi que les témoignages recueillis par des médias, on en sait un peu plus sur les méthodes scabreuses du Makhzen pour soudoyer des responsables et des parlementaires dans les institutions occidentales. L’implication des services marocains et de leurs agents est avérée. Rabat verse des pots-de-vin, offre des cadeaux et des voyages gratuits en vue d’obtenir le soutien européen dans la question du Sahara occidental.
« Si le Maroc était dans son bon droit, il n’aurait pas besoin de corrompre qui que ce soit », soutient Fatima Mahfoud, la représentante du Front Polisario en Italie, dans une interview accordée à l’agence de presse Adnkronos. L’an dernier, la Cour européenne de justice a annulé les accords de pêche passés entre l’Union et la monarchie marocaine. « Il a été établi que si quelqu’un veut faire affaire avec le Sahara occidental, notamment sur la pêche, il ne doit pas s’adresser au Maroc. Le fait qu’il y ait des pressions pour tenter de contourner cette sentence n’est pas une bonne nouvelle, si les accusations sont confirmées », conclut Fatima Mahfoud, en référence au scandale, qui a éclaté il y a plus d’une semaine.
Reste à savoir jusqu’où ira cette vaste enquête lorsqu’on sait que sept services de renseignement de pays européens ont collaboré dans cette opération de démantèlement (France, Espagne, Italie, Belgique, Allemagne, Grèce et Pays Bas). De possibles ramifications risquent d’être dévoilées prochainement dans d’autres pays et dans d’autres institutions.